Élevage 31 juillet 2018

L’inspecteur et la loi

Nul n’est censé ignorer la loi. Il en est ainsi pour les producteurs agricoles et les éleveurs de bovins de boucherie. Ils doivent se soumettre à une liste de lois et de règlements liés au bien-être animal, à la traçabilité et à la disposition des animaux morts. Bref tour d’horizon avec Julie Nolin, médecin vétérinaire et conseillère en réglementation et en bien-être animal au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ).

Lois et règlements

Tout comme leurs confrères, les éleveurs de bovins de boucherie sont soumis à la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal, en place depuis 2015. En gros, cette loi protège les animaux tout au long de leur vie, explique Julie Nolin. Au Québec, il est désormais entre autres reconnu que « l’animal est un être doué de sensibilité ayant des impératifs biologiques ».

Par exemple – et ce ne sont là que les obligations les plus élémentaires –, les propriétaires ou les gardiens de bovins de boucherie doivent impérativement offrir à leur troupeau un accès à de l’eau et à de la nourriture, en quantité et en qualité convenable, de même qu’un logement adéquat, propre, espacé, ventilé et bien éclairé. Selon Mme Nolin, les bovins doivent également jouir d’une protection contre les éléments comme le chaleur ou le froid extrême. Enfin, ils doivent être transportés convenablement dans un véhicule approprié. 

Bien sûr, il existe des exceptions, indique Mme Nolin. « Si l’on se réfère au Code de pratiques du Conseil national pour les soins aux animaux d’élevage, certains aspects de la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal peuvent faire l’objet d’exemptions. La façon d’abreuver les bovins de boucherie en est une. » Par exemple, l’installation d’abreuvoirs dans les pâturages.

Pour ce qui est de la traçabilité, le Règlement sur l’identification et la traçabilité de certains animaux fait autorité. Il découle de la Loi sur la protection sanitaire des animaux. La filière sur la traçabilité en lien avec les bovins de boucherie est en vigueur depuis 2002. Détail important : les bovins doivent être identifiés dans un délai déterminé par la réglementation; en général, cela est fait dans les sept premiers jours de leur vie. Toutes les informations relatives aux animaux de boucherie sont enregistrées dans une banque de données gérée par Agri-Traçabilité Québec (ATQ), indique Mme Nolin.

Enfin, la disposition des animaux morts est quant à elle régie par le Règlement sur les aliments. Dans les 48 heures suivant le décès d’une bête, l’éleveur a trois choix pour disposer de sa carcasse : en la faisant incinérer dans des installations conformes aux normes environnementales, en la remettant à un récupérateur ou à un atelier d’équarrissage reconnu par le MAPAQ, ou bien, de façon limitée et très encadrée, en l’enfouissant lui-même à la ferme. Le guide sur l’enfouissement des animaux morts à la ferme est d’ailleurs disponible sur le site du MAPAQ mapaq.gouv.qc.ca.

Anatomie d’une visite

Si un membre de l’équipe d’inspection du MAPAQ s’invite à votre ferme, c’est parce qu’il y a eu un signalement ou, autrement dit, parce que quelqu’un a déposé une plainte. La ligne 1 844-ANIMAUX est d’ailleurs mise à la disposition des Québécois. Mais que se passe-t-il par la suite? Julie Nolin, médecin vétérinaire et conseillère en réglementation et en bien-être animal au MAPAQ, nous en donne un aperçu.

« Dès qu’il y a une plainte, dit-elle, le MAPAQ la traite, puis l’achemine à son service d’inspection pour analyse. Lorsque la santé, le bien-être ou la sécurité de l’animal semblent compromis, un responsable se rend sur les lieux pour faire une vérification. Un rapport est ensuite produit et remis au propriétaire ou au gardien des bêtes, qui doit absolument en prendre connaissance. »

Il arrive bien sûr que les inspecteurs du MAPAQ effectuent une visite complète pour une plainte sans lendemain. Dans pareil cas, il n’y a pas de rapport. D’ailleurs, la remise d’un rapport n’est pas toujours synonyme de réprimande. « Ça peut être de simples recommandations, dit Julie Nolin. Mais dans les cas plus sérieux, on produit un rapport de non-conformité. Dès lors, l’éleveur doit apporter les correctifs dans un délai déterminé selon la gravité des faits observés. » L’inspecteur se rendra sur place ou s’assurera auprès de l’agriculteur que les correctifs ont été appliqués.

Le rapport d’infraction est le pire scénario pour un éleveur. Ce type de rapport est remis quand les correctifs demandés ne sont pas effectués ou lorsque les inspecteurs du MAPAQ constatent d’importantes lacunes à leur première visite. 

« Le rapport d’infraction est automatiquement déposé auprès du ministère de la Justice. Le dossier se retrouvera devant un juge. Dans les pires cas, le producteur perd son troupeau. Mais c’est plutôt rare, car, en général, les Québécois sont de bons éleveurs. Ils sont très alertes en ce qui a trait au bien-être de leurs bêtes », explique la vétérinaire. 

La Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal prévoit également des amendes. Selon l’infraction, elles peuvent varier de 250 $ jusqu’à 250 000 $ pour une première offense, rappelle le MAPAQ.

Si une nouvelle plainte est déposée, qu’une deuxième visite est effectuée et que rien n’est encore reproché à l’éleveur, le MAPAQ entrera en contact avec le plaignant pour lui signifier que sa plainte est sans fondement.

Stéphane Champagne, collaboration spéciale