Actualités 11 août 2020

Les gènes de la résistance

Les maladies fongiques peuvent causer d’irréparables dommages aux cultures de céréales et de pommes de terre au Canada et au Québec, malgré l’usage de fongicides. Pour rendre une variété plus résistante à la fusariose de l’épi ou au mildiou, par exemple, il suffit parfois de réactiver un gène précis. C’est précisément ce qu’Ajjamada Kushalappa, professeur au Département de sciences végétales de l’Université McGill, tente de faire grâce à l’édition génomique.

Ajjamada Kushalappa
Ajjamada Kushalappa

Lorsqu’une plante est attaquée, une série de gènes déclenchent un mécanisme de défense et indiquent aux cellules quels composés, ou métabolites, produire pour empêcher la propagation de la maladie dans la plante. Parfois, il s’agit de renforcer la paroi cellulaire, d’autre fois, de biosynthétiser une substance toxique.

« Dans les variétés susceptibles [à une maladie], certains de ces gènes ont muté. L’édition génomique peut les rendre fonctionnels et ainsi rendre la plante résistante », explique Ajjamada Kushalappa.

En analysant le génome d’une variété susceptible, on peut identifier les mutations sur les gènes attribués à la résistance. Remplacer la section inactive permet ensuite au gène de déclencher les défenses de la plante. « On ne change pas le génome en entier. Chaque gène contient plusieurs nucléotides; on en change peut-être seulement 0,1 %. Parfois, seulement un nucléotide sur des milliers », précise l’expert en pathologie végétale. Et cela n’affecte ni le reste du génome ni les qualités agronomiques de la plante, mentionne-t-il.

Le professeur Kushalappa et son équipe ont notamment réussi à augmenter la résistance de la pomme de terre Russet Burbank au mildiou grâce à l’édition génomique.

Bien qu’elle soit étroitement régulée, la manipulation génétique peut faire sourciller. Le chercheur précise toutefois que les techniques d’édition génomique sont maintenant assez précises pour prévenir certains problèmes, dont les mutations indésirables ou le transfert de matériel génétique étranger.

Rotation de variétés

« La meilleure façon de contrôler les pathogènes végétaux est la rotation [des cultures] », rappelle le chercheur. Mais pour un producteur de pommes de terre ou de blé, se tourner vers un autre type de culture d’une année à l’autre peut s’avérer un problème logistique.

« On n’a pas besoin d’aller aussi loin », croit Ajjamada Kushalappa. Par exemple, deux variétés de pommes de terre, pareilles vues de l’extérieur, pourraient avoir des gènes provoquant deux mécanismes de défense différents.

« Ces deux variétés, présentant les mêmes propriétés agronomiques et le même rendement, pourraient être cultivées en rotation pour prévenir la croissance, dans le champ, d’une population de pathogènes pouvant combattre un mécanisme de résistance », dit-il. Cela n’est encore qu’une hypothèse, mais le professeur Kushalappa espère prouver l’efficacité d’une telle technique dans les années à venir. 

Pas vraiment des OGM

Un organisme génétiquement modifié (OGM), comme le maïs comportant un gène de la bactérie Bacillus thuringiensis, contient du matériel génétique provenant d’une espèce parfois éloignée. En édition génomique, le transfert se fait entre des plantes de la même espèce ou du moins entre deux plantes sexuellement compatibles.

Carine Touma, Agence Science-Presse