Forêts 17 avril 2023

Des étudiants découvrent le potentiel alimentaire des forêts

Une simple sortie en forêt s’est transformée en un univers de nouvelles possibilités pour un groupe d’étudiants en gestion et technologies d’entreprise agricole du cégep de Sherbrooke, à la fin février.

Ceux-ci ont été initiés à différents savoirs nouveaux et ancestraux au sujet des forestibles (une contraction des termes «forêt» et «comestible»), des semailles d’hiver et de la fabrication de farine à base de phloème d’arbres. 

C’est leur professeure, Nathalie Lanoix, qui a eu l’idée de préparer ce cours de quatre heures dehors, en forêt, avec un spécialiste de cette pratique « émergente ». « Je trouve que c’est toujours l’fun de montrer de nouvelles pratiques, indique-t-elle. Souvent, ce qu’on considère comme une mauvaise herbe peut devenir une ressource alimentaire qu’on ne connaissait juste pas. Je pense par exemple à la bardane, dont toutes les ­parties se consomment », donne-t-elle en exemple. 

Dans un climat nordique et avec de nombreuses forêts en zone agricole, le Québec est d’ailleurs un endroit par excellence pour exploiter ces richesses forestières mal connues ou oubliées, estime Yvan Perreault. Ce dernier, qui est également nucériculteur, a développé à travers les années une passion pour ce qu’il nomme « l’exploitation agroforestière comestible ». « C’est une culture méconnue qui gagnerait à être mieux exploitée, car elle peut permettre aux producteurs agricoles de tirer le plein potentiel de toutes les surfaces des terres qu’ils possèdent », dit-il. C’est lui qui a été invité par la professeure Nathalie Lanoix pour guider le groupe d’étudiants et leur faire découvrir des plantes, champignons et petits fruits dont regorgent les boisés du Québec, mais que personne n’ose goûter. « Ce qui est intéressant, ajoute M. Perreault, c’est que ces plantes comestibles ne se trouvent que dans les climats nordiques comme le nôtre. Ce qui ouvre la voie à une exploitation de produit unique, comme le mélilot, que l’on surnomme aussi la vanille du Nord, ou Gaylussacia brachycera, un arbuste qui produit de petits fruits dont la saveur se rapproche du bleuet, mais avec des saveurs de pomme et de banane », donne-t-il en exemple.

Exploiter les zones plus arides

Le groupe a également été initié aux « semailles d’hiver », qui consistent à laisser tomber sur la neige du printemps les semences des fleurs stratifiées sur les tiges au cours de l’hiver. « On ne fait qu’accélérer ce que la nature fait déjà, tout en précisant aussi le tir », explique M. Perreault. Ce dernier prend l’exemple de l’asclépiade, aussi appelée la soie d’Amérique, dont les semences peuvent être recueillies sur les tiges en mars pour être déposées à des endroits où la plante devient un atout. « Au lieu d’avoir du chiendent au bord d’un ruisseau, on peut ainsi se retrouver assez facilement avec de l’asclépiade », illustre-t-il.

Chaque espace impropre à l’agriculture, « comme les pourtours d’étangs, des lisières de forêts, des zones sablonneuses, les tourbières, pourraient être exploité comme ça, en y implantant des forestibles, suggère de son côté Mme Lanoix. Les générations qui sont dans mes classes, ce sont des gens qui sont très ouverts à la préservation de la biodiversité. Dans ce contexte-là, ils sont conscients que plus on aura de types de plantes différentes, plus on favorisera les prédateurs naturels qui peuvent nous aider à mieux contrôler les ravageurs. D’un autre côté, ces pratiques permettent de sortir du cadre de la monoculture qu’on a l’habitude d’avoir en agriculture. Je ne pense pas qu’on vise la rentabilité avec ce type de projets là, mais plutôt un équilibre en favorisant des ­écosystèmes plus diversifiés. On peut même viser une production de nourriture en complément! » dit-elle.

À ce titre, en plus de leur dégustation de petits fruits et de champignons, les étudiants ont aussi été initiés à l’extraction de phloème d’arbre, qui est une partie tendre dans l’arbre située entre le cœur et l’écorce. Une fois extraite, elle peut être transformée en farine pour la fabrication de différents produits, comme des biscuits, que les étudiants ont pu goûter. L’enseignante rapporte avoir reçu de « très bons commentaires » de leur part après cette sortie terrain, qu’elle souhaite répéter avec ses prochains groupes.  

Des biscuits faits avec de la farine de phloème de pin rouge. Photo : Nathalie Lanoix

Quelques exemples de forestibles

  • Les lingonnes (qu’on appelle aussi airelles)
  • Gaylussacia baccata
  • La carotte sauvage
  • La bardane
  • L’onagre
  • Le mélilot (aussi appelé vanille du Nord)
  • Le thé des bois
  • La quenouille