Ma famille agricole 2 octobre 2023

Un leadership transmis de père en fille

MONT-SAINT-GRÉGOIRE – Durant toute sa carrière, Denis Charbonneau a été un précurseur, devenant par exemple l’un des premiers au Québec à intégrer la variété Gala dans son verger. Signe que la pomme n’est pas tombée loin de l’arbre : sa fille Mélanie reprend le flambeau de l’entreprise familiale avec la même volonté d’être au-devant de la parade.

L’accueillante boutique des Vergers Denis Charbonneau est plutôt achalandée pour un jeudi avant-midi. Fraîchement rénovée depuis que Mélanie Charbonneau et son conjoint, Alexandre Jourdain, ont pris les rênes de l’entreprise familiale en janvier, elle intègre de nouveaux produits transformés à base de pommes, tels que des prêts à boire. À court terme, des projets d’agrandissement et de développement agrotouristique axés sur le client sont dans le collimateur du couple qui, tout en poursuivant l’œuvre de la précédente génération, marque le coup avec un renouvellement de l’offre et des ajouts au site de Mont-Saint-Grégoire, en Montérégie. 

Mélanie Charbonneau et son conjoint, Alexandre Jourdain, ont récemment rénové la boutique du verger, qui intègre plusieurs produits transformés. Photo : Caroline Morneau/TCN

 « Il ne faut pas rester assis et garder tout ça pareil. C’est pour ça qu’on a fait des changements », fait valoir Mélanie Charbonneau, qui prévoit aussi doubler la superficie de sa beignerie et refaire l’aire de jeux pour les enfants. La concurrence en agrotourisme étant plus féroce que jamais, elle estime incontournable d’investir continuellement pour se réinventer. « Le plus dur, c’est de rester en haut. […] C’est comme une course. Celui en arrière, je ne veux pas qu’il me rattrape, alors je vais être deux pas en avant. Je vais courir deux fois plus vite », illustre-t-elle. 

Son père, Denis Charbonneau, s’est toujours positionné comme un leader au Québec, selon elle, s’inspirant de ce qu’il voyait aux États-Unis et en Ontario pour développer son entreprise et pour l’essai de nouvelles variétés de pommes. Elle entend suivre ses traces. « Nous, pour l’année prochaine, on a commandé de la Fuji. Quand j’étais en Australie, c’est cette variété que je mangeais. On veut essayer ça ici », mentionne entre autres la pomicultrice.

La famille, qui possède environ 30 000 pommiers, accorde une place importante à l’agrotourisme, avec des aires de jeu pour les enfants. Photo : Caroline Morneau/TCN

À deux doigts de la vente en 1969

Le verger a d’abord été acquis en 1952 par Jean-Marc Charbonneau, avant que son fils Denis le rachète en 1983 avec sa conjointe, Claudine Lambert. Plusieurs acquisitions de terres voisines ont été faites au fil des ans pour faire croître et diversifier le site de Mont-Saint-Grégoire qui, devenu un véritable domaine, se décline aujourd’hui en 52 hectares de verger, 10 hectares de petits fruits et une érablière, en plus de proposer une vaste gamme de produits transformés à manger sur place ou pour emporter. Mais l’aventure pomicole de la famille a bien failli se conclure à la fin des années 1960, alors que Denis était adolescent. 

« Mon père a eu un gros accident d’auto. Il a passé proche de mourir. Ça l’a un peu découragé et il a voulu vendre, à un moment donné », raconte Denis Charbonneau. Il se souvient d’ailleurs du   jour où il est rentré de l’école et qu’il a vu un homme en train de signer des papiers pour acheter le verger. « Je n’en revenais pas. Ç’a été la crise », raconte celui qui avait déjà la volonté à l’époque de reprendre la terre familiale, mais qui était encore trop jeune pour acheter à court terme. 

C’est finalement sa mère qui est intervenue pour empêcher la transaction, à la toute dernière minute. « Ma mère a vu que j’étais vraiment fâché. Elle s’est levée et elle a dit : “On ne vend pas.” Le monsieur en question était en tabarouette », se remémore-t-il, amusé. 

Quarante ans après avoir acquis le verger de son père, M. Charbonneau en est à laisser la place à la prochaine génération. « C’est notre première récolte où on s’occupe de tout de A à Z », explique Mélanie, qui est surtout responsable de la gestion des ressources humaines, tandis que son conjoint veille à la planification des entreposages de pommes et à la vente aux grossistes.

« Ma mère nous aide un peu au bureau encore et on demande des conseils à mon père », ajoute-t-elle, affirmant que ce dernier, toujours là pour aider, ne se lassera pas de sitôt de son nouveau rôle de coach dans l’entreprise.  

Équipement techno

Depuis quelques années, l’entreprise installe dans ses vergers des diffuseurs d’hormones qui empêchent la reproduction du carpocapse, soit un ravageur redoutable dans les productions de pommes. Plus précisément, les diffuseurs ont pour effet de susciter, sans produits chimiques, de la « confusion sexuelle » chez les insectes, explique Mélanie Charbonneau. « On n’est pas en production biologique, mais on utilise le moins de pesticides possible. Ce ne sont pas tous les producteurs qui font ça, parce que l’installation prend beaucoup de temps et c’est très cher », explique-t-elle, évaluant que l’achat et la pose de diffuseurs à plusieurs endroits stratégiques dans son verger coûtent plusieurs dizaines de milliers de dollars.

Les diffuseurs d’hormones sont installés sur les arbres, à plusieurs endroits stratégiques dans les vergers. Photo : Caroline Morneau/TCN

Le bon coup de l’entreprise

L’acquisition, en 2004, d’une érablière et d’une cabane à sucre a été déterminante pour la famille. Mélanie Charbonneau, qui venait de terminer trois années de technique en gestion d’exploitation d’entreprise agricole, y a vu une occasion de s’intégrer aux affaires familiales. « Si on n’avait pas acquis l’érablière [à côté du verger], on n’aurait pas pu accueillir autant de gens sur le site. Juste pour l’entreposage de certains produits, pour le stationnement, on manquait d’espace », explique-t-elle. Cet achat, additionné à d’autres acquisitions voisines, a fait prendre de l’expansion au site d’agrotourisme en plus d’y diversifier l’offre. L’érablière, fait-elle valoir par ailleurs, donne une stabilité aux employés en prolongeant la saison. « Nos employés peuvent travailler ici à l’année. C’est bon pour la rétention de la main-d’œuvre. Les deux entreprises s’aident. »

Mélanie et Denis Charbonneau ont fait le choix stratégique d’acquérir une cabane à sucre en 2004. Photo : Caroline Morneau/TCN
Fiche technique
Nom de la ferme :

Les Vergers Denis Charbonneau

Spécialité :

Pommes

Année de fondation :

1952

Noms des propriétaires :

Mélanie Charbonneau et Alexandre Jourdain

Nombre de générations :

3

Superficie en culture :

52 hectares de verger et 10 hectares de petits fruits


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