Phytoprotection 3 avril 2023

Moins de glyphosate avec les cultures de couverture

Prouver aux producteurs de grandes cultures qu’il est possible de réduire de moitié leur utilisation d’herbicides grâce aux cultures de couverture, c’est la mission qu’un groupe de chercheurs s’est donnée afin de contribuer à l’atteinte des objectifs du Plan pour une agriculture durable.

Lorsqu’un appel de nouveaux projets de recherche a été lancé par le gouvernement en 2021, à la suite de l’annonce du Plan pour une agriculture durable (PAD) – dont l’objectif est de réduire l’utilisation des pesticides de 500 tonnes –, des chercheurs de plusieurs horizons ont décidé d’unir leurs efforts pour présenter le projet RÉGLYCCE (Réduction de glyphosate avec cultures de couverture).

Cultures de couverture germant à l’automne 2022 dans une parcelle expérimentale du projet RÉGLYCCE à Sainte-Anne-de-Bellevue.

« On a monté un gros consortium réunissant des chercheurs des universités McGill, Laval et l’Université du Québec à Montréal (UQAM), des chercheurs du Centre de recherche sur les grains (CÉROM) et d’Agriculture et agroalimentaire Canada (AAC). Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) est aussi impliqué, ainsi que des agronomes. On a donc appris en avril 2022 qu’on recevait 1 M$ de la part du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies (FRQNT) pour le projet, qui va s’échelonner jusqu’en 2026 », explique Marc Lucotte, professeur titulaire au département des Sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’UQAM.

La première saison a permis de trouver les lieux où allaient être implantées les parcelles expérimentales. Situés à Saint-Augustin-de-Desmaures, Sainte-Anne-de-Bellevue et Saint-Jean-sur-Richelieu, les trois sites ont été divisés en 40 petites parcelles dans lesquelles seront implantées différentes cultures de couverture. L’objectif est d’observer comment elles peuvent contribuer à limiter les adventices et conséquemment à réduire l’utilisation d’herbicides de type glyphosate pour les éliminer.

« On pense qu’il est possible de limiter les mauvaises herbes tout en ne faisant qu’une seule application de 1,67 litre de glyphosate à l’hectare. La plupart des producteurs de grandes cultures appliquent le double, voire le triple en ce moment. Si on arrive à prouver qu’on peut obtenir le même rendement tout en réduisant les herbicides, on est en voie d’atteindre les objectifs du PAD », dit Marc Lucotte.

Des cultures de blé, de maïs et de soya seront semées dans les parcelles expérimentales. « Après la récolte du blé, en 2022, on a semé des couvertures de différentes plantes choisies pour la forme de leurs racines. Par exemple, le radis qui, en se décomposant, va créer un trou dans le sol. L’avoine, au contraire, a des racines en forme de cheveux, qui vont créer des microréseaux permettant à l’eau de mieux passer. Les fèveroles sont des légumineuses qui fixent l’azote dans le sol, en plus de prendre la place en empêchant les adventices de pousser. On veut observer les bénéfices qu’elles apportent au sol », poursuit le chercheur.

Exemple d’un champ divisé en neuf parcelles expérimentales, avec et sans cultures de couverture.  Photos : Gracieuseté de Matthieu Moingt

Moins de labeur, moins de passages

Après les observations qu’ils feront au printemps, les chercheurs sèmeront du maïs et de nouvelles cultures de couverture intercalaires : ray-grass, trèfle rouge, phacélie, radis et vesce velue.     « La technique qu’on propose implique moins de labeur pour les producteurs et moins de passages aux champs. Puisque le PAD vise également à augmenter le stockage de carbone dans les sols, on pense qu’en limitant le nombre de passages, on atteint aussi l’objectif de moins perturber le sol et donc d’y séquestrer davantage la matière organique et le carbone », dit Marc Lucotte.

Quinze producteurs ont été choisis pour participer au projet. « Ils ont tous au moins une centaine d’hectares en culture. Ils vont semer du maïs et du soya et les pratiques qu’ils vont employer sont libres. On va suivre la santé de leurs champs durant trois ans, mesurer la quantité de matière organique et calculer leurs contributions aux objectifs du PAD. »

Les chercheurs veulent observer comment ces agriculteurs vont évoluer spontanément dans la mouvance de la transition agroécologique des cultures. « Je porte un immense respect aux producteurs. La dernière chose que je voudrais, c’est d’arriver comme chercheur et de leur dire : vous devez faire ci ou ça. C’est important de mettre les producteurs au cœur du processus. »