Vie rurale 19 septembre 2014

Le retour au bercail de Rachel

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Rien ne destinait Rachel Mahannah à prendre la tête de la ferme familiale. Cette intervenante auprès des jeunes délinquants avait peut-être sous-estimé son amour du traditionnel ramassage de roches printanier!

Quand elle était toute petite, la ferme tenait lieu de terrain de jeu pour Rachel. « Nous participions tout le temps aux activités de la ferme, ma sœur, mon frère et moi. Nous travaillions en équipe avec mes parents. Nous en avons ramassé des roches! » se remémore la jeune trentenaire. Malgré cet attachement pour l’entreprise familiale, Rachel ne se voyait pas à sa tête. « À 17 ans, quelqu’un m’aurait dit que je reprendrais la ferme, je ne l’aurais pas cru! » s’exclame-t-elle. La jeune femme s’inscrit plutôt en intervention en délinquance et travaille dix ans dans le domaine, notamment à Montréal. Elle y fait du bénévolat pour Le Bon Dieu dans la rue auprès des jeunes sans-abri, la nuit jusqu’au petit matin. Le décès d’un ami de la famille lui fait soudain réaliser que la vie est trop courte pour vivre loin de sa famille. Retour dans la région. Tout en travaillant à l’extérieur, elle soutient son père jusqu’au moment où, un jour, il reçoit un diagnostic de maladie de Parkinson. « Je faisais le train le matin avant d’aller au bureau, se rappelle Rachel. Je travaillais avec des jeunes de familles démunies, pas habitués à ce que ça aille bien, à vivre de belles affaires. J’ai bien gros appris de ces jeunes-là, mais à un moment donné, ça pèse sur le moral. Travailler avec les animaux, ça m’aidait », poursuit-elle.

En 2004, Rachel s’associe avec ses parents. « Le plus difficile a été de les convaincre que j’étais la bonne personne pour reprendre la ferme. Ma mère ne voulait pas me mettre dans la misère », se souvient Rachel, qui, à l’époque, était célibataire. Peu de temps après, elle fait la connaissance sur le site agrirencontre.com de celui qui deviendra son conjoint. Agroéconomiste, Martin a lui aussi grandi dans une ferme laitière. Deux ans plus tard, les amoureux convolent en justes noces. Aujourd’hui, ils sont les heureux parents de Victoria, trois ans, Charles, deux ans et Louis, quatre mois.

Qui prend femme…

En 2007, Rachel et Martin prenaient officiellement les rênes de la Ferme Mahvhays. « Habituellement, on dit qui prend mari prend pays. Dans notre cas, ce fut qui prend femme prend ferme », s’esclaffe Rachel. Leur entreprise laitière compte 35 vaches Holstein en lactation pour une soixantaine de têtes, auxquelles se greffent 225 acres (91 hectares) en pâturages, prairies et boisés. Pour vivre entièrement de la ferme, les associés ont travaillé d’arrache-pied, faisant passer la moyenne du troupeau de 5500 à 9700 kg de lait. « Notre but n’était pas de grossir, nous avons plutôt misé sur la production et la qualité du lait », explique Rachel, qui travaille en équipe avec son mari. « Une fois par année, nous nous assoyons pour nous donner des objectifs pour l’année. L’an passé, nous avons tout rénové l’étable. Nous misons beaucoup sur le confort, le bien-être des vaches. Cette année, nous voulons construire une nouvelle laiterie. Les plans sont faits », révèle Rachel. À plus long terme, le couple caresse le projet de décrocher la certification biologique.

Pendant toute l’aventure de leur établissement, les deux associés ont pu compter sur le soutien du père de Rachel, Victor. « Mon père, c’est comme notre coach. Il n’arrête pas une minute, toujours automotivé. Il nous a appris à valoriser le travail, nous qui étions des personnes de bureau », confie la femme de 35 ans. Comme son père a toujours aimé la machinerie, Rachel, et son compagnon, l’a récemment remercié avec un tracteur tout neuf équipé de l’air conditionné! Le père de Martin, Gérald, vient également nous donner un coup de main. Sans compter grand-maman Mahannah, qui offre aussi son service de garde.

« Les gens qui vivent autour de nous viennent nous aider. Je ne suis pas toute seule », remercie la maman de trois enfants. Les bouts de chou se sont bien intégrés à la routine de la ferme. « Victoria me suit partout. Elle veut abso­lument s’occuper des petits veaux et Charles, mon deuxième, capote sur les tracteurs! » décrit fièrement Rachel, qui souhaite transmettre l’amour de l’agriculture à ses trois enfants. « Même enceinte, je ramassais des roches. Pour sûr, je vais transmettre ça à mes enfants, plaisante Rachel. Quand j’étais jeune, ce que j’aimais, c’était de ramasser des roches. C’est ce qui a forgé mon caractère », ajoute-t-elle plus sérieusement.

Malgré son horaire chargé, Rachel a un dada : le Cercle des fermières. « Cet hiver, les dames des Fermières m’ont montré à tricoter des bas pour mes enfants. Je suis bien fière », dit l’agricultrice. De plus, une fois par année, depuis cinq ans, elle se consacre au Relais pour la vie pour soutenir la lutte contre le cancer. « J’aime faire avancer les choses. Je suis une personne comblée : je travaille avec mon mari, mes enfants me suivent… » Nommée Jeune Agricultrice de l’année 2010, Rachel s’avoue encore surprise de son titre. « Moi, je ne fais rien d’extraordinaire, je fais ce que j’aime », conclut Rachel.