Environnement 6 mai 2024

Des insectes et des maladies propulsées par le changement climatique

Le changement climatique joue un rôle dans le déplacement et la propagation des espèces exotiques envahissantes et des maladies. Et les impacts sont majeurs, notamment dans les grandes cultures.

Au Canada, les pertes économiques annuelles en agriculture et en foresterie sont estimées à 7,5 milliards de dollars, selon le Conseil canadien sur les espèces envahissantes. Le climat étant un enjeu majeur pour les agriculteurs, le 10e colloque Bio pour tous! organisé par le Centre d’expertise et de transfert en agriculture biologique et de proximité (CÉTAB+) en a fait le sujet de plusieurs conférences les 28 et 29 février
à Victoriaville.

Augmenter le nombre de générations

La chaleur peut favoriser la propagation des maladies et la régénération des insectes, sans compter que ceux-ci peuvent être transportés sur une plus grande distance lors d’événements météo extrêmes. « Un insecte qui faisait une génération par année et un seul stade larvaire peut maintenant générer un deuxième stade larvaire plus tard en saison », explique Jean-Philippe Légaré, biologiste et entomologiste au Laboratoire d’expertise et de diagnostic en phytoprotection du MAPAQ. L’entomologiste cite en exemple la pyrale du maïs, dont la souche bivoltine, à deux générations, est maintenant plus répandue. 

La présence de plus d’une génération d’un même insecte favorise aussi le processus de résistance aux pesticides. « C’est de la sélection qui est non naturelle », résume Jean-Philippe Légaré.

Si on a deux spécimens sur cent qui survivent à l’application d’un pesticide, les descendants de ces deux spécimens vont porter des gènes de résistance. Plus on a de générations, plus on a de risque d’avoir de la résistance.

Jean-Philippe Légaré, biologiste et entomologiste

Des parasites qui survivent à l’hiver

Observé surtout dans le sud de la province, le ver gris occidental des haricots (VGOH) profite aussi du temps doux pour poursuivre sa progression vers l’est. « C’est un cas intéressant lié aux changements climatiques », estime Jean-Philippe Légaré. L’espèce migratrice, qui chaque année nous arrive des États-Unis, a été détectée une première fois au Québec en 2009. « Dans les dernières années, les chercheurs du CÉROM ont montré que le VGOH pouvait maintenant passer l’hiver ici selon les années et les sites », avance l’entomologiste. 

De l’importance de la biosécurité

Afin de limiter la propagation des maladies et des insectes nuisibles, Jean-Philippe Légaré insiste sur l’importance d’agir en prévention sur plusieurs fronts. « Le concept de la biosécurité à la ferme est un concept ultra important en agriculture et encore plus pour les producteurs biologiques afin de limiter l’introduction de ravageurs à la ferme », insiste-t-il. Parmi les actions à poser : il faut nettoyer la machinerie avant de l’utiliser, surtout si elle provient d’une autre ferme, et demander aux invités de nettoyer leurs bottes avant d’aller aux champs. « On s’assure, par exemple, qu’il n’y a pas de nématode à kyste sur la terre sur les pneus parce qu’une fois qu’il est introduit dans les champs de soya, on ne peut plus vraiment s’en débarrasser. On peut seulement gérer la situation du mieux qu’on peut », illustre-t-il.

Une surveillance continue

Connaître et identifier les ravageurs qui se trouvent dans nos champs est aussi primordial. Jean-Philippe Légaré rappelle que les agriculteurs peuvent s’abonner au réseau d’avertissements phytosanitaires pour recevoir des infolettres sur l’évolution des ravageurs par région. Grâce à ce réseau, on sait par exemple que les premiers spécimens de pucerons du soya sont arrivés dans certains endroits; une information qui permet de mettre en place des actions préventives.

Si la dernière saison estivale a été favorable à la prolifération de maladies fongiques en raison de l’humidité, celle qui s’annonce pourrait amener plus d’insectes. « Pour l’instant, c’est frais et pas très humide, alors je m’attendrais à ce qu’il y ait un peu plus d’insectes que l’an dernier, mais ça peut changer en l’espace d’une semaine », prévoit l’entomologiste.