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Une nouvelle certification durable propose aux producteurs de soya de répondre à un questionnaire sur leurs pratiques et de s’exposer à être possiblement audités par un organisme de certification indépendant. Cette démarche permettra de les répartir selon trois catégories de pratiques : or, argent ou bronze. Il y aura aussi ceux qui ne seront pas admissibles à la certification.
Cette certification durable est volontaire pour les acheteurs et exportateurs de soya. En ce qui concerne la récolte de 2024, cinq exportateurs canadiens auront d’importants volumes certifiés durables, affirme Brian Innes, directeur général de Soy Canada, l’association qui représente toute la filière du soya et qui a mis en place cette certification en 2023.
Le soya génétiquement modifié n’est pas présentement concerné par cette certification durable, laquelle évalue la gestion des sols, l’utilisation de pesticides et d’engrais, la gestion des déchets ainsi que la viabilité économique et la responsabilité sociale de la ferme.
La compagnie québécoise Prograin fait partie des exportateurs qui emboîtent le pas à cette certification durable. En raison du coût de cette dernière, ce ne seront pas tous les volumes qui seront certifiés cette année, mais la majorité, précise Alexandre Beaudoin, vice-président aux ventes et au marketing. Cela signifie que la plupart des producteurs devront remplir le formulaire sur leurs pratiques et que quelques-uns devront être audités afin de confirmer la validité de leurs réponses, mentionne-t-il.
Au moment de publier ces lignes, Prograin était en plein processus de certification, donc impossible de savoir combien de producteurs se classeront dans chacune des catégories.
Brian Innes assure que le formulaire d’évaluation sur la durabilité agricole (nommé FSA dans le jargon), composé d’environ 40 questions sur les pratiques durables, n’est pas un examen. Ce n’est pas le nombre de bonnes réponses qui détermine si un producteur obtient la catégorie bronze, argent ou or. Une formule mathématique comptabilisant des groupes de questions décerne plutôt la note finale.
Pas plus d’argent
La grande question maintenant : est-ce qu’un producteur certifié durable recevra plus pour son soya qu’un producteur non certifié? Et est-ce qu’un producteur certifié or recevra plus qu’un producteur certifié bronze? La réponse à ces deux questions est… non.
« Présentement, ce que nos clients veulent, c’est du soya certifié. Ensuite, peut-être qu’ils demanderont plus de producteurs certifiés or, mais on n’est pas encore là », répond Alexandre Beaudoin, qui ne prévoit pas à court terme un incitatif financier ou autre pour les producteurs certifiés or.
Pour éviter de perdre des parts de marché
Si la certification est volontaire et qu’elle entraîne des coûts ainsi que l’ajout d’un formulaire sans avantages financiers, pourquoi devrait-elle s’imposer? « C’est pour garder nos clients les plus exigeants. Ce n’est pas dans le sens qu’on gagnera plus, mais qu’on perdra moins », explique Brian Innes, spécifiant que les Américains ont été les premiers à offrir ce type de certification durable pour leur soya. Et avec seulement 3 % de la production mondiale de soya, mais 25 % de la production mondiale de soya destiné à la consommation humaine, le Canada ne pouvait pas se permettre de perdre des parts de marché dans cette spécialité, argue-t-il.
Alexandre Beaudoin fait remarquer que les Américains ont utilisé abondamment leur certification durable comme élément de marketing sur les marchés internationaux. Si bien que les acheteurs demandent maintenant aux exportateurs canadiens où en est leur certification durable. « Si nous ne l’avons pas, nous perdrons des ventes. Des acheteurs ont dit qu’ils vont privilégier, dans les prochaines années, les fournisseurs de soya d’alimentation humaine qui vont avoir la certification », tranche-t-il.
Ce qu’en pensent des producteurs de la relève
La Terre a profité de son passage dans le chantier de récolte du soya de l’École professionnelle de Saint-Hyacinthe pour sonder les étudiants sur le concept de la certification durable qui divisera les producteurs en trois groupes (or, argent ou bronze) selon leurs pratiques.
« Ça va faire des heureux et des malheureux. Si quelqu’un est or, il sera content, mais celui qui est bronze, ça peut commencer à faire un peu de chicane. Et peut-être que ceux qui sont bronzes vont se décourager et lâcher [le soya de consommation humaine] », indique l’étudiant Frédéric Fournier. Celui qui croit en l’agriculture durable embarquerait dans ce programme de certification, « mais à condition que quelqu’un nous aide à remplir la paperasse et qu’il ne nous appelle pas pendant qu’on est dans un rush pour nous dire qu’il manque tel papier », précise le producteur de Brigham, en Estrie.
Son confrère Samuel Chagnon abonde dans le même sens. « Classer les agriculteurs, ça va faire des injustices. Un producteur dont l’entreprise est moins développée, qui a moins de moyens qu’une grosse ferme plus structurée, il aura peut-être de la misère à être certifié or. De l’autre côté, ça peut devenir un plus pour démarquer ceux qui font une belle job comparé à ceux qui font juste des récoltes vite faites », dit le résidant de Saint-Dominique, dont la famille cultive 250 hectares.
Leur enseignant, Jean-Sébastien Roy, fait lui-même la promotion des pratiques durables dans ses cours, indiquant qu’il s’agit d’ailleurs d’une stratégie pour maintenir la pérennité de la ferme et de ses rendements à long terme. Il croit cependant que les producteurs devraient recevoir une compensation financière pour cette certification durable. « Si quelqu’un a mis en place des pratiques durables et qu’il reçoit le même prix qu’un autre en monoculture, en fin de compte, il se sera donné pas mal plus d’ouvrage pour le même prix. C’est pour ça que je pense qu’il faudrait une bonification », argue-t-il.