Environnement 19 avril 2024

Des fermes complices de la biodiversité

SAINT-ÉDOUARD-DE-FABRE – De nouvelles pancartes « L’agriculture complice de la biodiversité » vont faire leur apparition dans les rangs cet été. Quatre régions périphériques de la province ont pris l’initiative de reconnaître les efforts des producteurs agricoles pour adopter de bonnes pratiques agroenvironnementales. Parmi elles, le Témiscamingue, où a été organisé un lancement de ce programme de valorisation à la Ferme Valsy, le 10 avril.

« Toute reconnaissance est agréable à avoir. C’est une opportunité de parler de biodiversité en agriculture. C’est souvent l’inverse qu’on va entendre, mais il y a énormément de bonnes actions qui se font », se réjouit la copropriétaire de la ferme Nordvie, Madeleine Olivier, qui a fait de la protection de la biodiversité l’une des « valeurs fondamentales » de cette entreprise maraîchère biologique spécialisée dans la culture de fraises. 

Si cette valeur d’entreprise impose parfois des choix difficiles — par exemple, cesser la culture des cucurbitacées en raison de la présence de la chrysomèle rayée —, la recherche d’un équilibre qui se rapproche le plus possible de l’œuvre de la nature est un objectif stimulant pour l’agricultrice.

On s’est dit tant pis. Au moins, cet insecte n’aura plus de source de nourriture chez nous. Ce sont des choix. C’est quand même paradoxal, mais il faut avoir des insectes nuisibles pour nourrir des insectes auxiliaires et il faut avoir des mauvaises herbes pour les loger. La biodiversité, c’est ça. C’est plein d’interactions complexes, mais c’est un équilibre qui doit se faire.

Madeleine Olivier, copropriétaire de la ferme Nordvie

Travailler avec la nature

À La ferme témiscamienne, si la philosophie est comparable, l’approche est différente. L’élevage bovin spécialisé dans les sujets de reproduction s’intéresse surtout aux méthodes de production. « On cultive à l’ancienne : pas d’engrais et bœuf nourri à l’herbe seulement. On fait attention à l’empreinte qu’on laisse. On n’a pas de gros tracteurs et on utilise la traction animale. On a deux gros chevaux belges », explique Fred Hamelin, qui se décrit comme un gentleman-farmer.

En plus de l’enrochement, une bande riveraine élargie a été aménagée à la Ferme Valsy afin de freiner l’érosion des terres. 

À la Ferme Valsy, c’est la nature qui a dicté ses règles. En bordure du lac Témiscamingue, les vents du large menaçaient directement les superficies en culture près des berges. « Il y a environ
15 ans, ce sont trois rangées d’arbres qui ont été plantées pour protéger les berges parce qu’il y avait de l’érosion. Le sol gelait trop et, ça nuisait à la productivité. L’automne passé, on a semé du seigle qui a passé l’hiver et, grâce aux arbres, ç’a permis à une belle végétation de se faire. Ça aide à l’érosion, ça aide à filtrer l’eau avant de se rendre au lac », énumère Sylvain Baril, qui compte aussi sur les engrais verts et les cultures intercalaires pour favoriser la biodiversité dans les sols des 950 acres (384 hectares) de cultures.

Des régions périphériques s’unissent

Une vingtaine d’entreprises de l’Abitibi-Témiscamingue recevront cette reconnaissance, cette année. Elles ouvrent la danse pour les régions de la Capitale-Nationale–Côte-Nord, de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine et du Bas-Saint-Laurent, qui participent aussi à l’initiative. « On n’a pas une agriculture qui est intensive; on dit plus que c’est une agriculture extensive. On est une des régions aussi où il y a beaucoup plus d’affectations forestières sur le territoire. En raison de ces ressemblances-là, on a décidé de rallier les quatre régions ensemble », indique Anne-Marie Trudel, conseillère en aménagement et en agroenvironnement à l’Union des producteurs agricoles (UPA), rappelant du même souffle que l’initiative a été élaborée dans le cadre du Plan d’agriculture durable du gouvernement du Québec.

« C’est quand même une fierté pour une fédération régionale de s’être associés à trois autres fédérations pour ce projet au niveau de la biodiversité, insiste le président régional de l’UPA, Pascal Rheault, qui invite aussi les instances gouvernementales à s’impliquer financièrement pour aider les entreprises agricoles à devenir encore meilleures. Il y a un coût à ça. On ne doit pas être les seuls à assumer ces coûts-là. Je pense qu’on peut faire beaucoup, mais ça va prendre plus d’actions des gouvernements pour nous appuyer à travers ça », conclut-il.