Des néophytes actifs sur plusieurs fronts

SAINT-HYACINTHE  — Caroline Brodeur et Vincent Deslauriers ont acheté leur ferme en 2018 et c’est à se demander s’ils ont dormi depuis. Ils possèdent une production de porcs en engraissement, un bâtiment avicole, un autre de veaux de grains et ont démarré leur « bébé », un élevage de bœufs Galloway nourri à l’herbe et dont pratiquement toutes les parties sont valorisées, incluant les os et même la peau! 

« On veut faire une différence au niveau de notre élevage. On veut avoir un impact positif sur l’environnement et sur la santé des gens », dit Caroline Brodeur, qui a racheté la ferme de son père en 2018, après avoir passé 10 ans à travailler comme esthéticienne. Elle a entraîné son conjoint, Vincent Deslauriers, qui était barman, dans « son idée folle » de lancer un élevage de bœufs nourris exclusivement à l’herbe. Cela nécessitait de transformer des terres dispendieuses de la région de Saint-Hyacinthe en… pâturage! « Les voisins disaient qu’on était pour scrapper des belles terres pour faire du foin. Mais la culture du maïs, nous, ce n’est pas ce qui nous rejoignait, alors on a fait nos têtes dures », raconte l’agricultrice au sujet de la genèse de la Ferme Brovin. 

Les deux néophytes ont non seulement dû apprendre les rudiments de l’élevage bovin, mais aussi de trois élevages commerciaux qui venaient avec la ferme, soit une pouponnière de 1 200 cochons et une autre de 11 000 poussins à forfait pour des intégrateurs, en plus de deux élevages de veaux de grains. Avec l’ambition de se démarquer, ils ont lancé leur projet de bœuf nourri à l’herbe, et ce, avec une race atypique, la Galloway. « Au début, on avait un peu peur qu’après tous nos efforts, notre bœuf à l’herbe goûte la même chose que du bœuf nourri à l’ensilage de maïs. On a essayé avec des animaux de 18 et de 24 mois, et ce n’était pas à notre goût. Mais quand on a essayé à 28 mois [l’âge de l’abattage], au niveau du goût et de la tendreté, c’était vraiment différent, c’était parfait. C’est là qu’on s’est dit qu’on était assis sur le projet qu’on voulait », mentionne Caroline Brodeur. 

La vente directe à la ferme et le contact avec les clients étaient aussi dans leur mire, notamment pour expliquer eux-mêmes aux consommateurs les avantages de la Galloway, une Écossaise qui produit une viande plus maigre, et pour décrire l’alimentation exclusivement à l’herbe des bêtes, qui augmente la teneur en oméga-3 dans la viande, assure l’agricultrice. Cette dernière insiste aussi sur les bienfaits environnementaux de prioriser la culture sans pesticides ni engrais chimiques des plantes fourragères pour nourrir ses animaux. 

Mais la race Galloway impliquait de partir à zéro, renchérit Vincent. « Il y a beaucoup d’inconnu avec cette race, très peu de statistiques sur les lignées génétiques qui ont le plus de rendement carcasse et qui ont la meilleure qualité [de viande]. Pour la régie et l’alimentation des Galloway au Québec, il y a peu d’information, souligne-t-il, donc il faut y aller par essais et erreurs. Ça fait partie des défis! » 

Reportage : Martin Ménard / Montage : Jérôme Vaillancourt

Une gamme de nourriture pour chiens

Afin d’épouser leurs convictions environnementales, les agriculteurs souhaitent récupérer et valoriser le maximum de chaque partie de leurs bovins. « Tout le gras de l’animal, on demande au boucher de nous le garder. Je le chauffe moi-même pour le rendre pur, et on l’envoie à la Savonnerie des diligences, en Estrie, qui nous fait une collection de savons artisanaux », décrit Caroline. La peau de chaque bête est également envoyée à l’une des rares tanneries encore en activité. « Les motifs blanc et noir sont uniques pour chaque Galloway. Les peaux d’été ont le poil court et les peaux d’hiver, le poil long. Ça fait très beau », exprime l’agricultrice, qui vend chaque peau environ 1 000 $. « On ne se fait pas beaucoup de profits, précise-t-elle, c’est plutôt la fierté de récupérer le maximum de la carcasse et d’honorer l’animal. » Idem pour les parties moins nobles, comme les os de la carcasse, qui sont maintenant offerts aux propriétaires de chiens. « On donnait les os à nos chiens. Ils adorent ça, car c’est plein de chair, de gras et de saveur. On s’est dit : ‘‘Pourquoi ne pas l’offrir aux clients qui ont aussi des chiens?’’ J’emballe les os un par un, sous vide, mais j’encourage le vrac pour diminuer le plastique. » Le cœur des bœufs, la langue et les rognons sont également emballés sous vide pour les chiens. « Les gens donnent de plus en plus de cru à leur chien. Alors, j’ai fait le tour des animaleries et l’intérêt est là. On l’offre en différentes portions, pour les petits ou les gros chiens. Les gens peuvent le donner congelé ou frais. Je suis content; ça commence à se parler, notre collection pour chiens! » se réjouit l’entrepreneure. 

Et comme si ce n’était pas assez, Vincent, qui affirme avoir « pogné la piqûre de l’agriculture », intensifie cette année une production maraîchère et fruitière pour donner l’occasion à sa clientèle de se nourrir le plus possible directement à la ferme.  

Les conseils d’agriculteurs d’expérience

Caroline Brodeur et Vincent Deslauriers ne détiennent pas de formation en agriculture, mais ils fouinent, se renseignent et font appel aux agriculteurs d’expérience. Le père de Caroline, avant d’être gravement malade, leur a transmis des notions d’élevage pour en maximiser la rentabilité. Le reste de l’école se fait maintenant au champ. « On a appris beaucoup de Brian Maloney [de la Ferme Brylee, en Outaouais] et de Meagan Patch [de la ferme Patch, en Estrie]. Ils ont déjà fait des erreurs et on essaie de miser sur cette richesse, de s’entourer de ces piliers », exprime Caroline. C’est avec ce savoir que le couple a notamment parfait ses techniques de pâturage intensif. Il reste encore à trouver la recette pour obtenir un taux de protéine idéal à partir des plantes fourragères et optimiser le gain de poids, sans entraîner de ballonnement chez les bêtes. 

Caroline Brodeur est fière du parcours de son entreprise agricole, qui vient d’avoir cinq ans et qui inclut de nombreux élevages, dont des boeufs Galloway nourris à l’herbe.
Photo : Martin Ménard/TCN

L’art de se dégager du temps quand on en manque

En plus des différents élevages et des cultures aux champs, Vincent Deslauriers a commencé, il y a trois ans, à développer un grand jardin dans le but d’offrir des légumes sous forme de paniers, mais sans abonnement. La gestion du temps devenait problématique lors de la récolte de certains légumes, comme les fèves et la laitue, dont la cueillette ne peut être retardée sans nuire à la qualité. La nouvelle stratégie consiste à se dégager du temps en cultivant des légumes dont la plage de récolte est plus longue. « Des betteraves, des oignons, des carottes, c’est plus permissif. On veut se créer une flexibilité », indique-t-il. Aussi, l’objectif consiste à cultiver des fruits et légumes qui pourront être offerts sur une longue période à la boutique à la ferme. « On fait des conserves, des cornichons, des tartes avec les fruits qu’on peut vendre toute l’année. C’est ce qui est le fun. » 

La boutique à la ferme offre des produits toute l’année : de la viande, des légumes en conserve maison et même des peaux de bovins tannées, de la nourriture à chien provenant des parties moins nobles de la carcasse et du savon artisanal. Photo : Martin Ménard/TCN
Fiche technique 🐮🐷🐤
Nom de la ferme :

Ferme Brovin

Spécialités :

Bœufs, veaux, porcs et volaille

Année de fondation :

2018

Noms des propriétaires :

Caroline Brodeur et Vincent Deslauriers

Nombre de générations :

1

Superficie en culture :

40 hectares

Cheptel :

11 000 poussins, 250 veaux en démarrage, 320 veaux de finition, 1 200 porcs et une vingtaine de bovins de boucherie


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