Environnement 10 septembre 2023

L’eau de lavage de ses betteraves devra être décolorée

SAINT-ROCH-DE-L’ACHIGAN – En vertu d’un nouveau règlement environnemental, un producteur maraîcher de Lanaudière, Martin Gariépy, devra trouver une façon de décolorer l’eau ayant servi au lavage de ses betteraves avant de la rejeter dans la nature. 

« Quand on lave des betteraves, l’eau devient toujours rouge. C’est un colorant naturel », explique l’agriculteur dont les superficies de betteraves et de carottes s’étendent sur 77 hectares, à Saint-Roch-de-l’Achigan. De juillet à avril, ce dernier nettoie chaque semaine de grandes quantités de betteraves avant de les commercialiser. L’eau utilisée, teintée naturellement par le légume, se déverse dans une lagune où elle décante avant d’être rejetée dans un ruisseau, en face de la ferme. 

En vertu du Règlement sur l’encadrement d’activités en fonction de leur impact sur l’environnement (REAFIE), les maraîchers qui cultivent plus de 20 hectares devront obtenir, d’ici 2027, une autorisation ministérielle pour l’exploitation d’un système de lavage de fruits et légumes. Les eaux usées, avant d’être rejetées dans la nature, devront être filtrées, de sorte qu’elles respectent une concentration maximum de matières en suspension. Les objectifs environnementaux de chaque agriculteur peuvent varier en fonction du type de cours d’eau dans lequel sont déversées les eaux usées. En ce qui concerne Martin Gariépy, il a appris tout récemment que la coloration de l’eau sera un facteur déterminant pour l’obtention de son permis. 

Questionné à savoir en quoi l’eau teintée par les betteraves est nocive pour l’environnement, le ministère précise, dans un courriel, qu’en fonction de « l’intensité de cette couleur », il peut y avoir des « impacts sur l’acceptabilité sociale, pour des considérations esthétiques » et sur « la biodiversité, en perturbant la photosynthèse et la reproduction de certaines espèces ». Il dit tirer ces conclusions de la littérature scientifique.

L’eau de lavage, teintée naturellement par les betteraves, se déverse dans une lagune où elle décante avant d’être rejetée dans un ruisseau, en face de la ferme. 

Entre 21 et 24 jours de décantation

Comme il existe peu de documentation sur la façon de dépigmenter efficacement de grands volumes de liquide à la ferme et que d’autres producteurs de betteraves pourraient aussi devoir répondre à cette exigence, M. Gariépy a été sélectionné pour effectuer des tests, en collaboration avec l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA). Il espère, par cette démarche, pouvoir modifier ses installations et répondre, dans les délais prescrits, aux attentes environnementales. Considérant la complexité du processus, ce dernier craint toutefois de ne jamais y parvenir à coût raisonnable.

« Quand l’IRDA est venue faire ses premiers tests, pour une seule journée de lavage, on a déterminé que ça prend entre 21 et 24 jours de décantation dans la lagune pour que mon eau soit correcte avant le rejet dans le cours d’eau. Ça, c’est pour une journée. Imagines-tu le nombre de lagunes que ça prendrait pour que toute l’eau que je rejette soit décolorée? » questionne l’agriculteur, qui anticipe des investissements importants pour se conformer.  

Le chercheur responsable du projet à l’IRDA, Stéphane Godbout, confirme que la principale difficulté sera de trouver une façon de décolorer de grands volumes d’eau dans un temps raisonnable.

On sait comment décolorer, par l’aération ou le temps, mais il faut être capable de le faire et que ça s’intègre bien dans les activités de lavage du producteur. Il ne peut pas se permettre de mettre de l’eau de côté pendant 10 jours. Il ne peut pas non plus avoir une lagune grosse comme le lac Ontario.

Stéphane Godbout

Bien que le défi soit de taille, ce dernier se dit néanmoins optimiste de le relever dans les délais prescrits. « On ne veut pas agrandir la lagune. Le but n’est pas non plus d’en creuser d’autres. On veut trouver des façons d’éviter ça, mais il se peut que des producteurs aient quand même des modifications à faire », indique M. Godbout.

Un « flou » quant au niveau de coloration

Le niveau de décoloration exigé pour la conformité n’est pas déterminé clairement encore, relève Stéphane Godbout, de l’IRDA. « Pour l’aspect esthétique, c’est encore flou, le standard de couleur. Si les déversements se font dans un cours d’eau déjà brun, est-ce que ce sera moins sévère que dans un beau ruisseau propre? Ce n’est pas déterminé clairement. On travaille là-dessus, avec le ministère, pour développer une charte. » Au ministère, on confirme que les travaux avec l’IRDA, dont les conclusions sont attendues en 2025, pourront « apporter certaines précisions » afin « d’éclairer la prise de décision » quant aux exigences.