Vie rurale 23 juillet 2021

Celle qui dompte les bœufs

Kelly Landry a étonné bien des gens en allant se chercher un café au service au volant d’un Tim Hortons sur le dos de Magnum, son bœuf de 1 000 kilos.

Celle qui monte à cheval depuis son tout jeune âge a réussi à dompter un bœuf de race Holstein, qui maîtrise maintenant le pas et le trot. Ses cornes sont intimidantes, mais Kelly assure que le mastodonte est très doux et calme en public. Elle n’hésite pas à se déplacer en sentier et en bordure de la route sur le dos de la bête. Au moment de l’entrevue, Kelly venait justement d’aller manger une crème glacée à la crémerie avec son inhabituel compagnon. « Les gens trouvent ça drôle et certains s’approchent pour le flatter. Il y a juste la caissière du Tim Hortons qui m’a déjà dit que ce n’était pas « hygiénique » d’amener un bœuf au service à l’auto. Ah bon! » s’est amusé Kelly, qui réside à Saint-Arsène, près de Rivière-du-Loup, dans le Bas-Saint-Laurent.

Une sortie à la crèmerie pour Kelly Landry et son bœuf Magnum.
Une sortie à la crèmerie pour Kelly Landry et son bœuf Magnum.

Une relation insolite

C’est un destin particulier qui unit Kelly à son bœuf. « Je l’avais acheté quand il était un veau. C’était pour l’engraisser et éventuellement… le manger! Même s’il était assez laid, j’ai commencé à l’aimer. À six mois, je lui ai mis une selle sur le dos, pour le laisser s’énerver et vers un an, j’ai commencé à embarquer dessus, pas longtemps. Ensuite, petit à petit, je montais dessus plus longtemps », explique la femme de 24 ans.

Cette dernière travaille pour un tailleur de sabots, en plus de donner un coup de main dans trois fermes laitières de la région. Elle n’a jamais eu peur des bêtes et même que monter sur une vache ou un bœuf a toujours été l’un de ses ­plaisirs. « Dans les fermes laitières, je montais des génisses et je réussissais même à me coucher sur des vaches attachées. Tout est dans l’approche. J’aime beaucoup les vaches, je les flatte et je les brosse, elles ont confiance en moi », révèle Kelly, au sujet de son secret pour dompter les bovins.

Et la différence avec un cheval?

Si depuis des siècles l’humain a pris l’habitude de se déplacer à dos de cheval et non à dos de bœuf, c’est qu’il y a de bonnes raisons. « Ça brasse plus sur un bœuf et tu ne trottes pas ou ne galopes pas longtemps! J’essaie de pratiquer son endurance, mais mon plus long trajet a été 12 km d’un coup. À la fin, il me montrait qu’il était écoeuré; il me donnait des petits coups de cornes qui voulaient dire ‘‘Envoye, débarque!’’ », dit-elle en riant. L’endurance de la passagère est également mise à l’épreuve. « Avec un cheval, ça swigne de bas en haut sur tes fesses, tandis qu’avec un bœuf, c’est de gauche à droite. Ça vient dur sur les cuisses et ça prend de la force dans les jambes pour garder ta position. Surtout qu’il a tendance à s’arrêter, alors tu dois lui donner de petits coups de pied pour le motiver, tout en ardant ton équilibre », explique Kelly.

Il faut des animaux calmes ou un brin de témérité pour effectuer une telle pose.
Il faut des animaux calmes ou un brin de témérité pour effectuer une telle pose.

Au niveau comportemental, un bœuf n’a pas le même instinct de fuite vers l’avant qu’un cheval. « Quand le bœuf a peur, il fige, il se rondit le dos, il recule, se met à spinner en rond et repart. C’est plus difficile de prévoir où il va aller, car la tête ne suit pas les épaules », précise-t-elle. Un Magnum comme le sien est également plus coriace à dompter qu’un cheval, puisque le bœuf n’aime pas les routines d’entraînement. Ce n’est pas comme son cheval qu’elle peut faire tourner en rond au bout d’une laisse jusqu’à ce qu’il comprenne la manœuvre enseignée. Il faut donc inclure la leçon dans une succession de manœuvres pour ne pas l’ennuyer.

À l’ouvrage!

L’hiver dernier, Kelly a attelé une chambre à air derrière son bœuf, histoire de se faire tirer dans la neige. L’expérience n’a toutefois pas été des plus concluantes. « Magnum n’a pas trop le guts de tirer quelque chose et d’avancer sur une certaine distance, à part pour retourner à la maison. Il n’a pas été habitué, mais je commence à l’entraîner en l’attelant en double avec mon cheval, un Gypsy croisée Clyde. J’aimerais travailler avec les deux, pour sortir du bois, pour labourer, etc. », mentionne Kelly, qui caresse le rêve de produire sa nourriture et, pourquoi pas, son bois de chauffage avec la complicité de ses acolytes Magnum et Krystal. Au moment de la récompense, lorsqu’elle se rendra au service à l’auto acheter beigne et café, elle prendra soin de leur laver les pattes avec du désinfectant pour être « hygiénique ».