Culture 19 janvier 2024

Chronique poétique et sans tabous d’un fils de producteur laitier

L’auteur Steve Poutré lançait, le 16 janvier, son premier roman, Lait cru, inspiré de son enfance vécue sur la ferme laitière familiale, à Saint-Ignace-de-Stanbridge, en Estrie.

L’histoire fictive, mais fortement nourrie par ses expériences personnelles, est racontée sous forme de courts fragments, très poétiques, qui au fil de la lecture finissent par rendre compte des richesses comme des côtés plus crus et sombres du quotidien d’une famille de producteurs laitiers. « C’était important pour moi de ne pas tomber dans la critique des agriculteurs. Ç’aurait été de toute façon très hypocrite de ma part. Mais je fais le portrait des mœurs familiales et des méthodes parfois rudes utilisées à l’époque, dans les années 1980, et qui m’ont troublé quand j’étais jeune », explique-t-il en entrevue avec La Terre.

Lait cru, de l’auteur Steve Poutré, a été lancé le 16 janvier aux Éditions Alto. Photo : Éditions Alto

L’histoire aborde aussi les délicats sujets de la maladie mentale et de la détresse psychologique, qui s’entremêlent au quotidien éreintant du travail à la ferme et aux valeurs parfois rigides véhiculées à travers les générations.

C’est quelque chose qui me parlait beaucoup, d’aller jouer dans ces zones-là, pour injecter un peu de gore et de poésie à travers tout ça. Mais plutôt qu’être dans la fantaisie, on est dans l’hallucination d’un personnage réaliste qui pourrait être en psychose, par exemple.

L’auteur, Steve Poutré

C’est le chemin qu’il a utilisé pour aborder plusieurs drames traversés par sa famille et qui l’ont profondément hanté pendant son enfance, et encore aujourd’hui. « C’est un volet social du roman qui m’est venu par défaut.  Je ne me suis jamais dit qu’il fallait en parler parce que c’était à la mode, mais parce que c’était très présent dans mon souvenir. On ressentait une certaine détresse psychologique chez mon grand-père, mon père, mes oncles. Mais ça ne se discutait pas à l’époque. C’était tabou, tant dans les familles que dans les ­villages », confie l’auteur. 

Bien que la ferme familiale soit aujourd’hui entre les mains d’un de ses cousins, M. Poutré continue de se demander ce qu’aurait pu être sa vie si son père n’avait pas vendu ses parts de l’entreprise au reste de la famille. « Quand on a quitté la ferme, j’avais 13 ans et ç’a été la pire et la plus belle chose qui m’est arrivée. Je garde une relation amour-haine envers ce milieu », avoue l’auteur.