Technique 17 avril 2023

Un instinct payant

Des producteurs québécois ont pressenti très tôt la forte demande outre-frontières pour le fourrage. Leur foin cultivé en Estrie et en Montérégie nourrit aujourd’hui des troupeaux aux États-Unis et au Moyen-Orient.

« On a toujours voulu faire ça, vendre du foin », raconte David Normandin, de la ferme Norfoin de Saint-Césaire, en Montérégie. « Je rêvais déjà de faire de l’exportation avec mon père dans mon adolescence. Quand il a vendu ses animaux, on n’a pas hésité longtemps à se concentrer sur le foin. »

Ce projet s’est concrétisé par la construction d’un premier séchoir en 2008. C’est toutefois l’achat d’un compacteur, sept ans plus tard, qui a donné le coup d’envoi à l’exportation à grande échelle. Cette machine a ouvert les portes du Moyen-Orient et de l’Europe à Norfoin, qui désormais expédie outre-mer chaque année des dizaines de conteneurs emplis de foin. « Nous en avons exporté 1 500 tonnes cette année », affirme M. Normandin, qui comptabilise ses volumes de ventes de juillet à juin. 

L’entreprise produit elle-même, dans ses champs d’une superficie de 1 000 acres (405 hectares), entre 10 % et 20 % du foin expédié. Le reste de l’approvisionnement est assuré par d’autres producteurs de la région.

Norfoin n’entend pas s’arrêter sur sa lancée. « Pour passer au palier supérieur, il nous faut augmenter notre capacité de séchage », affirme David Normandin, qui se prépare à saisir plusieurs occasions d’affaires dans les prochaines années. 

« Avec les sécheresses qui frappent l’Europe à répétition depuis quelques années, ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle ne puisse plus maintenir ses parts de marché », dit-il.

L’entreprise Norfoin s’est dotée en 2015 d’un compacteur dans le but d’expédier outre-mer des lots importants de fourrage dans des conteneurs. Photo : Gracieuseté de Norfoin

Produire sans limites

Hélène Bouffard et Francis Martineau ont commencé, eux aussi, à produire du foin de commerce à la fin des années 2000. Ce jeune couple caressait alors le rêve d’élever une famille sur une ferme à Coaticook, en Estrie. « Le foin nous semblait une belle avenue pour réaliser notre projet », raconte cet ancien travailleur forestier. « On aimait l’idée de pouvoir produire sans se soucier de quotas. Tout dépendait de nos efforts et de notre envie de réussir. »

C’est avec cette détermination que la jeune agricultrice, qui avait grandi sur la ferme laitière familiale, a arpenté toute la Nouvelle-Angleterre pour bâtir leur clientèle. « Elle a cogné aux portes de chaque ferme pour offrir notre foin. Le bouche-à-oreille a fait le reste », se rappelle M. Martineau.

Quinze ans plus tard, la ferme Martinhel écoule aujourd’hui la majeure partie de son foin cultivé sur 1 200 acres (485 hectares) chez les éleveurs de chevaux américains. En 2018, elle s’est dotée d’un immense entrepôt de 32 600 pieds carrés, équipé de deux séchoirs d’une capacité de 1 700 petites balles chacun. Le tout fonctionne à l’électricité grâce à une entrée électrique de 550 ampères.

Le producteur coaticookois a dressé lui-même les plans de son bâtiment. « Je suis chanceux. J’ai pu m’inspirer de l’expérience de mon beau-père et j’ai su m’entourer d’une dizaine d’ingénieurs et d’agronomes, à la fois généreux et passionnés. Les performances dépassent mes espérances », confie Francis Martineau, aujourd’hui père de six enfants.