Politique 23 février 2024

La Stratégie nationale d’achat d’aliments québécois, un levier perfectible

Quatre ans après l’instauration de la Stratégie nationale d’achat d’aliments québécois (SNAAQ), qui vise à encourager les institutions publiques du Québec à acheter des aliments locaux, des agriculteurs et MRC ont commencé à mettre en place des structures régionales, des hubs, pour répondre à ce marché en émergence. Toutefois, selon les intervenants questionnés, il existe des failles à combler pour que la stratégie influence à son plein potentiel l’agriculture d’ici. 

Louis Lafortune, directeur de L’aube, pôle nourricier, implanté dans l’ouest de l’île de Montréal pour approvisionner entre autres des institutions publiques à partir des produits de fermes régionales, considère que la SNAAQ est « un levier majeur pour encourager la production locale ». Par contre, il déplore la définition trop large de « produit du Québec ».

Un aliment transformé au Québec peut être considéré comme un achat local, ce qui n’encourage pas les aliments qui poussent chez nous.

Louis Lafortune, directeur de L’aube, pôle nourricier

Par exemple, la dénomination peut englober une marmelade confectionnée dans la province avec des oranges importées.

Le financement du développement des hubs, qui permettent à la production des agriculteurs d’ici de se frayer un chemin jusque dans les cuisines des institutions, représente un autre enjeu. Le ministère se dit conscient de leur importance. « Les agriculteurs du Québec n’ayant pas toujours les volumes nécessaires, ils doivent pouvoir rassembler leur offre, dit Rosemarie Perron-Gagnon, conseillère en commercialisation au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ). On est conscients de l’utilité des hubs pour y arriver. » Toutefois, le principal programme de soutien financier à ce chapitre, baptisé Proximité, a pris fin en janvier et est en cours d’évaluation.

Finalement, des intervenants se désolent du fait qu’aucune cible en matière de proportion d’achat local n’a été exigée par le gouvernement.  « Chacune des institutions détermine son propre seuil », dit Marie Lacasse, conseillère au Conseil québécois de la coopération et de la mutualité. À son avis, pour qu’une portion significative des achats des institutions soit constituée d’aliments locaux, il faudrait qu’on exige un taux précis aux institutions publiques. « C’est ce que la France a fait, et ça a beaucoup aidé », ajoute-t-elle, en reconnaissant que, même là-bas, l’alimentation locale reste un défi. Le ministère n’a toutefois pas l’intention de modifier son approche. « La stratégie retenue mise […] sur de l’accompagnement et du soutien par des ressources pour concrétiser la volonté d’achat local », a-t-on fait savoir par courriel. 

À l’heure actuelle, il n’est pas possible de connaître le pourcentage d’achat local réalisé par les institutions publiques. Le taux était de
44 % au départ du programme, selon un échantillon. Un rapport d’analyse est présentement en cours de préparation au MAPAQ.

Une source de fierté régionale

Le programme de la SNAAQ précise que les aliments doivent provenir du Québec, mais plusieurs chefs et gestionnaires en institutions vont au-delà et cherchent avant tout des produits de leur propre région. « C’est une source de fierté pour eux », constate Rosemarie Perron-Gagnon, conseillère en commercialisation au MAPAQ. Le directeur de L’aube, pôle nourricier, Louis Lafortune, qui côtoie le personnel des institutions, l’observe également. « Ça interpelle autant les gestionnaires que les cuisiniers. Ça leur fait du bien de savoir que l’aliment qu’ils sont en train d’apprêter a une histoire, qu’il a poussé à 30 kilomètres de là », assure-t-il.