Contenu commandité 11 avril 2024

De 1972 à aujourd’hui, répondre aux besoins d’une société en mouvance

Au fil de son histoire, l’UPA a toujours eu la préoccupation de s’ajuster à l’évolution de la société québécoise et aux nouvelles réalités du monde agricole. Arrivée des premiers travailleurs étrangers dans les années 1970; création de la Fédération des agricultrices et de la Fédération de la relève agricole dans la décennie 1980; échanges et collaborations avec des agriculteurs de pays en développement dans les années 1990 : l’UPA défend les droits de l’ensemble du monde agricole, en donnant une voix aux groupes ayant des besoins plus spécifiques.


Julie Bissonnette, présidente de la Fédération de la relève agricole du Québec de 2018 au 14 mars 2024. Photo : Gracieuseté de la FRAQ

Fédération de la relève agricole du Québec

Bien que la Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ) ait été fondée en 1982, ses origines remontent beaucoup plus loin. Du temps de l’Union catholique des cultivateurs (UCC), les jeunes agriculteurs se réunissaient à l’intérieur de mouvements comme la Jeunesse agricole catholique (JAC) ou la Jeunesse rurale catholique (JRC). 

C’est cependant en 1967 que le premier syndicat de la relève agricole voit le jour alors qu’un groupe de jeunes cultivateurs du Saguenay–
Lac-Saint-Jean, soutenus par leur fédération régionale, fondent le Centre régional des jeunes agriculteurs du Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Moins d’une décennie après la fondation de la FRAQ, la presque totalité des fédérations régionales de l’UPA comptait un représentant de la relève agricole dans ses rangs. C’est finalement en 1997 que l’ensemble du territoire québécois a été desservi lorsque les jeunes agriculteurs de la région de l’Abitibi-Témiscamingue ont décidé de rejoindre les rangs de leur fédération régionale.

Présidente de la FRAQ durant six ans, Julie Bissonnette a lutté afin que des mesures soient prises pour faciliter l’accessibilité des terres agricoles à la relève dans un contexte de spirale de hausse des valeurs foncières.
« Il faut que le gouvernement mette un incitatif fiscal à un cédant qui choisit de vendre à une relève », plaide l’agricultrice propriétaire d’une ferme laitière à L’Avenir, au Centre-du-Québec, depuis neuf ans. 

L’ancienne présidente de la FRAQ voudrait également que le gouvernement instaure un financement adapté pour la relève agricole. « Quand on débute, on n’a pas les moyens d’égaler le montant d’un plus offrant. Il faudrait mettre du financement à long terme avec un taux fixe et bas. Oui, le jeune agriculteur hérite d’un gros prêt, mais il sait à quoi s’attendre pour les 35 et 40 ans à venir. »


UPA Développement international

C’est en 1990, lors d’une mission au Burkina Faso, que l’UPA met sur pied la Corporation de développement international (qui deviendra UPA Développement international). 

Cette ouverture de l’UPA aux pays en développement avait germé dans la décennie précédente alors que les accords internationaux (États-Unis/Canada, GATT, ALENA) avaient mis en lumière l’importance des enjeux reliés à la sécurité alimentaire, au développement des régions et au droit de produire. Quelques expériences de coopération menées au Sénégal, au Zaïre et au Mali dans les années 1980 avaient convaincu l’UPA que son expertise pouvait bénéficier à autrui en donnant une structure plus formelle à ces collaborations internationales.  

Producteur agricole à Saint-Séverin, en Mauricie, et directeur général d’UPA Développement international durant 27 ans, André Beaudoin est fier d’avoir contribué à la mise sur pied du programme Viens marcher ma terre, un stage d’une durée de trois semaines où des agriculteurs provenant de pays en développement séjournent au Québec. 

« La coopération, ça ne peut pas être unilatéral. Faut que ce soit réciproque. Ces agriculteurs viennent chez nous, séjournent dans les familles, participent aux assemblées des fédérations régionales et au congrès annuel. Ça leur permet de voir comment on défend nos droits, quel type de relation on a avec la société civile et avec les autorités gouvernementales. Ces personnes-là viennent souvent de pays où on ne pourrait pas interpeller un ministre de l’Agriculture comme nous, on le fait au Québec. Ça nous fait aussi prendre conscience du privilège qu’on a chez nous, qu’on ne pourrait pas exercer le même type de leadership dans leur pays. »


Le président de la Quebec Farmers’ Association, John McCart (à gauche), a participé le 6 décembre 2023 à la marche devant l’Assemblée nationale du Québec organisée en marge du congrès annuel de l’UPA. P¨¨¨Photo : Gracieuseté de la QFA

Quebec Farmers’ Association 

Même si l’affiliation de la Quebec Farmers’ Association (QFA) à l’UPA ne remonte officiellement qu’en 2002, les liens entre les deux regroupements trouvent leurs racines dans la fondation de  l’Union catholique des cultivateurs, des décennies plus tôt.

Dès son acte de fondation en octobre 1924, le projet de règlement de la nouvelle organisation stipule : « Tous les cultivateurs catholiques praticiens ou techniciens de la province de Québec seront admis dans l’union. Les cultivateurs non catholiques le seront aussi en se conformant au règlement. » 

Fondée en 1957 pour rassembler les agriculteurs anglophones de la province, autant sur le plan des questions agricoles que sociales, la QFA s’est jointe officiellement à l’UPA en février 2002 tout en conservant sa structure. « En regroupant nos forces, nous avons notamment pour objectif de mieux répondre aux besoins des agriculteurs anglophones en matière d’information, de formation, de services-conseils et de leur assurer une voix plus forte à ce chapitre au sein de la communauté agricole », avait alors déclaré la présidente de la QFA, Diana Frizzle. 

Ayant assisté et prononcé des allocutions à chaque congrès annuel de la QFA depuis les débuts de sa présidence de l’UPA en 1993, Laurent Pellerin avait déclaré être « particulièrement heureux du fait que l’assemblée annuelle de la QFA ait adopté une résolution unanime en faveur de cette alliance. C’est un beau vote de confiance à notre endroit ».

L’actuel président de la QFA, John McCart, estime que cette affiliation a été bénéfique pour ses membres. « Nous en avons beaucoup profité. Nous sommes associés avec toutes les autres fédérations. Je suis aussi membre du conseil général. C’est un grand bénéfice pour notre organisation », juge l’agriculteur de Grenville, dans les Laurentides. 

Le Québec compte environ 2 000 agriculteurs anglophones, et John McCart souligne que l’UPA assure avec vigilance la défense de leurs intérêts face au gouvernement, citant notamment des dossiers récents comme celui du projet de loi 96 visant à renforcer le statut de la langue française et les mesures restrictives visant l’inscription des étudiants anglophones dans les établissements universitaires. « L’UPA est très impliquée dans ces dossiers et nous accorde beaucoup de soutien », précise John McCart.


Manon Therrien, des Jardins Vinet, en compagnie de ses travailleurs étrangers temporaires

Travailleurs étrangers temporaires

C’est au début des années 1970 que les premiers travailleurs agricoles étrangers arrivent au Canada en vertu d’une entente avec le Mexique pour pallier une pénurie de personnel qui ne fera qu’augmenter avec les années. Les premières cohortes commencent en Ontario, mais rapidement, des producteurs maraîchers du Sud-Ouest du Québec réclament à leur tour cette main-d’œuvre qualifiée. 

Par l’entremise de ses centres d’emploi mis en place à la même époque, l’UPA devient rapidement l’interlocuteur privilégié au Québec pour le gouvernement canadien. Avant les travailleurs étrangers, les grands producteurs maraîchers recouraient à des Québécois habitant des régions avec un haut taux de chômage pour combler leurs besoins dans les champs, avec des résultats inégaux.

C’est à la fin des années 1980 que les premiers travailleurs étrangers en provenance du Guatemala arrivent au Québec. Pour les producteurs agricoles, il s’agissait d’une option intéressante advenant que des problèmes surgissent avec le Mexique. 

Aujourd’hui, ce sont plus de 22 000 travailleurs étrangers temporaires (TET) qui œuvrent dans les champs du Québec chaque année. Cet apport indispensable à l’agriculture québécoise a été officiellement reconnu au printemps 2020, au début de la pandémie, lorsque le gouvernement du Canada les a qualifiés de travailleurs essentiels. 

En production maraîchère à Saint-Rémi, Jardins Vinet emploie des travailleurs étrangers temporaires depuis maintenant 25 ans. « La première année, en 1999, on avait six Mexicains. Ce n’était pas facile de communiquer. Je me promenais toujours avec mon petit dictionnaire dans les mains », se rappelle Manon Therrien, qui s’entretient aujourd’hui en espagnol avec sa trentaine d’employés provenant du Mexique et du Guatemala. « Il n’y avait pas de FaceTime, dans le temps, et ils s’ennuyaient beaucoup de leur famille. La première année, à la première neige en novembre, il y en a même eu un qui voulait repartir tout de suite », ajoute la productrice agricole en souriant. 

Si l’arrivée d’Internet et le développement des moyens de communication ont facilité la vie des TET, les procédures administratives pour les faire venir se sont en revanche complexifiées. « C’est incroyable tout ce qu’il faut remplir. J’ai un employé qui vient ici depuis plus de vingt ans et je dois chaque année remplir les mêmes formulaires. Pourquoi ne pas alléger les démarches administratives pour les bons employés fidèles et les bons patrons? » s’interroge Manon Therrien, qui a développé des liens étroits avec ces ouvriers hispanophones, allant même jusqu’à assister à leur mariage au Guatemala pour quatre d’entre eux.


Valérie Fortier, présidente des Agricultrices du Québec Photo : Gracieuseté de Buzz photo

Fédération des agricultrices du Québec

Créée le 25 septembre 1987, la Fédération des agricultrices du Québec est l’aboutissement de dizaines d’années de combat pour faire reconnaître l’apport des femmes au développement de l’agriculture au Québec. 

À l’époque de l’UCC, les femmes de cultivateurs, telles qu’on les appelait alors, avaient pris l’initiative de se regrouper. À l’automne 1937, à l’invitation de Marie-Anna Caron, une intervenante sociale, et de l’abbé Alphonse Belzile, quelques femmes du diocèse de Rimouski fondent un cercle d’étude appelé Les Dames de l’UCC où elles étudient entre autres les principes du syndicalisme agricole et de la coopération. 

Au congrès de 1944 de l’UCC, environ 150 à 200 femmes du milieu rural approuvent le statut de leur nouvelle association : L’Union catholique des fermières. Elle a pour buts le progrès religieux, moral, social et économique des femmes de la campagne, l’étude des questions agricoles, la défense des intérêts professionnels, la coopération avec l’UCC, etc.

En 1974, un comité d’étude de l’Association féminine d’éducation et d’action sociale (AFEAS) entreprend une enquête sur la condition et la situation des femmes qui travaillent dans l’entreprise de leur mari, sans salaire, ni rémunération, ni reconnaissance.

En 1982, 13 rencontres régionales sont organisées par les agricultrices en vue d’une journée d’étude provinciale sur la situation des femmes en agriculture. À cette occasion, à la demande des participantes, l’UPA accepte de former des comités dans toutes les régions du Québec. En 1986 et 1987, ces comités deviendront des syndicats régionaux affiliés à la Fédération des agricultrices du Québec.

À l’occasion du 60e congrès de l’UPA en 1984, Suzanne Dion, qui réalisera trois ans plus tard la première étude à mettre en lumière l’ampleur de la tâche accomplie par les femmes dans les fermes québécoises, déclarait : « De femmes au foyer, elles sont devenues collaboratrices, puis partenaires au travail, productrices et agricultrices. Depuis 60 ans, elles ont aidé leurs maris à bâtir des organismes agricoles forts, elles ont fondé leurs propres associations et veulent maintenant “vivre avec les hommes” toutes les composantes de leur profession de toujours : l’agriculture. »

« Pour fonder la Fédération des agricultrices du Québec, on a été appuyées par la grande majorité des dirigeants de l’UPA. Quand il a fallu modifier la loi du crédit agricole pour accorder la prime d’établissement aux femmes, l’UPA était encore avec nous. Aujourd’hui, les femmes font partie intégrante du syndicalisme agricole », avait déclaré Monique Bégin, agricultrice de Saint-Évariste en Beauce, première présidente de la Fédération des agricultrices en 1987.

L’actuelle présidente des Agricultrices du Québec, Valérie Fortier, souligne avec enthousiasme que le Québec fait aujourd’hui figure de pionnier en la matière. « Il n’y a aucune organisation ailleurs au Canada comme la nôtre. L’automne dernier, on nous a invitées en Ontario, à Guelph et à Niagara, à aller présenter nos programmes Dimension-e (agricultrice entrepreneure) et Perspective + (culture d’inclusivité dans les instances décisionnelles). Les agricultrices des autres provinces envient l’expertise qu’on a développée au Québec », fait remarquer la productrice laitière de Saint-Valère, au Centre-du-Québec. 

Fières des avancées obtenues, les Agricultrices du Québec continuent néanmoins le combat sur d’autres fronts. « On veut que le gouvernement débloque des enveloppes budgétaires pour financer des projets des agricultrices de 40 ans et plus, et ce, sans toucher au budget réservé à la relève agricole. Il y a des femmes avec un bon bagage d’expérience sur les fermes qui voudraient partir des projets connexes à la ferme, comme une bleuetière ou une table champêtre par exemple, mais qui n’ont pas accès à du financement », fait valoir Valérie Fortier. 

Les Agricultrices travaillent également à ce que les services de garde pour les enfants soient offerts à des heures atypiques. « Comme agricultrice, on ne fait pas un métier de 8 à 5. On voudrait plus de flexibilité et on est conscientes que ce qu’on demande, c’est quelque chose qui ne servirait pas seulement aux agricultrices, mais à des femmes et des hommes dans d’autres secteurs », conclut la présidente.