Propriétaire de la Ferme Justina et Fils, à La Visitation-de-Yamaska, Olivier Courchesne utilise la ripe de papier comme litière depuis le printemps 2022. Photo : Bernard Lepage
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Tout comme la mousse de tourbe qui a grignoté il y a une dizaine d’années des parts de marché à la traditionnelle ripe de bois, un nouveau joueur entend s’imposer sur le marché des litières agricoles au Québec : la ripe de papier.
Situé à Saint-Antoine-Abbé, dans la région de la Montérégie, le manufacturier Pure Bedding s’est associé à la Ferme Justina et Fils, à La Visitation-de-Yamaska au Centre-du-Québec, pour y mener des tests aux résultats jusqu’ici prometteurs.
Commercialisé depuis près de trois ans dans le réseau BMR en ballot de 2,8 pi3, le papier tissu vierge de grade alimentaire transformé en ripe de papier est déjà employé dans de nombreuses écuries du Québec, au Parc Safari et même à la ferme laitière du Campus Macdonald, de l’Université McGill. Le propriétaire de Pure Bedding, Donald Leblanc, vise toutefois les producteurs avicoles pour faire passer son entreprise à la vitesse supérieure.
« La ripe de papier était déjà employée dans les années 1960 comme litière dans les écuries de la Reine en Angleterre, mais le papier utilisé contenait de l’encre. Les chevaux ont eu des problèmes de santé et l’idée a été abandonnée », explique l’entrepreneur, qui s’est d’abord fait un nom auprès des propriétaires d’écuries de la grande région de Saint-Hyacinthe.
Donald Leblanc s’approvisionne en matière première auprès de différents fabricants de papiers tissus au Canada et aux États-Unis. « Ce sont des bouts de rouleaux inutilisables et qui sont destinés au recyclage. Ça arrive chez nous déchiqueté grossièrement. Je les redéchiquette en différentes grosseurs pour ensuite les mélanger avec d’autres types de papier. C’est ma recette secrète », souligne celui qui a investi près de 3 M$ dans l’achat d’équipements spécialisés.
Selon qu’ils soient destinés aux vaches, aux chevaux ou aux poules, la composition de ses mélanges diffère. « Pour les vaches, la litière doit être évidemment plus absorbante. Pour les poulets, c’est une granulométrie différente », explique-t-il, sans donner plus de détails.
Un producteur témoin
En production depuis deux ans et utilisant la ripe de bois comme litière, Olivier Courchesne a lui-même approché Pure Bedding au printemps. En premier lieu, souligne-t-il, c’était pour la capacité du papier à se composter plus rapidement au champ par rapport aux copeaux de bois.
Ceux-ci peuvent prendre jusqu’à trois ans, pour les morceaux plus gros, avant d’être complètement digérés dans le sol. Avec sa forte concentration en azote, le fumier de poulet doit être soigneusement dosé avant son épandage dans les champs. Une réduction de l’amas de fumier à la source devenait un autre incitatif intéressant pour le jeune producteur.
Déjà à son troisième élevage avec la ripe de papier comme litière, le propriétaire de la Ferme Justina et Fils se félicite de son choix. « Jusqu’à maintenant, mes rendements augmentent. Il y a moins de mortalité. Les poules sortent plus lourdes et ne sont pas déclassées. C’est ce qu’on veut parce qu’à l’abattoir, tu es payé au kilogramme », précise Olivier Courchesne en souriant.
Il attribue ces résultats principalement au fait que la litière de ripe de papier ne produit pas de poussière. « Ça arrive sec, emballé dans des ballots au lieu d’être en vrac et soufflé dans le poulailler. Je l’étends avec un tracteur à gazon. Le poussin y gagne, car l’air dans le bâtiment est meilleur », poursuit celui qui produit 20 000 poulets de chair par cycle de 35 jours, entrecoupé d’un vide sanitaire de 21 jours puisque sa production est sans antibiotique.
L’un des inconvénients de la ripe de bois est justement la poussière générée lorsqu’elle est soufflée à l’intérieur du poulailler. Généralement, les éleveurs devaient procéder à un lavage des murs et des mangeoires une fois l’opération terminée. De plus, le nettoyage des filtres des tracteurs est nécessaire en cours de route tellement la poussière les encrasse.
Lors de la visite de L’UtiliTerre, les poules de 17 jours se déplaçaient sur une litière de deux pouces d’épaisseur encore relativement blanche. « Avec le bois, tu dois en mettre plus, car ça absorbe moins. Avec le papier, il n’y a rien qui colle au plancher. Habituellement, à cet âge-là, on voit encore leur chair. C’est entre le duvet et la plume, tandis que là, elles ont déjà un beau plumage avec de belles petites bedaines », vante Olivier Courchesne, qui en attribue une partie du mérite à la qualité de sa litière.
Autre point positif noté par Olivier Courchesne, la ripe de papier conserve moins l’humidité que le bois, ce qui permet d’économiser sur le coût de chauffage. « Tu brûles beaucoup de propane pour assécher le bois », fait-il remarquer. Enfin, la ripe de bois étant suspectée d’être un vecteur par lequel les ténébrions peuvent infecter un poulailler, la litière de papier offre un autre bénéfice au niveau parasitaire.
Plus long à manipuler
Un autre producteur avicole, la Ferme St-Ours, à Saint-Ours en Montérégie, utilise depuis un peu plus de trois ans la ripe de papier de Pure Bedding comme litière. Tout comme Olivier Courchesne, le chef des opérations pour la division Œufs et poulets David Lefebvre est enchanté des résultats. « Ça offre une belle flexibilité dans la gestion des fumiers. Nous, on le vend au Groupe Inovo qui le transforme en le revalorisant sous forme de granules pour les platebandes et les cultures. Nous-même, on en achète pour utiliser comme engrais dans nos champs de grandes cultures biologiques. » D’ailleurs, Pure Bedding est actuellement en pourparlers avec le producteur d’œufs Groupe Inovo dans le but d’expérimenter le produit dans quelques-unes de ses installations.
En ce qui concerne l’absorption et la qualité de l’air, la ripe de papier offre des avantages indéniables, poursuit-il. « La litière sous les lignes d’eau reste sèche. C’est aussi plus économique que la ripe de bois parce qu’une fois le sac ouvert, ça prend beaucoup de volume. Donc, ça nous en prend moins pour couvrir une même surface. »
Le seul bémol soulevé par David Lefebvre tient justement à la manipulation des ballots de 2,8 pi3. « Il y a une question de main-d’œuvre et d’efficacité qui se pose. Les producteurs avicoles travaillent souvent sur de grandes surfaces et c’est beaucoup de travail à épandre uniformément, contrairement à la ripe de bois que tu te fais livrer en vrac et que tu peux souffler. Pour cette raison, on utilise à la Ferme St-Ours la litière de papier dans nos petits poulaillers bio », explique le chef des opérations.
Dans ses efforts pour gagner des parts dans le marché avicole, Donald Leblanc assure qu’il veillera à offrir un prix concurrentiel pour convaincre les producteurs de passer à la ripe de papier. « On compare mon produit avec la ripe de bois, mais ce n’est pas comme ça que je le vois », résume le propriétaire de Pure Bedding. « C’est comme si on comparait la paille qui était utilisée avant comme litière et la ripe de bois. Il y a plutôt eu une évolution de la paille vers la ripe de bois et aujourd’hui, le prochain step dans l’industrie avicole, c’est de passer à la ripe de papier », conclut-il.
Avantage de la ripe de papier
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