Environnement 14 mars 2023

Fertilisants 2023 : effervescence autour des biostimulants

L’environnement et les biostimulants occupent une grande place en 2023 dans les centres de recherche et sur les tablettes des différents marchands d’engrais au Québec. Tour d’horizon.


Agro-100

Après une distribution à petite échelle l’an dernier, c’est en 2023 qu’Agro-100 fait le grand lancement d’Oligo Prime, une technologie de biostimulants intégrée dans la quasi-totalité de sa gamme de fertilisants foliaires.

Pierre Mignier, directeur du développement de produits et de la formation agronomique, Agro-100. Photo : Gracieuseté d’Agro-100

« Ça vient renforcer les défenses naturelles de la plante contre les stress abiotiques, améliorer l’absorption des nutriments et favoriser l’atteinte du plein potentiel de rendement », explique Pierre Mignier, directeur du développement de produits et de la formation agronomique chez Agro-100, qui fait de la recherche sur les biostimulants depuis plus de 10 ans.

Oligo Prime comprend quatre technologies (signaux métaboliques, C-plex, acide fulvique et chitosane) qui interagissent pour stimuler les mécanismes de défense naturelle de la plante. « Dans un premier temps, ça améliore l’efficacité des nutriments. On s’assure qu’ils soient transportés là où la plante en a besoin. Puis, ça vient diminuer les effets des stress abiotiques sur les plantes comme un brusque changement de climat, une sécheresse, une inondation, l’application d’un herbicide. »

Pierre Mignier donne en exemple l’application d’un herbicide qui vient provoquer un stress significatif et important chez la plante. « Si on peut réduire l’impact de ce stress négatif, on va gagner en fin de saison. Nos recherches ont démontré que le temps qu’il est présent sur la plante, un herbicide pouvait réduire de 50 % son taux de photosynthèse. Pendant cette période, les stomates se ferment et empêchent le CO2 d’entrer dans la plante. En appliquant Oligo Prime, on ramenait ce taux de 16 à 22 %. Ça devient un gain significatif de ce côté-là », souligne l’agronome, qui ajoute qu’Oligo Prime diminue aussi la concentration de matière oxydante dans le cas d’une plante victime d’une averse de grêle ou d’un coup de vent violent.


Sollio Agriculture

En 2023, Sollio Agriculture poursuivra ses recherches sur les impacts environnementaux générés par sa technologie d’urée enrobée Puryield. Amorcée en 2021 sur trois sites à Saint-Hyacinthe et un quatrième en Ontario en 2022, l’étude menée en collaboration avec l’Université McGill se poursuivra cette année avec le déplacement de l’un des trois sites en Montérégie vers l’Est-du-Québec afin d’obtenir plus de points de comparaison.

Lucie Kablan, chercheuse et directrice de l’innovation chez Sollio Agriculture. Photo : Gracieuseté de Sollio

Chercheuse et directrice de l’innovation chez Sollio Agriculture, Lucie Kablan explique que les résultats préliminaires indiquent que les conditions environnementales ont un réel effet sur l’émission de gaz à effet de serre (GES). « Avec le même type de sol, les sites de Saint-Hyacinthe et de l’Ontario n’ont pas affiché les mêmes émissions de GES. En 2022, la saison de croissance a été beaucoup plus humide au Québec, tandis qu’en Ontario, la saison a été plus sèche. On a constaté plus de dénitrification à Saint-Hyacinthe à la suite de l’application de l’engrais azoté. »

L’objectif ultime derrière cette étude est d’intégrer l’aspect environnemental dans l’offre de produits de Sollio Agriculture. « L’idée, c’est d’arriver avec des données qui permettront de déterminer qu’avec telle dose, l’impact environnemental sera tel. Nous travaillons dans la perspective des cibles gouvernementales que sont la diminution de 15 % des fertilisants azotés au Québec et la réduction de 30 % des GES au Canada », conclut Lucie Kablan.


OrganicOcean

Spécialisée dans la production de biostimulants à base d’algues marines, OrganicOcean poursuit ses recherches dans l’élaboration de nouveaux produits, mais entend se concentrer en 2023 sur le positionnement de la gamme existante dans les réseaux de Sollio Agriculture et Agrocentre.

Martin Poirier, président et directeur général chez OrganicOcean. Photo : Gracieuseté d’OrganicOcean

Pour Martin Poirier, président et directeur général de l’entreprise basée à Rimouski, les mentalités des producteurs locaux évoluent par rapport à l’utilisation des biostimulants, mais le Québec accuse encore du retard sur l’Europe. « Nous avons une bonne ligne de produits qui méritent encore du positionnement sur le marché. Nous n’avons pas encore atteint notre maturité avec ceux-là. »

Certains des produits d’OrganicOcean sont spécifiques aux cultures maraîchères, alors que d’autres sont destinés aux grandes cultures. « VITA avait fait ses preuves auprès des producteurs maraîchers, mais depuis deux ans, on a constaté qu’il donne aussi d’excellents résultats dans les grandes cultures, souligne Marin Poirier. Dans les champs de maïs, en l’appliquant lors du même passage que le fongicide, on a ­enregistré une augmentation du rendement de 600 kg à l’hectare en comparaison avec une parcelle témoin qui n’avait eu que sa dose de fongicide. Ce sont des résultats qui se sont répétés durant deux ans, dans deux provinces différentes. »

Martin Poirier cite également le biostimulant granulaire ASCO-ROOTS qui, appliqué dans les champs de pommes de terre, a permis des augmentations moyennes de 37 quintaux à l’acre. « C’est basé sur des résultats enregistrés pendant une décennie, entre 2012 et 2021. Transposé en ventes, ça veut dire que pour 1 $ d’ASCO-ROOTS, tu vas chercher 9 $ en revenus additionnels. »

Bien qu’encore au stade de la recherche, l’équipe R et D d’OrganicOcean étudie les possibilités offertes par le chitosane, un dérivé de la chitine qu’on retrouve notamment dans les carapaces des crustacés, comme les crevettes par exemple. « Quand on met ces molécules dans le sol, près du système racinaire, ça devient une nouvelle source de carbone. Les microorganismes souterrains vont devoir produire plus d’enzymes pour consommer cette source de carbone. Tout ça vient créer un environnement hostile pour différents types de pathogènes. Ça équivaut à une nutrition indirecte », résume Martin Poirier.


Synagri

Synagri propose des biostimulants sous la marque Biosyn depuis quelques années avec de bons ­résultats dans la pomme de terre et le maïs-grain, soutenus par des essais en station et chez des producteurs et une recherche menée par l’Université McGill sous la direction de Donald L. Smith. L’entreprise de ­Saint-Hyacinthe poursuivra ces essais en 2023 afin de comprendre les différentes substances biostimulantes proposées et de connaître leurs effets sur le rendement et la qualité de différentes cultures selon les sols et climats variés du Québec.

Christopher Liebrecht, directeur de la recherche et des services agronomiques, Synagri.

Pour le moment, les recherches sont menées sur les cultures de maïs, de soya, de blé et de pommes de terre, mentionne Christopher Liebrecht, directeur de la recherche et des services agronomiques chez Synagri. « De nombreuses substances sont encore mal connues ou mal utilisées, ou non adaptées à nos sols et à notre climat, et de gros efforts de recherche sont encore nécessaires pour bien comprendre leur mode d’action et les facteurs influençant leur efficacité, afin de permettre une bonne utilisation des ­produits sous nos conditions », souligne l’agronome.

Christopher Liebrecht ajoute que les biostimulants sont des outils de réglage qui ne remplacent pas les bonnes pratiques agronomiques. « Si le potentiel de rendement est affaibli à cause d’un prérequis manquant d’un sol en santé comme le bon drainage de surface et du sous-sol, l’absence de compaction et une bonne fertilité, l’effet du biostimulant risque d’être marginal, sinon nul », précise-t-il, tout en ­ajoutant que Synagri comptait bien participer à cette nouvelle révolution verte liée à la commercialisation des biostimulants.