Main-d'oeuvre 15 septembre 2023

L’enjeu des permis de travail fermés ravivé par un expert de l’ONU

Une déclaration percutante d’un représentant de l’Organisation des Nations unies (ONU), selon qui les programmes des travailleurs étrangers temporaires (TET) canadiens sont propices « aux formes contemporaines d’esclavage » ramène à l’avant-plan des revendications de longue date du milieu agricole québécois. Depuis des années, celui-ci réclame la fin des permis de travail fermés.

Le 6 septembre, au terme d’une visite de 14 jours au Canada, le rapporteur spécial de l’ONU sur les formes contemporaines d’esclavage, Tomoya Obokata, a déclaré être « profondément troublé par les récits d’exploitation et d’abus dont [lui ont] fait part des travailleurs migrants ». 

L’expert du droit international et des droits de l’homme a exhorté le gouvernement canadien à mettre fin au système de permis de travail fermé, qui lie les TET à leur employeur.

Les régimes de permis de travail spécifiques aux employeurs, y compris certains programmes de travailleurs étrangers temporaires, rendent les travailleurs migrants vulnérables aux formes contemporaines d’esclavage, car ils ne peuvent pas dénoncer les abus subis sans craindre d’être expulsés.

Tomoya Obokata

M. Obokata a aussi signalé l’importance d’offrir à ces travailleurs un meilleur accès à la résidence permanente.

Une occasion de poursuivre le dialogue 

Pour le Réseau d’aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec (RATTMAQ) et l’Union des producteurs agricoles (UPA), qui militent depuis longtemps pour la mise en place de permis de travail ouverts dans le secteur agricole, cette déclaration pourrait être une occasion de faire bouger les choses. 

« Je pense qu’il faut le voir comme une occasion de poursuivre le dialogue avec les gouvernements », avance le consultant en immigration à l’UPA, Denis Roy, en spécifiant que les permis fermés concernent surtout les travailleurs guatémaltèques. « Les travailleurs mexicains ont déjà un permis de travail ouvert. Ils peuvent changer très facilement d’employeur; ils ne sont pas attachés à un employeur. Nous, ça fait des années qu’on demande le même type de permis pour les Guatémaltèques », relève-t-il. « Juste pour un travailleur qui arrive dans la fraise et qui veut aller dans la pomme, à l’automne, ce sont des délais pour demander un nouveau permis. […] C’est compliqué, c’est cher et c’est de l’ouvrage! »

Pour le directeur général du RATTMAQ, Michel Pilon, le permis ouvert « sectoriel » en agriculture serait « gagnant-gagnant », tant pour les employeurs que pour les travailleurs. « Il y a de très bons employeurs. Le problème, c’est les permis qui amènent des situations où les travailleurs se retrouvent vulnérables », fait-il valoir. Les deux organisations revendiquent aussi un accès simplifié pour les TET à la résidence permanente.

Dans un courriel, le cabinet du ministre fédéral de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et des Langues officielles, Randy Boissonnault, a dit ne pas être d’accord avec tous les éléments soulevés par l’expert de l’ONU, mais être « toujours ouvert aux recommandations visant à mieux protéger les travailleurs ». Sans répondre à la question sur la faisabilité d’un système de permis ouverts, Ottawa réitère avoir investi 49,5 M$ dans le Programme de soutien aux travailleurs migrants afin d’aider ceux-ci à mieux exercer leurs droits au Canada et rappelle avoir rehaussé la qualité des inspections faites auprès des employeurs. Une réponse similaire quant à la multiplication des initiatives de sensibilisation et des interventions de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail en matière de droits des TET a été envoyée par le cabinet du ministre du Travail, Jean Boulet, au palier provincial.