Élevage 3 mars 2022

Une ferme de plus de 200 kilos de quota se lance dans la transformation

SAINTE-ANNE-DES-PLAINES – Les Charbonneau, importants producteurs laitiers de Sainte-Anne-des-Plaines dans les Laurentides, sont sur le point d’ouvrir leur boutique de produits fermiers transformés et embouteillés sur place. À terme, les agriculteurs qui détiennent 160 vaches en lactation et plus de 200 kilos de quota se fixent pour ambitieux objectif que l’intégralité de leur production soit destinée à leur nouvelle laiterie.

« Pour avoir 160 vaches, travailler 80 heures par semaine et dire : “On va se bâtir une laiterie en plus’’, je pense qu’il faut que tu aies un problème mental », lance à la blague Mathieu Charbonneau, copropriétaire avec son frère Luc et sa sœur Julie. Sa conjointe Marie-Andrée Raiche et sa belle-sœur Jocelyne Prud’homme s’impliquent également dans le projet. 

Mathieu, Julie et Luc Charbonneau disposent de tout l’équipement requis pour se lancer dans la fabrication de produits fermiers.
Mathieu, Julie et Luc Charbonneau disposent de tout l’équipement requis pour se lancer dans la fabrication de produits fermiers.

Lors du passage de La Terre le 23 février, la famille en était aux derniers préparatifs avant l’ouverture officielle de la boutique prévue vers la mi-mars. Le ministère de l’Agriculture du Québec venait d’ailleurs de donner l’approbation requise, après l’inspection sanitaire des lieux.

La croissance par la transformation

Contrairement à d’autres producteurs laitiers qui cherchent à croître en augmentant le cheptel et en achetant plus de quotas, les Charbonneau ont opté pour un développement par la transformation à la ferme, calculant, avec l’aide des experts qui les accompagnent, que la rentabilité sera au rendez-vous. Mme Raiche met en lumière la proximité urbaine de la ferme qui est parfois une contrainte à l’augmentation de cheptel. « Parce qu’on est collés sur la ville, il faut jouer à Tetris si on veut agrandir ou si on veut innover, illustre-t-elle. Donc, une des façons qu’on a trouvées pour avoir un revenu de plus, sans empiéter sur le territoire urbain, c’est la laiterie », ajoute-t-elle.

La transformation et la vente à la ferme, estiment les propriétaires, représentent une occasion d’affaires, considérant la vague d’achat local et l’emplacement géographique avantageux de leur laiterie pour l’agrotourisme, à proximité du centre-ville de Sainte-Anne-des-Plaines. Ultimement, un site extérieur invitant pour la clientèle sera d’ailleurs aménagé et de potentielles visites à la ferme sont envisagées. « La piste cyclable passe à côté; il y a plein de gens qui passent à vélo par ici », indique Luc Charbonneau.

Du lait entier et des fromages

Les agriculteurs transformeront au départ entre 500 et 700 litres de lait par jour, soit environ 10 % de leur production. Ils prévoient ensuite augmenter le rythme progressivement. Ils offriront d’abord en boutique du lait entier et aromatisé provenant de leur ferme qu’ils embouteilleront sur place, ainsi que des fromages cheddar vieillis et en grain. Puis, plus tard, ils prévoient fabriquer du yogourt. De la crème glacée fermière sera ultimement ajoutée à la gamme de produits.

« Ça va toujours rester de la vente à la ferme, indique Mathieu Charbonneau. En épicerie, tu coupes ton bénéfice. […] Au moins, en vendant à la ferme, tu peux contrôler ton prix de vente », dit-il, estimant que ce modèle d’affaires leur permettra de naviguer dans un contexte où les transformateurs doivent payer leur lait de plus en plus cher, sans nécessairement être en mesure de revendre leurs produits à juste prix aux détaillants.

Vague de projets de transformation artisanale

Le Centre d’expertise fromagère du Québec, qui offre des services d’accompagnement, recense quatre projets de laiterie et de fromagerie à la ferme qui sont arrivés à terme dans la dernière année avec son soutien, dont celui des Charbonneau. « Depuis trois ans, on voit une vague de projets de transformation artisanale. De notre côté, on a toujours une douzaine de dossiers ouverts pour des projets en développement. Certains avortent en cours de route, mais d’autres se concrétisent », souligne la conseillère en transformation fromagère Louise Lefebvre. « On remarque que les producteurs se demandent s’ils veulent acheter du quota, avec les terres qui sont de plus en plus chères. […] Avec la vague d’achat local, certains choisissent plutôt la transformation comme nouveau projet », dit-elle, remarquant par ailleurs que la diversification des produits fermiers offerts en boutique est également en vogue.