SAINT-GABRIEL-DE-BRANDON – Pendant plus de 20 ans, Paul Jodoin a patiemment réuni une impressionnante collection de tracteurs antiques et d’innombrables autres objets témoignant de notre patrimoine agricole, une richesse qu’il invite les visiteurs du musée de son vignoble à découvrir gratuitement.

Au fond d’une des granges trône un immense tracteur à vapeur datant de 1901, un géant de fonte de neuf tonnes, témoin imposant d’une époque révolue que Paul Jodoin s’applique à nous faire revivre. « Ça prenait deux hommes pour le faire fonctionner, un pour le conduire et un autre qui s’occupait de la bouilloire, qui fonctionnait au bois et au charbon, raconte le propriétaire actuel, fièrement installé aux côtés de la bête. Pour le rentrer là, il a fallu un tracteur pour le tirer et un autre pour le pousser. Il était juste trop lourd! »

Ce tracteur à vapeur de marque Waterloo datant de 1901 est sans conteste le clou de l’exposition du vigneron Paul Jodoin. Photos : Sophie Lachapelle
Ce tracteur à vapeur de marque Waterloo datant de 1901 est sans conteste le clou de l’exposition du vigneron Paul Jodoin. Photos : Sophie Lachapelle

Le mastodonte est sans conteste la pièce de résistance du musée du Vignoble Saint-Gabriel, dans Lanaudière, où 135 tracteurs racontent, chacun à leur manière, un bout de notre histoire. Parmi eux, un tracteur à chenilles de métal datant de la Première Guerre mondiale, des machines de marques révolues comme International, Cletrac, Le Roi ou Cockshutt, de même qu’une collection complète de tracteurs deux temps de John Deer, que l’entreprise a été la dernière à fabriquer. « Ces moteurs coûtaient moins cher en essence », explique Paul Jodoin.

Paul Jodoin devant son musée, au Vignoble Saint-Gabriel, dans Lanaudière

L’aventure a commencé en 2001, alors que Paul Jodoin venait d’acheter une terre en friche à Saint-Gabriel-de-Brandon et qu’il avait besoin d’un tracteur pour ses travaux d’aménagement. Ce fils de producteur laitier de la Montérégie s’est naturellement tourné vers un tracteur d’époque.

C’était moins cher. Et ça ne casse pas. Il n’y a rien en plastique là-dedans. C’est juste de la fonte, du cuivre, de l’acier. Les tracteurs modernes coûtent super cher à entretenir.

Paul Jodoin

Il s’est procuré une demi-douzaine d’autres tracteurs antiques durant la mise en place du vignoble, chacun effectuant différentes tâches. C’est au moment de les sortir pour qu’ils soient lavés que l’idée d’un musée a germé : « Les gens qui passaient devant arrêtaient et venaient me poser plein de questions », explique M. Jodoin, qui y a vu une occasion d’attirer la clientèle au domaine.

Le caoutchouc ayant été réquisitionné pendant la Seconde Guerre mondiale, plusieurs tracteurs ont simplement des roues de métal, munies de crampons.

Il a graduellement élargi sa collection, en achetant plusieurs et en recevant certains gracieusement. Il a aussi profité de la fermeture des autres musées de tracteurs québécois, dont un à Saint-Romain. « Nous sommes les derniers au Québec », dit-il. 

Les tracteurs sont logés dans deux immenses granges sur la propriété. Chacun est accompagné d’une affichette explicative et tous les tracteurs sont fonctionnels. « On les active quatre fois par année, pour s’assurer que tout est en ordre », explique le vigneron.

Encore en service

Pour ses propres besoins au vignoble, Paul Jodoin utilise lui-même cinq tracteurs antiques, qui datent de 1955 à 1960, dont un de marque Cockshutt. « Ils peuvent être réparés facilement parce que la machinerie est simple. En plus, ils ne compactent pas mes sols, dit-il. Des gens qui ont de vieux tracteurs dans les fermes, il y a en encore beaucoup plus qu’on croit! »

D’autres objets du passé

Paul Jodoin a complété sa collection de tracteurs avec une collection d’outils et d’autres machines agricoles, dont un moulin à battre (séparant l’avoine de la paille) tout en bois et un épandeur à fumier, également en bois. On y trouve également un poétique semoir manuel, à roulette, muni d’une clochette qui sonne lorsque la boîte de semences est vide.

Pour compléter le tout, le vigneron a aussi rassemblé une collection d’objets domestiques anciens, où se côtoient une pompe à eau, des chaises hautes, des batteurs pour la crème, des planches à laver, et même, des traîneaux d’époque.

Gratuites, tout comme celle des tracteurs, ces deux expositions sont logées à l’étage de chacune des deux granges. « Je voulais avoir quelque chose pour les gens que les tracteurs n’intéressent pas », dit-il. 

Le saviez-vous ?!

La visite des lieux avec Paul Jodoin a permis d’apprendre une foule d’anecdotes sur les tracteurs.

• Jusqu’en 1965, les tracteurs étaient tous équipés d’un démarreur manuel, activé soit au moyen d’une manivelle, soit à l’aide d’une roue. Ce démarreur manuel a été successivement situé à l’avant, sur le côté et, finalement, à l’arrière du véhicule. 

• Le modèle de luxe du Cockshutt était muni d’un briquet à côté du siège du conducteur, qui pouvait allégrement griller une cigarette en sillonnant sa terre. « Tout le monde fumait dans le temps », explique Paul Jodoin. 

• Henry Ford a aussi fabriqué des tracteurs. L’un de ses modèles permettait d’embrayer automatiquement, une révolution à l’époque. « Mais les gens l’activaient sans cesse et finissaient par casser le système. Ford était tellement découragé… Il ne voulait plus voir ces tracteurs défectueux, alors il les a fait enterrer. » Heureusement, l’un des rescapés se trouve au vignoble.

• À l’approche de la Seconde Guerre mondiale et pendant celle-ci, le caoutchouc a été réquisitionné. C’est pour cette raison, entre autres, que plusieurs tracteurs ont simplement des roues de métal, munies de crampons.