Régions 20 septembre 2018

« Un sentiment de honte épouvantable »

Âgé de 86 ans, Hauris Lalancette fait partie des colons qui ont défriché l’Abitibi. Il se souvient précisément du début de tout ce labeur dans les années 1950.

« Le gouvernement nous donnait 5 livres de clous, quelques vitres et c’est tout ce qu’on avait pour ouvrir un lot. Il n’y avait même pas de route pour s’y rendre. On n’avait rien. On mangeait du lièvre en masse et on travaillait comme des fous! Il a fallu arracher les souches une à une, arranger la terre, l’égoutter. J’ai des voisins qui y ont perdu la santé. Quand je pense à tous ces sacrifices et que je vois leur lot repousser en friche, je me dis : “Ça a donné quoi?” » raconte celui qui vit toujours avec sa femme sur les 280 acres qu’ils ont défrichés. 

Son fils a pris la relève et cultive les terres de ses parents, mais M. Lalancette indique que plusieurs propriétaires de lots de la région n’ont pas cette chance. Certaines personnes qui ont défriché ces terres sont revenues lui rendre visite. « Ils n’ont pas osé regarder leurs terres devenues des friches ou qui ont été replantées d’épinettes. Tu vois ça et tu as un sentiment de honte épouvantable », confie-t-il. 

La promesse d’un royaume 

L’histoire d’Hauris Lalancette fascine. Son combat contre les terres « dévitalisées » perdure depuis plus de cinquante ans. Le documentaire Un royaume vous attend, paru en 1975, met d’ailleurs en vedette M. Lalancette, qui dénonce avec véhémence le reboisement de terres que « des hommes avaient mis 30 ans à défricher ».

Le principal intéressé explique que la situation n’a pas changé en 2018, près de 45 ans plus tard, comme en font foi bon nombre de parcelles abandonnées ou reboisées. « C’est très regrettable de ne pas être capable de mettre en valeur notre beau territoire. Des politiciens ont pris de mauvaises décisions qui servaient davantage leurs intérêts que ceux du peuple. Et je vois des jeunes qui aiment mieux se promener en quatre roues que de travailler et de remettre ces terres-là en culture. Moi, je ne peux plus rien faire », plaide l’éternel militant. 

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