Vie rurale 26 avril 2017

Arrêté pour avoir… loué sa ferme à des inconnus

ESTRIE — Lorsque Jean-Paul Laroche a pris la décision de louer ses bâtiments de ferme de Danville au printemps 2015, rien ne laissait présager qu’il se ferait arrêter et accuser au criminel. C’est pourtant ce qui s’est passé.

Arrestation

Les menottes aux mains, c’est à la suite de son arrestation en novembre 2015, que M. Laroche dit avoir appris que ses locataires chinois cultivaient 1 330 plants de cannabis dans sa grange. Selon les informations colligées par La Tribune à l’époque, au cours de la perquisition, la Sûreté du Québec a perquisitionné les lieux et saisi 100 lampes servant à la production, 600 g de cocottes de cannabis et des équipements de transformation de haschich. La petite écurie aménagée à l’intérieur de la grange avait été transformée et contenait sept salles de production de marijuana lors de l’intervention de la police.

Les deux hommes découverts dans la grange ont aussi été traduits en justice : Kien Ching Lee a été condamné 30 mois de prison, tandis que son confrère Kim Duong Diep subira son procès en juin prochain. Le locataire de la résidence, Mario Fillion, purge une peine de 18 mois et demi de détention. La personne chargée de payer le loyer à M. Laroche, Du Ke, est toujours recherchée par la police.

Avec soulagement, le 6 avril au palais de justice de Sherbrooke, l’ancien producteur a été acquitté des accusations de production et commercialisation de cannabis et de vol d’électricité qui pesaient contre lui. Après un an et demi de démarches devant les tribunaux, ses bâtiments de ferme ont été vendus par la justice et sa mésaventure lui a coûté 25 000 $ en frais d’avocats, mais lui a surtout coûté son projet de retraite et sa réputation.

Fil des événements

Jean-Paul Laroche ne se voyait pas faire autre chose de sa retraite que de revenir à la ferme après 27 années passées comme contremaître et magasinier au Centre de recherche et de développement sur le bovin laitier et le porc d’Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Il a donc acheté en 2003 et 2004 une ferme comprenant des bâtiments et une résidence, de même que la terre qui lui était adjacente à Danville. En attendant de pouvoir l’exploiter lui-même, il a décidé de louer la maison et la grange servant d’entrepôt de machinerie industrielle.

Les choses se compliquent en mars 2015, lorsque M. Laroche conclut un bail avec Liu Zhen Shuan. Ce dernier sous-loue la maison à Mario Fillion, lui aussi accusé dans cette affaire.

M. Laroche, qui réside à Sherbrooke, ne passe que rarement à la ferme, située à environ 45 minutes de sa résidence principale. « Je m’y suis arrêté quelques fois, comme mon assureur me le demandait, et absolument rien ne me paraissait anormal à la maison ou au garage situé à gauche de la maison, affirme-t-il. Je ne me suis jamais rendu à la grange ou dans les autres bâtiments de ferme. » Ce qui lui a valu de graves embêtements. « J’avais eu une vie impeccable pendant 40 ans, aucun dossier criminel, et c’est à la retraite que ça se passe! » a-t-il déclaré à la Terre.

Prudence

À la suite du dépôt du projet de loi sur la légalisation du cannabis par le gouvernement fédéral il y a deux semaines, M. Laroche se fait un devoir de raconter son histoire. « À 64 ans, je me cherche un travail pour pouvoir rembourser mes frais d’avocats. Il ne faudrait pas que cette saga arrive à d’autres producteurs », a-t-il indiqué à la Terre.

Rappelons qu’à moins d’avoir une autorisation de production de marijuana médicale, acheter, vendre, produire, importer et exporter du cannabis « demeurera illégal pendant que le projet de loi franchit les étapes du processus législatif, selon Santé Canada. Si le Parlement adopte le projet de loi, celui-ci pourrait devenir loi d’ici juillet 2018 ». La production sera toutefois contrôlée par l’État, de la semence à la vente.

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