Régions 13 mars 2019

10 % de travailleurs étrangers, ce n’est « pas assez »

Des usines de transformation agroalimentaire peinent à contrer la pénurie de main-d’œuvre avec le nombre maximal de travailleurs étrangers temporaires (TET) qu’elles sont autorisées à embaucher.

Le seuil, en vigueur depuis 2016 et fixé à 10 % par les conservateurs de Stephen Harper, limite le développement des entreprises. Le président-directeur général d’Olymel, Réjean Nadeau, a fait une sortie médiatique la semaine dernière pour demander au gouvernement fédéral d’augmenter le plafond à 15 %, voire même à 20 % de TET dans ses usines.

« On souhaite que notre croissance puisse se réaliser. Et pour ça, la disponibilité de la main-d’œuvre est essentielle », enchaîne Richard Vigneault, responsable des communications pour la compagnie. En raison de l’agrandissement de son usine à Yamachiche, Olymel cherche encore à recruter 200 employés sur les 314 postes à pourvoir.

Solution obligée

Si le fait d’embaucher des TET est une solution de « dernier recours », elle est toutefois devenue inévitable. « Nous avons un programme de référencement [pour nos employés]. […] On crée des foires de l’emploi, on utilise la radio, on organise des portes ouvertes. On essaie vraiment toutes sortes de méthodes de recrutement », soutient M. Vigneault. Mais force est de constater que la main-d’œuvre locale n’est pas au rendez-vous.

Cette situation est encore plus préoccupante dans les régions rurales, où le bassin de main-d’œuvre est restreint. Un constat partagé par Gerry Van Winden, président de Vegpro International, à Sherrington, qui doit conjuguer avec un grand roulement d’employés provenant surtout de Montréal. « Quand tu veux avoir des travailleurs plus formés, ils viennent souvent d’agences [pour un mandat temporaire]. C’est difficile de faire une planification », explique-t-il.

Dans ce contexte, l’idée d’augmenter le plafond des TET à 20 % lui semble totalement justifiée. « Et le vrai 10 %, on a déjà de la misère à l’avoir avec les délais de traitement [des demandes] », enchaîne M. Van Winden.

Prévenir le pire

Du côté d’Exceldor, on n’a pas encore atteint le seuil de 10 % de TET dans les usines de volailles, mais cela risque d’arriver d’ici un an, selon Nicolas Bilodeau, directeur des ressources humaines. « C’est important de revenir à un plafond supérieur. C’est ce qu’on dit depuis des années. À moyen ou long terme, ce ne sera pas assez », estime-t-il.

Il y a un an, l’entreprise a mis sur pied un projet-pilote à son usine de Saint-Anselme avec une dizaine de TET. On prévoit déjà en embaucher 43 de plus pour l’été 2019. Du côté de l’usine de Saint-Damase, on évalue la possibilité d’avoir recours à des TET prochainement. « Ça peut faire une différence pour maintenir nos activités », souligne M. Bilodeau. D’autant plus qu’il est de plus en plus difficile de recruter des étudiants pour l’été et que les employés actuels sont davantage sollicités pour faire des heures supplémentaires. 

Manque d’écoute du fédéral

Après avoir eu plusieurs rencontres avec des responsables fédéraux à ce sujet au cours des dernières années, Gerry Van Winden, de Vegpro International, déplore l’inaction d’Ottawa. « On ne sent pas que le gouvernement fédéral est interpellé par le manque de main-d’œuvre. C’est au point mort et c’est décevant », dit-il.

Pour Nicolas Bilodeau, d’Exceldor, le gouvernement semble montrer une « ouverture » à hausser le plafond. « Mais ça ne se concrétise pas. On n’a pas les signaux que ça va se faire rapidement. Ça dérange l’industrie », avance celui qui siège au Conseil des
ressources humaines du secteur de la transformation des aliments.

Appelé à réagir, Emploi et développement social Canada affirme qu’il « poursuit son examen » et qu’aucune décision n’a été prise quant au plafond de 10 % de TET imposé aux transformateurs alimentaires. Toutefois, le ministère affirme qu’il « continuera à consulter les intervenants pour s’assurer que le Programme des travailleurs étrangers temporaires est transparent et efficace et qu’il répond aux besoins des travailleurs et des employeurs du secteur agricole ».