Bâtiment 23 mai 2023

L’art de faire du neuf avec une ancienne étable

NOTRE-DAME-DE-STANBRIDGE – Confrontée à des conditions précaires dans la production bovine, la Ferme Gasser a converti un parc d’engraissement de bouvillons en étable laitière à la fois spacieuse et moderne. On peut dire que le pari est réussi.

Après plusieurs années difficiles dans l’élevage de bovins, l’entreprise de Pike River, en Montérégie, a pris la décision en janvier 2022 de concentrer ses efforts dans son domaine de prédilection : la production laitière. « Le marché du bœuf allait moins bien et celui des grains remontait. C’était moins payant de poursuivre dans ce secteur, d’autant plus qu’on avait vécu la crise de la vache folle. D’un autre côté, nous avions deux autres sites de production laitière qui avaient atteint le maximum de leur capacité et nous avions du rattrapage à faire au niveau des quotas », résume Ricky Gasser.

Les vaches ne se faisaient pas prier pour profiter d’un petit coup de brosse Luna.

La Ferme Gasser a entrepris par conséquent de réaménager son parc d’engraissement, une étable froide érigée au début des années 2000. L’entreprise a mandaté la firme Lemay & Choinière pour concevoir les plans. « Au départ, il avait été question d’élargir le bâtiment, mais structurellement, ce n’était pas possible, indique Samuel Leduc, ingénieur agricole. Nous avons donc travaillé avec les mêmes dimensions du bâtiment pour optimiser l’espace, tout en prenant compte du contexte de l’inflation. »

« Pour cette étable, on s’est tournés vers les robots de traite. Aller avec un salon de traite aurait demandé des rénovations majeures. La seule portion qui a été ajoutée au bâtiment est la laiterie », explique Éric Gasser. En fonction de l’espace disponible, Lemay & Choinière a proposé différents scénarios, pour en arriver à un plan de 104 logettes en stabulation libre avec l’installation de deux robots à l’avant du bâtiment. Les travaux ont commencé en avril 2022. 

La majorité des tâches ont été robotisées dans ce bâtiment, propriété de la Ferme Gasser à Notre-Dame-de-Stanbridge.

Pendant le chantier, il a fallu fermer l’enveloppe du bâtiment, en commençant par le plafond cathédrale de la structure. L’arrière de l’étable a été isolé par un muret qui allait permettre aussi l’installation de la ventilation. Des logettes ont aussi été coulées. Enfin, l’entreprise Traction Plus a adapté les planchers pour assurer une usure uniforme des onglons et prévenir les problèmes de santé. « Nous avons gardé l’ancien système de cave profonde pour l’élimination du lisier. Nous avons pu économiser temps et argent ­là-dessus », ajoute Éric Gasser. 

Il en résulte un lieu de travail commode et aéré.

Par rapport à nos autres bâtiments, cette nouvelle étable est ample et c’est une excellente chose. Le plafond demeure haut et la circulation d’air est bonne l’été. Aussi, on peut passer avec le chargeur dans le corridor principal sans risquer de tout accrocher sur notre passage.

Ricky Gasser / Ferme Gasser

Une étable hautement robotisée

Pour le réaménagement de son bâtiment, la Ferme Gasser a misé autant que possible sur la robotisation de ses opérations, à commencer par la présence de deux robots de traite Astronaut A5 de Lely. « Ce modèle-ci est doté d’un moteur mécanique plutôt que pneumatique, donc on a amélioré la rapidité et la précision, tout en diminuant sa consommation d’énergie d’environ 80 % », explique Sébastien Puhr, représentant d’Agri-Robotique, fournisseur du fabricant. 

L’interface a été également revue et corrigée pour en faciliter l’accès. En un coup d’œil, le producteur peut réaliser une lecture rapide de la production journalière de chaque vache. Par ailleurs, la cage, conçue selon le concept de « I-flow », avec entrée et sortie en angle droit, contribue à faciliter le rythme naturel des vaches et à augmenter la fréquentation au robot de traite.

Cet ancien parc à engraissement est désormais une étable laitière de 104 logettes.

La Ferme Gasser a fait l’acquisition d’un repousse-fourrage Juno-Flex, toujours du même fabricant. Ce robot autonome se déplace dans le couloir d’alimentation en suivant des trajets prédéfinis et en effectuant un mouvement de rotation, ce qui permet de repousser la ration. Selon le fabricant, l’automatisation de cette tâche permet de gagner jusqu’à 180 heures par an, tout en stimulant la consommation du troupeau. « Désormais, on soigne une première fois à 8 h du matin. À partir de midi, le Juno va repasser toutes les heures », précise Éric Gasser.

Le robot de traite Astronaut A5 se distingue par sa rapidité accrue et son efficacité énergétique.

Le raclage quotidien est assuré par le petit robot Discovery. « Dans nos autres bâtiments, nous avons cet équipement et aussi une gratte à chaîne. On s’est dit que le robot conviendrait mieux à la nouvelle étable », ajoute Ricky Gasser. Le trajet et la fréquence de nettoyage du bâtiment sont déterminés par les producteurs, de sorte que les sorties quotidiennes ne dérangent pas les vaches lorsqu’elles s’alimentent. Enfin, des brosses Luna ont été aménagées de façon à procurer un meilleur confort aux vaches. 

Meilleure qualité de vie

Si la Ferme Gasser a amorcé son virage de robotisation au tournant des années 2000 avec l’idée d’épargner des coûts de main-d’œuvre, ses dirigeants en tirent ­certaines conclusions. 

« On économise sur le salaire des employés, mais on dépense cet argent en frais de techniciens. Ça revient un peu au même. Ce qui change, c’est la flexibilité qu’on vient chercher, observe Ricky Gasser. Nous n’avons pas besoin de passer à l’étable plusieurs fois par jour. »

« Si les enfants de Ricky ont une partie de hockey à 4 h, il peut les accompagner. Je n’ai pas eu cette chance-là dans le temps », concède son père Éric. En somme, les producteurs sont très satisfaits du résultat. « Désormais, la seule tâche qui nécessite notre présence est le lavement des logettes et le remplacement des filtreurs à lait. Sinon, tout est censé fonctionner de façon automatique », poursuit-il.