Environnement 2 mars 2023

Le passage d’une ligne électrique en zone agricole inquiète des producteurs

Le producteur de grains Hubert Leroux craint, comme d’autres agriculteurs du secteur de Vaudreuil-Soulanges, en Montérégie, de subir les conséquences négatives d’une nouvelle ligne haute tension qu’Hydro-Québec prévoit construire pour alimenter un nouveau poste de distribution électrique, à Coteau-du-Lac. 

La construction de ce poste, dont la mise en service est prévue en 2026, est nécessaire pour répondre à la croissance de la population de ce secteur et pour desservir le quartier industriel de Coteau-du-Lac, où logent de grandes industries, dont le géant Amazon, qui s’y est récemment installé. Or, pour ce faire, une ligne haute tension de 120 kV d’environ 18 km devra être construite en passant principalement en zone agricole.

Ange-Marie Delforge

« La personne qui fait les frais pour que le monsieur ou la madame puisse commander, bien assis au chaud dans son sofa, son morceau chez Amazon et l’avoir le lendemain, ce sont les producteurs agricoles. Parce que les pylônes qui sont installés chez nous nous font perdre du temps, des rendements, en plus de faire baisser la valeur de nos terres », regrette M. Leroux. Il estime que chaque pylône installé dans ses champs pourrait lui faire perdre 2 000 $ par an, et des millions à long terme.

« Un ou deux pylônes, ça peut aller, mais je suis l’un des plus touchés, avec 10 à 12 pylônes prévus sur mes terres », illustre-t-il.  Les compensations que pourrait lui offrir Hydro-Québec, dont il ne connaît pas encore la valeur, ne couvriront pas l’ampleur de ses pertes, selon lui. 

La présidente du syndicat local de l’Union des producteurs agricoles (UPA) de Vaudreuil-Soulanges, Ange-Marie Delforge, dénombre une cinquantaine de producteurs agricoles qui, comme M. Leroux, sont touchés par l’un ou l’autre des tracés actuellement proposés par la société d’État pour réaliser ce projet.
« Selon l’un ou l’autre des scénarios, ce sont donc environ 25 à 30 producteurs qui pourraient devoir se résigner à accueillir des pylônes dans leurs champs », spécifie-t-elle. 

Or, pour certains, comme le producteur de grains biologiques Thomas Dewavrin, propriétaire des Fermes Longprés et du Moulin des Cèdres, les inconvénients pourraient être « très handicapants ». « Notre équipement est plus large que celui des cultures traditionnelles. L’ajout de pylônes nous complique donc énormément la tâche », déplore-t-il. 

Il aurait aimé qu’Hydro-Québec dévie le tracé de la ligne électrique sur des terres appartenant au ministère des Transports (MTQ), situées juste à côté des siennes. « On le leur a suggéré, mais on nous a laissé entendre que c’était long et compliqué de s’entendre avec eux [le MTQ] », rapporte M. Dewavrin, qui dit quand même garder espoir qu’Hydro-Québec entendra leurs doléances et adaptera le projet pour réduire les inconvénients. Une impression que partage Ange-Marie Delforge, du syndicat local de l’UPA. « On sent une ouverture, mais peuvent-ils vraiment changer quelque chose? » se questionne-t-elle en mentionnant qu’il est toujours plus simple pour la société d’État de s’installer sur les terres déboisées des agriculteurs plutôt que dans des zones humides ou sur des emprises du MTQ. Elle trouve d’ailleurs aberrant, dans ce contexte, que les producteurs n’aient pas été consultés plus tôt dans la configuration des tracés proposés. « C’est chez nous et on est les derniers informés », déplore-t-elle.

Des adaptations possibles

Chez Hydro-Québec, Marie-France Barette, conseillère aux affaires régionales, reconnaît que les informations qui ont été partagées par les producteurs agricoles lors des consultations publiques tenues jusqu’ici sur le projet, et qui se poursuivront jusqu’au 31 mars, ont été très utiles et serviront assurément à « optimiser » les tracés proposés, sans toutefois les transférer ailleurs, comme certains producteurs l’espèrent. « Il y a plusieurs critères techniques, sociaux et environnementaux à prendre en compte, mais c’est certain que plusieurs suggestions qui nous ont été soumises seront étudiées », a-t-elle indiqué à La Terre, en précisant que les ingénieurs d’Hydro-Québec avaient déjà commencé à se pencher sur certaines d’entre elles.

Une entente établie

Selon Marie-France Barette, conseillère aux affaires régionales chez Hydro-Québec, la société d’État arrive généralement à s’entendre avec la grande majorité des producteurs agricoles dans ce genre de projet, qui est encadré par une entente établie entre l’Union des producteurs agricoles (UPA) et Hydro-Québec. « On privilégie toujours les ententes avant l’expropriation, et dans 95 % des cas, on y parvient », précise-t-elle. Le montant des compensations monétaires versées aux propriétaires touchés varie d’un propriétaire à l’autre, puisque tous ne sont pas affectés de la même manière, précise-t-elle.

Selon le président de la fédération régionale de l’UPA de la Montérégie, Jérémie Letellier, cette entente qui existe entre l’UPA et Hydro-Québec, bien que sa dernière modification remonte à 2014, permet encore de bien encadrer les négociations. « L’important, c’est qu’il y ait une bonne communication pour qu’Hydro-Québec puisse faire les réparations à la hauteur des inconvénients subis par chaque producteur, car il n’y a jamais deux projets de pareils, je dirais. »