Politique 26 octobre 2021

Le manque d’entretien des traverses ferroviaires fait rager des producteurs

Des agriculteurs qui doivent traverser un chemin de fer afin de se rendre à leur terre enclavée se sentent coincés par les compagnies ferroviaires qui ne veulent pas assumer l’entretien des traverses privées ou encore souhaitent leur refiler une facture salée.

« Sur nos traverses, il manque souvent de la roche ou les morceaux de bois [qui forment la traverse] ne sont pas assez longs ou sont brisés. Ils ne les entretiennent pas. Ils ont même changé les rails et ont laissé les vieilles sur le côté, ce qui a bloqué nos traverses. On les appelle, mais ils ne viennent pas. Ils se foutent pas mal de nous autres », exprime le producteur de grandes cultures Stéphane Lamoureux, de la Ferme L. et H. Lamoureux à Saint-Philippe, en Montérégie. Sa sœur Nathalie, également copropriétaire, ajoute que le Canadien Pacifique (CP) leur demande maintenant de signer un contrat pour l’une des traverses, les obligeant à payer 350 $ par année pour passer et à se munir d’une assurance responsabilité de 5 M$, en plus de devoir potentiellement payer 2 000 $ pour ajouter de la signalisation.

Des rails ont été laissés longtemps au sol, entravant la récolte de soya de la famille Lamoureux. Crédit : Gracieuseté de la Ferme L. et H. Lamoureux
Des rails ont été laissés longtemps au sol, entravant la récolte de soya de la famille Lamoureux. Crédit : Gracieuseté de la Ferme L. et H. Lamoureux

La même situation prévaut chez un autre producteur de la région, François Derome, de Saint-Mathieu. « Ils me demandent 350 $ par année pour passer, plus les assurances, et s’ils décident de mettre des barrières ou des signaleurs, c’est moi qui devrai payer. Ça n’a comme pas d’allure », raconte celui qui traverse les rails seulement trois ou quatre fois par année pour aller sur sa terre.

La compagnie de chemin de fer demande à Francois Derome de payer 350 $ par année s’il veut passer sur cette traverse pour accéder à sa terre. Crédit : Gracieuseté de Francois Derome
La compagnie de chemin de fer demande à Francois Derome de payer 350 $ par année s’il veut passer sur cette traverse pour accéder à sa terre. Crédit : Gracieuseté de Francois Derome

16 000 $ de frais

À Cacouna, au Bas-Saint-Laurent, Francis Daris doit emprunter un ponceau pour passer par-dessus le rail afin d’atteindre son champ de céréales et son érablière. Le ponceau est mal en point et le Canadien National (CN) refuse de le réparer à ses frais. « Ils m’ont envoyé un courriel hier [20 octobre] comme quoi ils ne se disent pas responsables d’entretenir un ponceau et que si je veux qu’il soit entretenu, des frais devront m’être chargés. Ils m’ont envoyé une soumission pour les travaux de 16 000 $! » désespère-t-il.

Questionné sur le sujet, le CN indique dans un courriel que la sécurité aux passages à niveau est une « responsabilité partagée entre le CN, les municipalités et les citoyens ». Les équipes de la compagnie ferroviaire, assure-t-on, inspecteraient régulièrement les traverses sur l’ensemble du réseau afin d’en monitorer les conditions et de les entretenir conformément aux règlements et normes de Transports Canada. Le CN ajoute que le partage des coûts liés à l’entretien de chaque passage à niveau serait réglementé par des ententes ou des arrêtés de l’Office des Transports du Canada. Le CP, de son côté, n’a pas répondu aux questions de La Terre

Changement réglementaire

Le gouvernement fédéral, dans un règlement datant de 2014, donnait jusqu’au 28 novembre 2021, soit sept ans, aux différents intervenants concernés pour rendre conforme aux normes de sécurité les milliers de traverses de chemin de fer au pays, incluant les traverses privées. À quelques semaines de la fin du délai, un nombre insuffisant de travaux a été effectué en raison, comme le souligne le fédéral, de problèmes de compréhension, à savoir qui est responsable de payer ces travaux. Dans un projet de modification réglementaire daté de juin dernier, le fédéral prolonge jusqu’à trois ans les délais pour effectuer les travaux et propose du même coup d’exempter les traverses qui posent peu de risque. Dans ses commentaires adressés à Transports Canada, le 14 juillet, l’Union des producteurs agricoles (UPA) demandait que tous les passages à niveau privés qui relient des terres agricoles et forestières soient automatiquement considérés comme à faible risque, et que les travaux de construction et d’entretien soient assumés en totalité par les compagnies ferroviaires.

Avec la collaboration de Caroline Morneau

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