Volailles 11 avril 2023

La volaille du Chili arrive dans nos assiettes

Pour la première fois depuis son entrée en vigueur en 2018, l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) pose un défi sérieux aux producteurs canadiens de poulets et de dindons. 

Le Chili, qui compte parmi les 11 pays signataires du traité est le seul qui soit vraiment en mesure d’en profiter, a commencé ses exportations au Canada le 21 février dernier. Moins de trois semaines plus tard, plus de 116 000 kg de volailles chiliennes étaient déjà entrés au pays.

Aussi signataire du pacte, le Mexique représentait potentiellement un rival sérieux, mais l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) n’autorise pas pour le moment l’importation de volailles élevées à l’intérieur de ses frontières. 

À la mi-mars, néanmoins, plus de 183 000 kg de poulet provenant du Mexique étaient entrés au pays. « Il y a des importations là-bas, mais ce sont principalement des oiseaux élevés et abattus aux États-Unis qui sont surtransformés », indique Yves Ruel, directeur général adjoint aux Producteurs de poulet du Canada.

Yves Ruel, directeur général adjoint aux Producteurs de poulet du Canada

D’ailleurs, alors que l’administration Obama s’était engagée à le signer, c’est sans doute le retrait des Américains du traité, sous l’initiative du président Donald Trump, qui a permis aux producteurs de volailles canadiens de respirer un peu plus longtemps avant que le Chili ne vienne représenter une réelle menace. 

D’un contingent de 3,9 millions de kg de volailles pouvant être exportées au Canada en 2018 selon l’accord du PTPGP, celui-ci passe à 23,5 millions en 2023. Il atteindra 26 745 millions de kg à son expiration en 2036. « C’est vraiment drastique au début avec une augmentation moyenne de 4 millions de kg par année les cinq premières années. Après ça, ça va augmenter de 1 % annuellement jusqu’à la fin de l’entente. Avec le Chili dans l’équation, il est certain que le contingent sera utilisé à son maximum. Si ce n’est pas cette année, ça le sera l’an prochain. Les importateurs aiment toujours trouver des produits fabriqués à faible coût dans le monde et venir les vendre sur le marché canadien », prévoit Yves Ruel.  

Pour l’instant, le poulet chilien exporté au Canada arrive évidemment congelé et trouve son marché dans les secteurs de la transformation et de la restauration. « Jusqu’à maintenant, ce qu’on voit arriver du Chili, ce sont des ailes et des poitrines désossées. Je ne pense pas qu’on va le retrouver sur les étagères des épiceries », poursuit le directeur général adjoint aux Producteurs de poulet du Canada.

« L’accord du PTPGP offrira une augmentation de 71 % de l’accès aux importations sur le marché canadien du dindon, par rapport aux engagements actuels. Cela représentera une perte annuelle de la production intérieure canadienne d’environ 4,5 %, une fois pleinement mis en œuvre », soulignent de leur côté Les Éleveurs de dindons du Canada lors d’un échange courriel. 

Les organisations représentant autant les éleveurs de poulets que de dindons ont mis en place des campagnes de sensibilisation à l’importance d’acheter des produits locaux. « C’est avantageux pas seulement pour les producteurs, mais aussi les abattoirs et les transformateurs », souligne Yves Ruel, qui rappelle que le traité donne accès à un marché, mais que les consommateurs canadiens demeurent libres de leur choix. 

Du côté des Éleveurs de dindons du Canada, une campagne nationale bilingue a été mise en place – sur les médias sociaux, des recettes, dans les médias, etc. – sur l’importance d’acheter local. « Le Chili exporte pour le moment 37 % de sa production de dinde », souligne l’organisation, qui ajoute que le Royaume-Uni, qui souhaite rejoindre l’accord, représente une autre menace potentielle sérieuse à mettre dans la balance. Selon les dernières données, les importations de dindons au Canada représentaient 55,6 M$ en 2022. 

Yves Ruel rappelle que son organisation avait dénoncé les concessions faites par le Canada lors des négociations du traité. « Le gouvernement a beau faire des programmes pour compenser les producteurs, ça ne dure qu’un certain nombre d’années. Alors que les parts de marché perdues, c’est pour toujours », conclut-il.