Lait 24 avril 2023

Les producteurs de lait acceptent de cotiser pour la gestion des solides non gras

SAINT-HYACINTHE – Les producteurs de lait du Québec acceptent de payer une nouvelle cotisation de 0,35 $/hectolitre (hl) pour la création d’un fonds destiné à la valorisation des solides non gras. Cette initiative s’inscrit dans une démarche nationale visant à inciter des promoteurs à investir pour la construction d’une ou de plusieurs usines de transformation au pays.

Après avoir été présentée dans les assemblées régionales, une résolution sur la nouvelle cotisation a été adoptée, à huis clos par les délégués, le 20 avril, lors de l’assemblée générale annuelle des Producteurs de lait du Québec (PLQ), à Saint-Hyacinthe. Avant d’entrer en vigueur, elle doit être approuvée par la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec.

Le fonds, créé à même les contributions des producteurs, pourra atteindre un montant plafond de 50 M$, mais il n’est pas écarté que les prélèvements se poursuivent au-delà de cette somme, advenant qu’un projet d’envergure le justifie, précise en entrevue le président des PLQ, Daniel Gobeil.

À l’échelle du Canada, les organisations de producteurs des différentes provinces travaillent à la création d’un programme à présenter aux transformateurs visant, entre autres, à développer des marchés pour les solides non gras. La contribution à ce programme au Québec prend la forme d’un prélevé, mais peut s’articuler différemment dans les autres provinces.

« Certaines n’ont pas besoin de prélever pour investir. Elles peuvent le faire à même les revenus générés par les ventes de lait. Nous, au Québec, il fallait un prélevé », indique le président.

Ça va prendre du temps. Construire un nouveau séchoir, ça ne se fait pas en criant ciseau. […] Il faut trouver de l’argent ; il faut trouver le marché.

Benoît Basillais, chef de la direction de la Commission canadienne du lait

Usines à pleine capacité

L’enjeu ne date pas d’hier : l’industrie canadienne se creuse les méninges pour trouver des débouchés aux surplus de solides non gras, notamment de protéine et de lactose, qui affectent à la baisse les revenus des producteurs de lait.

Ces surplus s’accumulent en raison de la croissance de la consommation de produits à forte teneur en gras, tels que le beurre et la crème. Or, le lait qui est produit surtout pour sa matière grasse contient aussi d’autres composants solides que le marché peine à absorber.

« On a une utilisation des composants qui ne balance pas avec l’utilisation du lait. On produit plus de protéines que le marché est capable d’en prendre », a résumé en entrevue le chef de la direction de la Commission canadienne du lait, Benoît Basillais.

Dans sa présentation devant l’assemblée, le 20 avril, ce dernier a aussi fait valoir que la capacité de transformation pour les poudres au Canada est stagnante depuis des décennies, d’où la nécessité d’ajouter au moins une usine au pays.

« Ça va prendre du temps, a-t-il admis. Construire un nouveau séchoir, ça ne se fait pas en criant ciseau. […] Il faut trouver de l’argent; il faut trouver le marché », a-t-il dit.

D’ailleurs, l’initiative de contribution des producteurs laitiers se veut complémentaire à un autre programme de 333 M$ financé sur dix ans par le gouvernement fédéral, pour le développement des marchés de solides non gras.

Sans entrer dans les détails, Benoit Basillais a précisé que les deux programmes seront lancés plus tard à l’automne.

À quel endroit?

En coulisse, une question reste en suspens : où sera construite la nouvelle usine?

« On ne le sait pas encore. Ça va dépendre des promoteurs, a répondu Daniel Gobeil. Il y a des besoins dans l’ouest du Canada, il y a des besoins dans l’ouest de l’Ontario, et on le sait qu’au niveau du Québec et des Maritimes, il y a des besoins aussi. »

De son côté, Benoît Basillais estime que l’industrie devra préconiser « une approche coordonnée » pour déterminer le ou les meilleurs emplacements. « Il va falloir investir à la bonne place dans ce qui rapportera le plus à la filière », a-t-il soutenu.


Normes de bien-être animal : soutien réclamé

Durant l’assemblée, une productrice qui s’est décrite comme relève non apparentée, Marie-Pier Vincent, a demandé au ministre provincial de l’Agriculture, André Lamontagne, si un programme de soutien en matière de bien-être animal sera reconduit, considérant que plusieurs entreprises laitières comme la sienne devront investir de façon importante pour répondre aux nouvelles normes du Code de pratiques pour le soin et la manipulation des bovins laitiers. « Je n’ai pas de promesse à vous faire, mais aujourd’hui, il y a des gens qui se cassent la tête […] et il y a des choses qui visent à accompagner ce que vous demandez, a répondu le ministre. C’est une préoccupation que j’ai tous les jours, la question de la pérennité des entreprises et de l’attractivité de notre secteur pour les jeunes et les moins jeunes. »

Accords commerciaux : « le secteur laitier a assez donné »

Même après avoir reçu les compensations attendues du gouvernement fédéral en regard des différents accords commerciaux, les producteurs de lait restent sur leurs gardes quant aux futures ententes de libre-échange. Ils ont réitéré par voie de résolution leur demande au gouvernement fédéral de tenir parole et de ne plus concéder des parts de marché supplémentaires. « Les concessions accompagnées de compensations, ce n’est pas un modèle qu’il faut continuer de soutenir », a insisté dans son discours devant l’assemblée, le président des PLQ, Daniel Gobeil. Il a souligné l’adhésion récente du Royaume-Uni au Partenariat transpacifique global et progressiste de laquelle pourraient découler des importations de fromages. « En ce moment, avec le Royaume-Uni et le Canada, il y a une entente bilatérale transitoire et l’entente bilatérale à long terme est en négociations. […] Le secteur laitier a assez donné, c’est clair que pour nous, c’est non négociable qu’on serve encore dans les négociations », a-t-il ajouté, pressant les partis politiques d’adopter le projet de loi C-282 visant à protéger la gestion de l’offre.


3,6 M$ pour réduire les émissions de méthane

Le ministre Lamontagne a confirmé dans son discours, à l’assemblée, qu’il investira 3,6 M$ sur cinq ans pour soutenir un projet de réduction des émissions de méthane issues des troupeaux laitiers, en collaboration avec des fermes du Québec. Le projet sera piloté par le centre d’expertise Lactanet, en partenariat avec les Producteurs de lait du Québec.