Plantes fourragères 4 octobre 2023

Des producteurs terminent leur première coupe de foin en… octobre!

« On aurait voulu écrire un livre d’horreur pour faire du foin et on n’aurait pas pu inventer de quoi d’aussi catastrophique. On va finir notre première coupe un… 5 octobre! C’est loin d’être drôle, et je ne suis pas seul, je vois plein de gens autour qui finissent leur première ou leur deuxième coupe, actuellement », se désole l’agriculteur Dany Therrien, en Estrie, à qui La Terre a parlé alors qu’il était dans son tracteur, à l’étape de la fenaison.

Dany Therrien et sa conjointe, Karine Carbonneau, sont copropriétaires des Entreprises DMT. Photo : Gracieuseté de Dany Therrien

Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, il a commencé sa première coupe en juin sur une portion de ses 320 hectares de foin, sans pouvoir retourner au champ de tout le reste de l’été en raison de la pluie. Pourtant, la saison avait bien commencé, les rendements et la qualité étaient au rendez-vous. « En juin, on capotait, on se disait qu’on allait finir [nos volumes] de bonne heure, qu’on s’enlignait sur toute qu’une récolte. Mais après, le terrain est devenu impraticable. Il tombait des 30 mm de pluie. On n’a pas pu rentrer dans le champ en juillet, ni en août, ni même en septembre, car on défonçait », décrit le producteur, qui travaille en partenariat avec la Ferme Desautels Poirier et Fils.

Pour terminer la première coupe dans 50 % de ses superficies qui restaient à faire, et compléter la deuxième coupe dans l’autre portion, son équipe travaille de 18 à 20 heures par jour ces temps-ci, en incluant le séchage du foin. « Oui, il fait beau pour un mois d’octobre, mais ça ne règle pas les dommages de toute l’année. Il va manquer une coupe, et présentement, la qualité du foin n’est pas au niveau du mois de juin. Il faudra que les clients soient conciliants », explique M. Therrien.

Pour maximiser la qualité et éviter que le foin ne jaunisse, l’agriculteur s’efforce de ne pas laisser la récolte longtemps au champ une fois qu’elle est fauchée. « On rentre le foin plus vite au séchoir qu’à l’habitude, pour ne pas qu’il pogne une rosée de plus », commente-t-il. Avec un peu de chance, il espère pouvoir réaliser une troisième coupe dans quelques champs qu’il avait déjà pu faucher à deux reprises.

Pas l’idéal en octobre

Marie-Noëlle Thivierge

La chercheuse Marie-Noëlle Thivierge, d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, comprend que des producteurs ont eu de la difficulté à effectuer toutes leurs coupes de foin en raison de la pluie, mais si certains doivent effectuer une coupe automnale par nécessité, elle recommande de choisir des champs dont les plantes ont accumulé au moins 500 degrés-jours (sur une base 5 °C) depuis la coupe précédente. « Idéalement, c’est 600 degrés-jours, même! À ce moment, la plante a accumulé assez de réserve d’énergie pour survivre à l’hiver. Une coupe d’automne n’est pas idéale, mais dans ce cas, c’est moins pire », indique celle qui est spécialisée en agronomie et en écophysiologie des plantes fourragères.

Elle conseille de surcroît d’effectuer la coupe d’automne au moins 30 jours avant le premier gel mortel de -3 °C et d’ajuster la barre de coupe plus haut à l’automne, en laissant aux plantes au moins 12 à 14 cm de hauteur afin qu’elles conservent leurs réserves d’énergie. Elle spécifie que dans les cas des graminées, les réserves se retrouvent dans la gaine à la base des feuilles. « Si on la coupe, à la longue, la plante s’épuise. »

La chercheuse ajoute que si les 500 degrés-jours ne sont pas atteints avant la coupe, une autre option consiste à attendre après la gelée mortelle de -3 °C. « Comme ça, la plante ne tentera pas de repousser en épuisant ses réserves », signifie-t-elle. Ces notions de protection ne sont pas nécessairement nouvelles, mais en raison du couvert de neige plus faible et des redoux hivernaux que causeront les changements climatiques, il faudra de plus en plus prendre des mesures afin de minimiser les risques de mortalité des plantes fourragères.

Même en été

En fait, même en été, il serait judicieux d’ajuster la barre de coupe plus haut, à au moins 10 cm. Autrement, avec une coupe plus courte, le sol perd beaucoup plus d’humidité et se réchauffe davantage, ce qui accroîtra la vulnérabilité des plantes lors des événements de sécheresse, anticipe-t-elle.