Actualités 18 juillet 2016

Pour que le drainage suive le bon cours

Ce printemps, près de 80 personnes ont participé à un cours de trois jours sur le drainage agricole destiné aux ingénieurs et aux agronomes. Elles ont bénéficié de
deux journées de formation théorique suivies d’une autre sur le terrain.

«Ces dernières années, les travaux de drainage se multiplient au Québec et il est important qu’ils soient faits par des gens adéquatement formés », explique Georges Lamarre, ingénieur et agronome au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) en Montérégie-Ouest. « Un entrepreneur qui installe un réseau de drainage appréciera évidemment un plan déjà dessiné, qui indique par exemple l’écartement et le diamètre des tuyaux à poser. Mais il manque de gens compétents pour réaliser un bon diagnostic et le plan de drainage, note M. Lamarre. C’est pourquoi nous avons créé ce cours. »

Cette formation, intitulée Gestion de l’eau, diagnostic et solutions, était orchestrée par l’Association des ingénieurs en agroalimentaire du Québec et le MAPAQ. « Nous attendions 10 ou 15 personnes. Nous avons eu 79 participants! » se réjouit Georges Lamarre, l’un des cinq formateurs du MAPAQ. Pour dispenser le cours, il était accompagné d’Odette Ménard et de Victor Savoie, eux aussi ingénieurs et agronomes, de Bruno Garon, ingénieur, et de Louis Robert, agronome. Il y avait également l’expert Robert Lagacé, professeur au département des sols et de génie agroalimentaire de l’Université Laval, dont le cours a servi de base à la formation.

Robert Lagacé, ingénieur, agronome et professeur à l’Université Laval, explique le fonctionnement de la sonde à tige graduée pour évaluer la hauteur de la nappe d’eau.
Robert Lagacé, ingénieur, agronome et professeur à l’Université Laval, explique le fonctionnement de la sonde à tige graduée pour évaluer la hauteur de la nappe d’eau.

Un cas réel

Une première journée au champ a eu lieu le 21 avril dernier à Saint-Étienne-de-Beauharnois, pour accommoder géographiquement la moitié des participants. Cette première trentaine de personnes a mis en pratique ses connaissances dans une mise en situation plus que réelle : proposer une solution de drainage dans un champ de plantes fourragères loué et cultivé par l’agriculteur Reynald Montpetit. « Après une pluie, il arrive qu’on se retrouve les pieds dans l’eau pendant un jour ou deux », a prévenu le producteur au sujet de cette terre argileuse traversée par des lignes électriques d’Hydro-Québec.

Deux semaines avant la formation, le champ avait été parsemé de trous de sondage par les organisateurs, pour évaluer à l’avance la vitesse d’infiltration de l’eau (la conductivité hydraulique), la remontée de la hauteur de la nappe, etc. Mais les participants devaient eux aussi manier la tarière et la pelle, chacune des équipes devant creuser un trou.

Pour préparer un plan de drainage, on recommande en e »et d’observer en premier lieu le pro#l du sol, sur une profondeur de 0,9 à 1,5 m (3 à 5 pi). À l’endroit où était assignée l’équipe dont faisait partie L’UtiliTerre se trouvait déjà un trou rempli d’eau jusqu’à environ 20 cm (8 po) de la surface, pratiqué au préalable par les organisateurs. Cette eau provenait vraisemblablement d’une nappe perchée, c’est-à-dire une nappe d’eau libre, permanente ou temporaire, plus haute que la nappe phréatique réelle, au-dessus d’une couche moins perméable. L’équipe a pu noter le suintement de l’eau par les côtés du trou. Une couche de sol plus compacte s’étendait entre 30 et 65 cm (12 et 26 po) de profondeur. Sous celle-ci, le sol devenait de moins en moins humide. C’est vers une profondeur de 1,1 m (3,6 pi) que l’on a atteint la nappe phréatique.

La terre était d’un brun grisâtre, assez uniforme, traversée de quelques marbrures brun ocre. Le test du petit boudin que l’on forme en frottant la terre humide entre les mains était clair : le sol était fortement argileux. Aucun insecte ni ver de terre n’a été aperçu et les racines des plantes fourragères étaient rares en dessous de 30 cm (12 po).

Échanges et conseils techniques

Les autres équipes ont étudié des profils similaires. Dans un trou plus important creusé à la rétrocaveuse, l’agronome Louis Robert a confirmé les observations générales. « Dans cette terre argileuse, les marbrures de terre brune diffusent l’eau davantage, a-t-il mentionné. La faible infiltration d’air et d’eau explique le peu de microfaune et de microflore dans ce sol. Mais il a un bon potentiel si on améliore son drainage. »

D’où vient la couche compacte observée? Victor Savoie et Georges Lamarre ont rappelé que la terre se compacte plus facilement si elle est humide – d’autant plus si elle l’est constamment et si elle est argileuse, et ce, que la machinerie soit lourde ou pas.

Il est vrai toutefois que dans plusieurs champs du Québec, la taille impressionnante des machines (jusqu’à 26 tonnes sous l’essieu de certaines moissonneuses-batteuses) contribue pour beaucoup au compactage des sols. « Souvent, après l’achat d’une nouvelle machinerie plus grosse et plus lourde, les rendements baissent », a constaté l’ingénieur Bruno Garon. « Chez un producteur qui faisait doubler ses drains, le vrai problème, c’était la compaction du sol », a rapporté un participant.

Au champ, le professeur Robert Lagacé et ses collègues Bruno Garon, Georges Lamarre et Victor Savoie ont expliqué tour à tour le fonctionnement des divers instruments demesure. Pour évaluer la hauteur de la nappe d’eau, il y a une sonde munie d’un flotteur à l’extrémité d’une tige graduée. On utilise aussi une paire de sondes à pression atmosphérique. « La différence entre la pression indiquée par la sonde qui flotte au fond du trou et celle posée au sol permet de calculer la hauteur de la nappe d’eau », a expliqué M. Garon. Un autre appareil, l’infiltromètre, mesure l’infiltration de l’eau dans le sol. La version maison à deux sections de tuyau concentriques a donné une précision suffisante.

Des participants décrivent le profil du sol observé par leur équipe.
Des participants décrivent le profil du sol observé par leur équipe.

 

Solution stratégique

Les participants étaient conviés en après-midi à un atelier de récapitulation et d’informations additionnelles sur le logiciel qui traite les données prélevées. Par la suite, leurs professeurs ont tour à tour proposé des solutions.

« Parfois, il n’est pas indispensable de poser des drains souterrains et certains entrepreneurs ont l’honnêteté de le dire à l’agriculteur, a mentionné Odette Ménard. Mais dans tous les cas, il faut d’abord considérer la rentabilité de toute intervention de drainage pour la ferme, compte tenu des cultures prévues. » De plus, elle a insisté sur un point : l’infiltration de l’eau dépend également de la santé du sol, qu’on doit maintenir par un ensemble de bonnes pratiques, telles que la rotation des cultures, l’utilisation d’engrais verts ou d’amendements organiques.

L’agronome Louis Robert était en accord avec sa consœur en tout point. Il a aussi proposé comme correctif d’inclure le sous-solage dans les procédés pour briser la couche compacte. « Le réaménagement du drainage de surface s’impose aussi », a-t-il noté. Victor Savoie a acquiescé. « Dans le champ situé à l’extrémité nord, on voit une légère cuvette remplie d’eau. Pourtant, ça fait plusieurs jours qu’il ne pleut pas. À cet endroit précis, vu la faible infiltration du sol, des drains souterrains ne régleront pas le problème : il faudrait d’abord combler la cuvette et donner une légère pente de chaque côté du champ en aménageant une planche en faîte. » L’ingénieur agronome a aussi suggéré de nettoyer les fossés existants en améliorant leur pente. Comme ses collègues, il est conscient de la difficulté que présentent les lignes de haute tension, sans s’opposer nécessairement à l’ajout de drains. « Que l’on fasse un drainage souterrain, de surface ou les deux, l’essentiel est de localiser la conduite ou le fossé “émissaire” qui va évacuer l’eau », a souligné Victor Savoie.

Dans l’assistance, les ingénieurs et agronomes ont suggéré des solutions qui ressemblaient à celles de leurs formateurs. Ils étaient nombreux à approuver l’idée d’une stratégie complète allant du drainage à l’amélioration de la vie du sol.

Pour que le progrès suive son cours

La deuxième journée sur le terrain destinée à l’autre moitié des participants a eu lieu le 28 avril à Sainte-Perpétue, dans la MRC de L’Islet, où l’on a accueilli une quarantaine de personnes. Certains lecteurs auront reconnu parmi les formateurs les conseillers de la Caravane santé des sols que leur club-conseil a peut-être invitée. « Nous offrirons très volontiers des ateliers spéciaux sur le drainage aux producteurs membres des clubs-conseils », dit Georges Lamarre.

 

Hubert Brochard