Alimentation 3 octobre 2018

Des stratégies marketing au goût douteux

Du lait sans vaches, des œufs sans poules et de la « viande » végétale : de nouveaux produits tentent d’imiter les aliments issus de la production animale. Des joueurs de la filière de l’élevage dénoncent cette usurpation alimentaire.

Un produit à base de pois jaunes, de betteraves, de pommes de terre et d’huile de coco peut-il être qualifié de « viande »?
C’est le pari que fait la chaîne de restauration A&W avec son nouveau hamburger Beyond Meat. Cette utilisation du terme « viande » soulève l’ire des éleveurs de bovins de tout le Canada.

Lancé cet été, le sandwich est garni d’une galette faite de protéines végétales à 100 %. « Il est juteux, savoureux, et tout ce qu’on veut d’un vrai bon burger », clame la chaîne de restauration rapide. 

La nouvelle campagne publicitaire de la chaîne de restauration rapide A&W mousse sa « viande végétale ». Crédit photo : A&W
La nouvelle campagne publicitaire de la chaîne de restauration rapide A&W mousse sa « viande végétale ». Crédit photo : A&W

Au Québec, des éleveurs ont contacté leur fédération pour dénoncer cette usurpation du mot « viande ». « À la limite, c’est de la fausse publicité, critique le président des Producteurs de bovins du Québec, Claude Viel. Nous ne sommes pas contre la “boulette” de protéines végétales. Ce qu’on aime moins, c’est que ces compagnies utilisent le terme “viande”. Le consommateur se fait fourvoyer un peu. » À l’échelle du pays, la Canadian Cattlemen’s Association songe même à déposer une plainte au Conseil canadien de la publicité contre A&W, a indiqué sa coordinatrice politique, Stina Nagel. Aux États-Unis, la National Cattlemen’s Beef Association mène une campagne afin que le gouvernement encadre mieux l’étiquetage de la « fausse viande ». 

De son côté, A&W a indiqué à La Terre ne pas avoir eu de discussions entourant l’utilisation du terme « viande végétale » dans la promotion de son hamburger. La popularité du sandwich a dépassé les attentes de la chaîne, ce qui a même causé une rupture de stock temporaire.

La nouvelle campagne d’A&W constitue une percée majeure pour Beyond Meat, la compagnie derrière la création du « burger révolutionnaire à base de plantes qui ressemble au bœuf, se cuit et satisfait comme le bœuf ».

Les géants de la viande espèrent profiter de cet appétit croissant à l’égard des protéines de remplacement des produits animaux. Tyson, le numéro deux mondial de l’abattage et de la transformation, compte d’ailleurs parmi les actionnaires de Beyond Meat. De son côté, la compagnie Impossible Food commercialise son Impossible Meat™ burger, une solution de rechange toute végane pour les amateurs de viande. Le produit n’est pas encore offert au Québec, mais figure sur le menu de plusieurs restaurants de Toronto et de New York.

Le père de la galette in vitro, le professeur Mark Post. Crédit photo : mosameat.com
Le père de la galette in vitro, le professeur Mark Post. Crédit photo : mosameat.com

Viande éprouvette

Tyson table également sur la production de viande en laboratoire. L’entreprise a ainsi injecté de l’argent dans Memphis Meats, spécialisée dans cette « culture ». Tyson suit donc l’exemple de son compétiteur Cargill et du milliardaire Bill Gates. Le coût d’une galette de viande produite en laboratoire est passé de quelque 330 000 $ en 2013 à 40 $/g à l’heure actuelle. Il pourrait atteindre 10 $ la pièce en 2020, estime le site Cleanmeat.org. Une première galette in vitro pourrait même être commercialisée d’ici la fin de l’année.

Plus besoin d’animaux?

Plusieurs entreprises œuvrent actuellement à mettre au point des aliments en laboratoire. Pour sa part, l’exploitation Perfect Day développe depuis 2014 un « lait » synthétique produit à partir de levures, un peu comme de la bière. 

Le département américain de l’Agriculture (USDA) réfléchit à la façon d’encadrer l’utilisation de la culture cellulaire pour la production de produits dérivés du bétail et de la volaille. Il tiendra une consultation publique à ce sujet. 

Que dit la réglementation?

Au Canada, l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) encadre l’usage du terme « viande ». Cette dernière se définit comme la « partie comestible d’une carcasse […] ». Questionnée par La Terre, l’Agence indique que la mention « viande végétale » sur les produits protéiques à base de plantes peut être trompeur pour les consommateurs. L’utilisation du mot « lait » fait aussi l’objet d’un encadrement strict. Le Règlement sur les aliments et drogues définit ce liquide comme « la sécrétion lactée normale des glandes mammaires de la vache, du genre Bos ».

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