Cannabis 10 avril 2022

Les rois de la tomate rose font le pari du cannabis

MIRABEL Après avoir été l’une des principales familles productrices de tomates roses en serre, la famille Bertrand a fait le pari en 2018 de se lancer dans la production de cannabis. Une aventure qui a ouvert les horizons de la future relève, Steve et Marilyne, sur la gestion d’une entreprise agropharmaceutique.

Fiche technique

Nom de la ferme
Vert Mirabel et Les Serres Stéphane Bertrand

Spécialité
Cannabis et tomates

Année de fondation
2017 et 1990

Noms des propriétaires
Les Serres Stéphane Bertrand et Canopy Growth

Nombre de générations
2

Superficie en culture
72 ha de cannabis et 2 ha de tomates roses

Stéphane Bertrand est un visionnaire, et il prendra sa retraite dans la prochaine année. Pour la relève en devenir, ses enfants Steve et Marilyne, la barre est haute. « C’est une grosse pointure. Stéphane a les serres de cannabis, mais a aussi des serres de tomates, a une compagnie de bûches écologiques, a une compagnie de transport de brans de scie », indique Steve. Principalement impliqués dans l’entreprise de cannabis depuis 2018, le frère et la sœur ont toutefois mis la main à la pâte dès leur enfance. « Quand ils étaient jeunes, ils étaient tout le temps là. Steve, il a appris à dire “maman’’, “papa’’ et le troisième mot, c’était “concombre’’ parce qu’à l’époque c’est ce qu’on produisait », raconte sa mère Sylvie, retraitée depuis peu.

Au fil des ans, les jeunes se sont vu attribuer de plus en plus de responsabilités dans l’entreprise. « J’ai touché à tout, j’ai fait de la facturation avec ma mère, du kiosque, travaillé dans les serres avec les plantes, et à la fin [des tomates], je m’occupais de la main-d’œuvre, des travailleurs étrangers temporaires. C’est d’ailleurs ce que je fais chez Vert Mirabel », indique Marilyne Bertrand, agroéconomiste de formation.

À la blague, les membres de la famille soulignent unanimement que leur plus grand défi est justement « de suivre Stéphane ». Le chef de famille a beaucoup d’idées, explique Marilyne. « C’est très dangereux quand il part en vacances et qu’il a trop de temps pour penser, renchérit Steve en riant. C’est difficile de tenir des rênes quand il veut tout faire, tout le temps et tout de suite », ajoute-t-il. « Ben quoi, ça prend des projets », rétorque le patriarche en entrant dans la cabane à sucre où la famille est réunie pour l’entrevue. Avant d’arriver, ce dernier vérifiait justement le fonctionnement de son tout nouveau projet, un système de tubulures servant à récolter l’eau de 1 600 érables.

Plus sérieusement, Stéphane Bertrand explique que ce qui le guide depuis ses débuts en production serricole en 1990, c’est l’optimisation et l’automatisation de ses activités. Au début, il produisait des concombres sept mois par année. « J’ai toujours su que les gens mangeraient des concombres et des tomates, mais que ce n’était pas suffisant. Il fallait être performant et on l’a toujours été. J’ai été en constant agrandissement toute ma vie, à moderniser, à maximiser tous les deux ou trois ans », explique Stéphane Bertrand.

La famille Bertrand à la cabane à sucre familiale (de gauche à droite) : Maxime, Marilyne Bertrand et leur fils de 5 mois et demi, Eliott; Stéphane Bertrand, Sylvie Lalande et leur petite-fille de 4 mois, Abby; Steve Bertrand, Léonie et leur fille de 18 mois, Livie.
La famille Bertrand à la cabane à sucre familiale (de gauche à droite) : Maxime, Marilyne Bertrand et leur fils de 5 mois et demi, Eliott; Stéphane Bertrand, Sylvie Lalande et leur petite-fille de 4 mois, Abby; Steve Bertrand, Léonie et leur fille de 18 mois, Livie.
Deux hectares de tomates roses continuent d’être cultivés par Les Serres Stéphane Bertrand.
Deux hectares de tomates roses continuent d’être cultivés par Les Serres Stéphane Bertrand.

La production de tomates roses a débuté en 1996, dans les serres en métal alors nouvellement construites, ce qui a permis d’étendre la période de production à 12 mois par année. Au tournant des années 2000, les 18 producteurs de tomates roses de la province n’étaient plus que 4. « On a récupéré les volumes de ces producteurs et on est devenus des leaders de la tomate rose », dit-il. Puis en 2018, il a décidé de faire le saut dans la production de cannabis.

« Le cannabis nous a permis de parfaire notre expérience, affirme Steve. On est allés chercher du monde en pharmaceutique, dans divers milieux en dehors de la production de serres et ça nous a emmené une certaine expérience, une certaine vision qu’on n’aurait pas pu voir avant. Après quatre ans dans l’industrie, on a rempli nos bagages et on serait prêts à faire n’importe quoi présentement. »

Depuis qu’ils ont respectivement fondé leur famille il y a un peu moins de deux ans, Steve et Marilyne s’interrogent sur le legs qu’ils souhaitent laisser à leurs enfants. « On sait que mon père veut prendre sa retraite et il a de belles entreprises qui auront besoin de relève. Il y aura des pourparlers pour essayer de voir comment faire notre place dans tout ça », soutient Steve Bertrand. Qui sait dans quel ­projet leur père les embarquera avant de se retirer définitivement.


Deux hectares de tomates roses continuent d’être cultivés par Les Serres Stéphane Bertrand.
La famille Bertrand s’est associée avec l’un des plus gros producteurs canadiens, Canopy Growth, pour démarrer dans le marché du cannabis.

Le bon coup de l’entreprise

Alors que le gouvernement de Justin Trudeau légalisait le cannabis en 2018, la famille Bertrand, spécialiste dans la tomate rose depuis une trentaine d’années, a troqué la majorité de ses plants de tomates contre des plants de cannabis. Quatre ans plus tard, la famille se dit satisfaite de ce changement de cap, en précisant toutefois que l’évolution constante du marché apporte son lot de défis. En quatre ans, les techniques de production et de séchage ont évolué, tout comme les variétés. « D’être continuellement dans le changement reste un enjeu pour les producteurs, qui doivent continuellement s’adapter. Quand une personne cherche de nouvelles variétés, avant de trouver la bonne, de la faire produire et de l’emmener sur le marché, ça prend un an. Il faut constamment anticiper le marché et c’est ça le plus gros enjeu en ce moment dans le cannabis, c’est de savoir s’adapter et d’être en avant du changement », dit Steve Bertrand. 


La performance en tête

La famille Bertrand détient 45 % des parts de Vert Mirabel. Son partenaire ontarien, Canopy Growth, lui aurait signifié sa grande satisfaction à l’égard de ses rendements. « Sans prétention, on score très bien parmi les producteurs québécois. On est assez performants dans tous les secteurs d’activité, comme dans la vitesse de travail, le nombre d’heures passées par plant, etc. », indique Stéphane Bertrand.