Élevage 8 mars 2023

Des montagnes, des enfants, des chèvres et du fromage

SAINT-DAMIEN-DE-BUCKLAND — Il y a vingt ans, Aagje Denys, une agronome originaire de Belgique, quittait son pays natal pour se lancer dans une aventure audacieuse entremêlant famille, chèvres et fromage biologique dans les montagnes de Saint-Damien, dans la région de Chaudière-Appalaches. C’est le charme particulier de ce petit village, situé dans le contrefort de la chaîne de montagnes des Appalaches, qui l’a séduite, confie la fromagère, rencontrée par La Terre quelques jours avant  la Journée internationale des femmes.

L’idée, au départ, était de démarrer une ferme fruitière, d’où le nom donné à l’entreprise. Or le climat désavantageux de la région l’a forcée à trouver un projet mieux adapté à cet environnement. C’est ainsi qu’un petit troupeau de 25 chèvres est venu animer ses terres vallonnées en 2004. Cette idée s’est imposée d’elle-même après une formation suivie auprès d’un maître fromager qui a fait naître chez Mme Denys une passion insatiable pour la fabrication de fromages.

Ce projet était assez ambitieux à l’époque, reconnaît celle qui venait alors de donner naissance à son quatrième enfant. « C’était beaucoup de travail, mais je ne me voyais pas travailler à l’extérieur. J’ai aussi une liberté de décision qui m’a permis de m’épanouir dans une entreprise qui correspond à mes valeurs, comme le bien-être animal, l’agriculture biologique et la culture régénératrice », donne en exemple celle qui est aujourd’hui mère de cinq enfants âgés de 15 à 30 ans.

Les chevreaux de la Ferme Cassis et Mélisse ne sont pas séparés de leur mère après leur naissance, ce qui améliore leur santé, selon les propriétaires. Photo : Patricia Blackburn/TCN

Bâtir sa clientèle une bouchée à la fois

Les défis ont toutefois été nombreux pour arriver à bâtir une clientèle dans cette région éloignée, peu fréquentée des touristes, et dans une production peu commune au Québec (les producteurs de lait de chèvre biologique se comptent encore sur les doigts d’une main). « Quand on a commencé il y a vingt ans, les gens connaissaient encore très peu le fromage de chèvre. Il fallait tout faire goûter à tout le monde », se souvient-elle avec amusement. Leur production était alors vendue à 15 % à la ferme et à 85 % dans les restaurants et épiceries fines de la région de Québec. Aujourd’hui, la situation s’est inversée : 85 % de la production est écoulée directement à la boutique. Une réussite dont se félicite la fromagère, qui manque même de fromages pendant la période estivale.

Les fromages de la Ferme Cassis et Mélisse sont fabriqués au maximum 12 heures après la traite, ce qui permet d’atténuer significativement « le petit goût » que plusieurs consommateurs aiment moins dans le fromage de lait de chèvre, révèle la fromagère Aagje Denys. Photo : Patricia Blackburn/TCN

Avec un troupeau qui compte aujourd’hui 75 chèvres, il n’y a toutefois aucun projet d’expansion à l’horizon. « On veut plutôt continuer de miser sur le bien-être de nos animaux, la qualité de nos produits et consolider nos investissements », indique Mme Denys, qui énumère plusieurs installations ajoutées à la ferme à travers les années, dont un économusée de fromagerie fermière, un café-restaurant et une partie « didactique » expliquant aux visiteurs les étapes de fabrication du fromage.