Actualités 6 octobre 2014

Entre pneus et chenilles, quoi choisir?

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Le tracteur agricole ne cesse de surprendre par sa capacité à tirer des charges imposantes sur des terrains de toutes sortes. La capacité des roues à transmettre l’énergie rotative de la transmission au sol se nomme la traction. Nos grands-parents ont expérimenté les roues d’acier munies de barrettes fixes, alors que nos parents ont connu les pneus biais, puis les radiaux dont les métamorphoses se perpétuent encore aujourd’hui. Notre génération semble être celle de la chenille de caoutchouc. Ainsi chaussé, le tracteur peut atteindre un haut niveau de flottabilité. Mais qu’en est-il de sa traction, de sa puissance à la barre de tire? Dans les lignes qui suivent, nous tenterons de répondre à ces questions.

La traction des pneus
Le pneu agricole de type radial a déjà fait ses preuves. Son empreinte au sol est beaucoup plus large que celle des pneus biais (environ 20 % de plus). Maintenant, sur les nouveaux pneus radiaux à basse pression (environ 6 lb/po2 ou 0,4 bar de pression d’air pour supporter un poids de 1400 kg), on peut observer des semelles qui s’étendent fortement en longueur et en largeur (jusqu’à 40 % de plus qu’un pneu biais). Résultat? Une carcasse plutôt molle qui épouse les formes du sol pour plus de confort et de traction. Ultraperformantes sur la plupart des terrains, ces semelles donnent d’excellentes prises grâce au fait qu’au moins trois barrettes sont constamment en contact avec le sol. Lorsque la charge tractée permet un transfert de poids à l’arrière du tracteur, les empreintes s’élargissent encore plus. Lorsqu’ils sont jumelés à des roues doubles ou triples, les pneus peuvent s’adapter à la plupart des sols et n’offrent que très peu de résistance au roulement.

L’efficacité des chenilles en sol sec
La traction des chenilles en sol sec surclasse celle des pneus simples car le pourcentage de glissement est réduit de moitié. Plusieurs tests ont démontré que le glissement varie de 8 à 12 % pour les pneus, alors qu’il est environ 5 % pour les chenilles. À l’Université du Nebraska, les chercheurs ont observé de meilleures performances sur des surfaces en béton pour les chenilles puisqu’elles ont présenté moins de 2 % de glissement. Selon le manufacturier Soucy Track, une meilleure traction se traduit par moins de glissement, d’où une économie de temps significative.

La paresse des chenilles en sol humide
Faits entièrement de caoutchouc, les crampons disposés en chevrons ressemblent à ceux des pneus. S’ils adhèrent très bien à des sols secs, malheureusement, ils ne se nettoient pas efficacement dans certains sols cohésifs, ce qui peut nuire à la traction. En effet, contrairement à une semelle radiale, la chenille ne se déforme pas lorsqu’elle surplombe la surface. Ainsi, plus elle est longue, plus elle restera longtemps au sol sans mouvement. La terre collante demeure donc, pendant un court moment, prise entre les chevrons et elle y adhère. Derrière, lors de sa remontée, aucun système n’expulse la terre comme c’est le cas pour les pneus radiaux. Le résultat? Une traction affaiblie.

La flottaison des chenilles en sol humide
Grâce à leur surface de contact, les chenilles procurent une flottaison exemplaire dans les sols organiques. Par exemple, une chenille de 12 pi de longueur sur 1,5 pi de largeur couvre une surface de 4320 po2; pour une paire, le total est donc de 8640 po2. Avec un tracteur pesant 45 000 lb, la pression au sol sera d’environ 5 lb/po2 (ou 0,34 bar), soit deux fois plus que celle d’un être humain (environ 2,5 lb/po2 ou 0,17 bar).

Comparons ces données à celles d’un tracteur muni de pneus larges à basse pression aux dimensions de 20,8 R46. Ces pneus ont une empreinte au sol qui donne sur environ 3 crampons, de sorte que la surface couvre environ 550 po2 par pneu. Pour des pneus doubles, on aura une surface portante de 4400 po2. Si le tracteur pèse 45 000 lb, la pression au sol sera d’environ 10 lb/po2 (pour des pneus triples, elle sera de 6,8 lb/po2 ou 0,47 bar). Cela dit, le tracteur ayant des chenilles peut circuler tout en ayant plus de flottabilité qu’un tracteur articulé à roues triples.

Un transfert de poids qui compacte
Bien que le dernier exemple donne un point d’avance aux chenilles, ces données s’appliquent à la condition qu’il n’y ait pas de transfert de poids. En effet, chez les tracteurs munis de paires de chenilles commandées par friction (John Deere, Caterpillar), le transfert de poids de l’avant vers l’arrière du tracteur peut donner plus de compaction que des pneus. D’ailleurs, la plupart des modèles à chenilles possèdent des masses de fonte fixées dans les roues avant (front idlers) de même que des masses (valises) situées en avant et parfois sous le châssis. Chez Soucy Track, on vante les mérites des chenilles en forme de triangle commandées par engrenage. Cette dernière configuration permet de mieux transformer l’énergie du poids avant du tracteur en traction puisque celui-ci possède quatre chenilles. Chez Case IH, la stabilité des tracteurs Quadtrac impressionne sur des terrains accidentés, grâce à un système comparable.

La résistance au roulement
Il existe deux types de chenilles dans l’industrie : les chenilles entraînées par friction (caoutchouc sur caoutchouc) et les chenilles en forme de triangle commandées par engrenage. Logiquement, pour chaque installation, lorsque la chenille en mouvement doit contourner une poulie, il se produit une résistance. Si on compare ces deux types, la chenille en forme de triangle doit plier trois fois au lieu de deux. Elle offre donc une résistance supérieure au roulement. Heureusement, la prise soutenue par l’engrenage de commande prévient tout glissement interne, ce qui permet de transmettre entièrement l’énergie rotative de l’essieu à la chenille. Quant au modèle commandé par friction, il offre moins de résistance, mais sa prise interne peut glisser lorsqu’elle est soumise à des conditions humides.

Des tests de résistance au roulement
Le Nebraska a réalisé des tests de puissance à la barre de tire avec plusieurs tracteurs à chenilles. Des essais comparatifs entre des tracteurs à roues (doubles) et des modèles identiques chaussés de chenilles démontrent que ces dernières produisent plus de résistance au roulement. Ainsi, pour une même charge à remorquer, le tracteur à chenilles atteindra sa puissance maximale à une vitesse inférieure à celle du tracteur à roues. Par contre, pour une même charge remorquée à une vitesse similaire, la puissance du tracteur à roues sera identique à celle du tracteur à chenilles, mais sa consommation de carburant sera moins élevée (une économie de près de 10 %). Cela signifie qu’il convertit généralement mieux l’énergie du carburant en traction sur des surfaces pavées de béton. Cependant, en terrain sablonneux pour une même surface de contact au sol, les chenilles semblent faire preuve de moins de résistance au roulement qu’un tracteur articulé muni de roues triples puisqu’elles sont moins larges.

L’efficacité des chenilles malgré le poids
À basse vitesse, les chenilles glissent environ deux fois moins que les pneus (5 % contre 12 %). Même si les chenilles offrent beaucoup de flottabilité, leur poids peut devenir un fardeau à traîner. En effet, sur la plupart des tracteurs à chenilles, on peut compter environ de 20 à 25 % plus de poids, ce qui peut réduire le glissement mais augmente légèrement la compaction.

L’avis de Komatsu
Le constructeur japonais de machineries lourdes Komatsu offre à sa clientèle des mini-chargeurs frontaux à roues ou à chenilles (skid loaders). Selon un tableau dressé pour ses clients, Komatsu recommande les chenilles lorsque le terrain est accidenté, humide et spongieux. Il les conseille aussi pour les terrains dont la structure est émiettée et pour tous les besoins en flottabilité. En revanche, lorsque le sol est pavé, enneigé, glacé, engazonné ou très dur, le fabricant privilégie les roues. Même chose lorsqu’on doit rouler à grande vitesse ou effectuer des virages très serrés à répétition. On peut donc en déduire que les roues donnent aussi de très bons résultats en traction.

Le confort et la douceur
Un des avantages des chenilles, c’est le confort de roulement. Un vrai plaisir. Leur portance élimine plusieurs dénivelés de surface, ce qui améliore grandement la stabilité du tracteur. Pour un travail à haute vitesse, la stabilité persiste, même dans les conditions de sol les plus difficiles. Par contre, sur une surface dure, quelques modèles à chenilles à gros crampons rendent la conduite plus cahoteuse. En effet, la rotation de la chenille provoque une vibration, surtout sur les surfaces pavées et fermes.

La conduite à adopter
Le tracteur à chenilles ne se conduit pas comme un tracteur agricole traditionnel, bien que les virages soient commandés à partir d’un volant. Même immobilisé, vous pourriez être surpris. En effet, lorsque la boîte de vitesses est en position neutre, une seule rotation du volant vers la droite ou la gauche peut vous permettre de faire demi-tour! Lorsque vous le relâchez, le volant revient à sa position centrale du départ.

En route, il faut se méfier d’un braquage rapide et agressif pour ne pas se retrouver en position de portefeuille. Malheureusement, lorsqu’on remorque une charge importante, il peut être difficile d’effectuer des virages puisque l’effort du tracteur est concentré sur une seule chenille. Pour remédier à ce problème, certains fabricants ont créé des supports d’attelage articulés.

Le coût de la flottabilité
Choisir un système à chenilles, c’est opter pour la santé des sols. Bien que plus coûteux à l’achat, ces systèmes peuvent être avantageux grâce à leur efficacité en traction sur des sols secs, ce qui permet de gagner du temps. De plus, leur très grande surface de contact au sol leur procure une flottabilité de 2,5 à 8,0 fois supérieure à celle des roues, ce qui se traduit par une meilleure ramification des racines. Le prix? Selon Yvon Masseau, des Équipements Laguë, à Saint-Hyacinthe, il faut débourser de 10 à 20 % de plus pour un tracteur à chenilles.

Finalement, les pneus ou les chenilles?
Les chenilles offrent une flottaison inégalée. Récapitulons. Même avec des roues doubles, un tracteur articulé compactera environ deux fois plus qu’un tracteur à chenilles du même poids. Pour ce qui est de la traction, les chenilles offrent deux fois moins de glissement que les pneus. Elles fournissent donc autant de puissance que ceux-ci.

En revanche, le mécanisme d’entraînement des chenilles occasionne plus de résistance, de sorte qu’elles fournissent moins de puissance à des vitesses élevées. Cela dit, pour deux tracteurs munis de moteurs identiques, celui à roues consommera jusqu’à 8 % de moins de carburant pour une même puissance produite. Ainsi, en raison de la résistance au roulement, le tracteur à chenilles est plus énergivore.

Finalement, les tracteurs à chenilles doivent être apprivoisés. Même s’ils se conduisent avec un volant, ils réagissent différemment du tracteur habituel. Cependant, leur grand confort pourrait séduire le conducteur qui pourrait opter pour cette solution afin d’obtenir une flottabilité exceptionnelle.