Contenu commandité 11 avril 2024

L’agriculture devient une profession

Les cours à domicile de l’UCC dans La Terre de chez nous

En fondant La Terre de chez nous en 1929, l’UCC lui donne non seulement le mandat d’informer les agriculteurs, mais aussi celui de les former. 

C’est ainsi que durant 40 ans, entre 1929 et 1969, l’hebdomadaire publiera différents contenus pédagogiques qui débouchaient par l’obtention d’un diplôme pour les abonnés et les membres de leur famille qui voulaient bien y participer. Durant cette période, 43 formations ont été dispensées à l’intérieur des pages du journal. Les connaissances des lecteurs étaient évaluées deux fois par année par le passage d’un examen qui se déroulait dans les écoles de rang ou au presbytère du village. De plus, avec l’aide d’aumôniers, plusieurs cercles d’études avaient été mis sur pied pour approfondir les connaissances et susciter des discussions entre agriculteurs. 

Durant les dix premières années du programme, la matière a été préparée par des professeurs de l’Institut agricole d’Oka (1929 à 1931) et de l’École supérieure d’agriculture de La Pocatière (1931 à 1939). L’UCC a ensuite pris le relais pour les trente autres années. 

Au début des années 1950, alors que La Terre de chez nous rejoignait quelque 80 000 lecteurs, les cours à domicile avaient formé près de 35 000 personnes et décerné plus de 60 000 diplômes depuis le premier cours, en 1929, intitulé Élevage systématique du bétail laitier.

Le rôle précurseur des agronomes

Le métier d’agriculteur a longtemps été une affaire de famille où les jeunes garçons apprenaient les rudiments de la profession en accompagnant leur père sur le terrain. 

Ce n’est qu’en 1901 que le gouvernement du Québec crée en bonne et due forme un ministère dédié à l’agriculture. Jusque-là, le secteur agricole avait été confié à un Commissaire de l’Agriculture et des Travaux publics, puis à un Commissaire de l’Agriculture et de la Colonisation. 

Alors que l’agriculture vivrière laisse tranquillement sa place à une forme plus commerciale au début du XXe siècle, le jeune ministère de l’Agriculture embauche des agronomes qu’il envoie en mission pour diffuser les grands principes agronomiques auprès des agriculteurs du Québec. Ces premiers échanges ne se font pas sans difficulté alors que les cultivateurs opposent une certaine résistance aux approches nouvelles proposées par les jeunes universitaires sortis des écoles de La Pocatière ou d’Oka. 

À Saint-Casimir-de-Portneuf, l’un de ces agronomes, Jean-Charles Magnan, marquera un tournant en créant en 1913 le premier « Cercle d’études suivies d’applications pratiques sur la ferme paternelle » où, après les heures de classe, de jeunes ruraux étaient réunis pour suivre des cours sur l’identification des mauvaises herbes, la fertilisation et la prévention des maladies. 

Maurice Doyon. Photo : Gracieuseté de l’Université Laval

Estimant que la jeune génération était mieux placée que la précédente pour constater les bienfaits d’une formation, l’agronome Magnan met aussi sur pied des jardins scolaires et des concours de présentation animale. L’expérience s’avère un tel succès qu’elle est reprise dans plusieurs autres régions du Québec. 

Il y a longtemps eu deux écoles de pensée en ce qui a trait à la formation des agriculteurs. Il y avait ceux qui reconnaissaient que c’était rendu une job complexe qui demandait que le jeune soit formé. Et il y avait l’autre qui pensait que c’était une perte de temps : « Ils n’ont pas besoin d’aller là. Moi, je n’y suis pas allé et j’ai bien réussi.»

Maurice Doyon, professeur à l’Université Laval

En véritables pionniers, les agronomes ont grandement contribué à la professionnalisation du métier d’agriculteur. La Corporation des agronomes du Québec verra d’ailleurs le jour en 1937. « Il y avait au Québec, avant la Deuxième Guerre mondiale, des écoles d’agriculture à Oka et à La Pocatière, mais rarement un agriculteur s’en allait là pour apprendre son métier. L’amélioration des connaissances sur le terrain s’est faite par les agronomes qui rassemblaient un groupe de cultivateurs pour leur montrer comment on fait un beau labour ou des affaires comme ça. C’était beaucoup par observation. Dans les premiers temps, les agronomes travaillaient sur le rendement des cultures, puis après, ils ont insisté sur la gestion.
“Tu as des rendements, mais fais-tu de l’argent?” », note le directeur du Département d’économie agroalimentaire et sciences de la consommation de l’Université Laval.

Inaugurée en octobre 1859, l’École d’agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière est la première institution du genre au Canada. Photo : Institut de technologie agroalimentaire du Québec

Apprendre l’agriculture à l’école

Inaugurée en octobre 1859, l’École d’agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière est la première institution du genre au Canada. Pour y être admis, les candidats doivent être âgés d’au moins 16 ans, savoir lire et écrire et posséder des notions de base en arithmétique. D’une durée de deux ans, le cours permet aux élèves d’aborder tous les aspects de la science agricole et de s’initier aux meilleures pratiques de culture à la ferme annexée à l’école. Les étudiants y sont instruits sur les nouvelles pratiques agricoles comme le drainage et l’assainissement des sols d’abord, puis le recours aux amendements et aux engrais dans le but d’accroître les rendements. L’efficacité de nouveaux outils est également vérifiée à la ferme.

De 1859 à 1912, l’école enregistre 573 inscriptions, soit une douzaine de nouveaux inscrits en moyenne chaque année. Durant les deux premières décennies de l’institution, environ les deux tiers des finissants vivent ensuite de l’agriculture. De 1912 à 1940, environ 7 000 étudiants seront admis à l’École d’agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, dont 2 300 au cours moyen destiné aux fils de cultivateurs et 3 000 à divers cours spéciaux (coopération, industrie animale, mécanique, etc.).

Affiliée à l’Université Laval dès 1912, l’École d’agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière intègre la Faculté d’agriculture de l’Université Laval en 1962. La vocation agricole de l’établissement demeurera, puisqu’on y crée un institut de technologie  (agricole, puis agro­alimentaire) qui dispense une formation de niveau collégial telle qu’on la connaît encore aujourd’hui.

Première école d’agriculture (1859-1912) Photo : Archives de la Côte-du-Sud

La formation valorisée

La valorisation de la formation chez les agriculteurs a franchi un cap en 2001 lorsque le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) met sur pied le Programme d’appui financier à la relève agricole, un programme qui accorde une subvention (de 20 000 $ à 50 000 $) à un agriculteur de moins de 40 ans selon son niveau de scolarité. 

« C’est un programme qui a permis un peu de dépasser une vieille mentalité en donnant un petit coup de pouce aux jeunes qui détenaient une formation agricole parce que c’était encore mal vu à un certain moment. Ça donnait un peu une excuse pour aller à l’école parce que ça venait avec une compensation », soutient le professeur Maurice Doyon. 

« Quand j’ai fait mon cours en agroéconomie à l’Université Laval dans les années 1980, il n’y a eu aucun diplômé de ma cohorte qui est allé reprendre la ferme familiale. Aujourd’hui, je dirais que près de 40 % de ceux qui terminent s’en vont directement sur une ferme comme propriétaire ou copropriétaire ou bien ils démarrent une entreprise qui est une extension de la ferme familiale. »

Aujourd’hui, l’enseignement en agriculture est largement dispensé sur le territoire du Québec. Outre les formations de 3e cycle offertes par l’Université Laval, l’Université McGill, l’Université de Montréal et l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, le diplôme d’études collégiales (DEC) en Gestion et technologies d’entreprise agricole et l’attestation d’études collégiales (AEC) en Gestion d’entreprises agricoles sont dispensés dans une douzaine d’établissements. 

Enfin, des formations débouchant sur des diplômes d’études professionnelles (DEP) reliés à l’agriculture sont offertes dans sept établissements.

Contenus des cours

La période d’Oka (1929 à 1931)

  • Élevage systématique du bétail laitier
  • Culture de la pomme de terre
  • Notre catéchisme agricole (cours élémentaire d’agriculture générale)
  • Aviculture 
  • Apiculture

La période de La Pocatière (1931 à 1939)

  • Cours général d’agriculture
  • Économie rurale
  • La coopération, les caisses populaires et le crédit agricole
  • Le sol et la plante
  • Zootechnie générale (Les animaux de la ferme)
  • Aviculture, horticulture et apiculture
  • Notions élémentaires d’économie rurale
  • Notions élémentaires de comptabilité agricole

La période de l’UCC (1939 à 1969)
Années 1940

  • Notions élémentaires de coopération
  • Le syndicalisme agricole
  • Notions élémentaires d’économie politique et sociale
  • Les plantes industrielles :
    le lin, la betterave à sucre, le tabac
  • Le boisé de ferme
  • Le civisme
  • L’établissement des jeunes
  • La terre et la famille
  • Comment faire une exploitation agricole profitable?
  • La doctrine sociale de l’Église
  • Éléments d’économie sociale rurale

Années 1950

  • L’écoulement des produits agricoles
  • La coopération en regard de la doctrine sociale de l’Église
  • Les caisses populaires Desjardins
  • La vente collective des produits de la ferme
  • Mécanisation agricole rationnelle
  • L’administration de la ferme
  • L’instruction et l’éducation des jeunes ruraux
  • Les buts du syndicalisme agricole et forestier
  • Le tracteur de ferme
  • Perspectives économiques de l’entreprise agricole familiale

Années 1960

  • Le syndicat local de l’UCC
  • Les comités. Esprit et méthode
  • L’aménagement des régions rurales
  • La gestion agricole et son organisation
  • La commercialisation des produits agricoles
  • Exploitation rationnelle de la forêt
  • L’agriculture au Québec. Situation actuelle et conditions de développement
  • La réforme scolaire au Québec
  • Comment produire du lait de qualité?