Alimentation 2 mars 2023

Le nouveau format de paniers de fraises fait réagir

Le prédécesseur de David Lemire, Michel Sauriol, est redevenu président de l’APFFQ, le 22 février. Le producteur de Laval avait occupé ce siège pendant plusieurs années jusqu’en 2015. Photo : Caroline Morneau/TCN

VICTORIAVILLE – De grandes chaînes de détaillants alimentaires commercialiseront, à l’été 2023, un nouveau format de paniers de fraises à 750 ml, plus petits que les contenants répandus de 1 L. Cette idée portée par l’Association des producteurs de fraises et framboises du Québec (APFFQ), visant à maintenir un prix abordable par contenant affiché à l’épicerie, ne fait toutefois pas l’unanimité et a suscité beaucoup de discussions lors de l’assemblée générale annuelle de l’organisation, le 22 février, à Victoriaville.

« J’ai fait le saut quand j’ai appris la nouvelle », a exprimé au micro Denis Beaudoin, producteur à Saint-Antoine-de-Tilly, dans Chaudière-Appalaches. « On se plie à toutes sortes de normes et ça nous amène évidemment à des coûts [de production] de plus en plus élevés, mais de l’autre côté, on se retourne et on dit au consommateur : “On continue à vous offrir nos produits, qui sont d’excellente qualité, mais on n’ose pas monter le prix. À la place, on va continuer à baisser le format.” » L’agriculteur aurait préféré que l’industrie assume que la fraise est un produit « qui vaut son pesant d’or » et la présente ainsi aux consommateurs, plutôt que de réduire le format des paniers en espérant maintenir des prix semblables à ceux des années précédentes. D’autres commentaires au micro sont allés dans le même sens. 

Le 1er vice-président de l’APFFQ, Guy Pouliot, a répondu qu’il comprenait leurs arguments « qui sont tous bons », mais a rappelé que la capacité des fermes à écouler de grands volumes de fraises dépend des spéciaux que les épiceries sont en mesure d’afficher. « Parce qu’on augmente toujours le prix de notre boîte, c’est devenu de plus en plus difficile pour une chaîne d’annoncer à des prix attrayants pour les consommateurs, a-t-il par la suite exposé en entrevue avec La Terre. On a une industrie qui est forgée sur le contenant de 1 L qu’on peut vendre à 2,99 $ ou 3,99 $ pendant l’année. Là, on est en train de passer à du 3,99 $ et du 4,99 $ et on le voit qu’à 4,99 $, le consommateur achète moins. » 

Les producteurs prévenus

La directrice générale de l’association, Jennifer Crawford, a expliqué, en marge de l’assemblée, que l’idée d’introduire un nouveau format a fait l’objet de nombreuses consultations auprès des producteurs, qui se sont majoritairement prononcés en faveur. Le projet a ensuite été présenté à la Chambre de coordination et de développement, où siègent des détaillants. 

Jusqu’ici, Metro aurait confirmé qu’il commencera la saison avec le format de 750 ml, tandis que Sobeys prévoit commencer avec le contenant de 1 L, avant de faire la transition vers le contenant de 750 ml à l’arrivée de la fraise d’automne. Loblaws ne se serait pas prononcé clairement sur ses intentions d’adopter ou non le nouveau format. 

Durant l’assemblée, Guy Pouliot et le président sortant, David Lemire, ont expliqué que l’association a choisi de prendre les devants avec le projet de nouveau panier pour pouvoir bien informer l’ensemble des producteurs de ce qui s’en venait, parce que des fermes, de toute façon, avaient déjà l’intention de proposer l’idée aux grandes chaînes. « Il y avait un projet privé, a expliqué M. Pouliot. La personne a eu l’idée d’en parler à l’association pour que tout le monde soit avisé et que tout le monde, d’accord ou pas, ait la possibilité de se préparer et de commander le 750 ml dans un délai raisonnable, avant le début de la saison », a-t-il fait valoir. 

Un salaire tenant compte des services

Lors de l’assemblée, Annie-Claude Bélisle, relève à la ferme A. Bélisle et Fils, dans les Laurentides, a interpellé le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, sur la question des salaires. Ses travailleurs locaux, a-t-elle dit, estiment injuste que les travailleurs étrangers temporaires occupant le même poste qu’eux gagnent le même salaire, tout en bénéficiant de nombreux autres avantages, tels que le logement et le véhicule fourni ou encore le service d’accompagnement chez le médecin et le dentiste.

« Pourquoi ne pas instaurer un salaire minimum tenant compte du service d’accompagnement, un peu comme le salaire minimum avec pourboire qui est offert dans le domaine de la restauration ? Ce salaire […] serait offert à l’ensemble des travailleurs, étrangers et locaux, qui bénéficieraient de ces services », a-t-elle suggéré. Le ministre s’est mouillé en répondant qu’il était « prêt à explorer ça pour voir s’il y a du chemin qu’on serait capable de faire ». Comme cette question est sensible, a-t-il toutefois expliqué, il faudrait d’abord que soit monté un dossier solide, avec des exemples et des chiffres qui prouveraient qu’un traitement différencié serait justifié, sans être discriminatoire.