Page conseils 2 février 2024

Les insectes envahisseurs en agriculture 

Au cours de ma carrière de 38 ans en tant que chercheur en entomologie économique à Agriculture et Agroalimentaire Canada, j’ai vu, dans la dernière décennie, se dresser des problèmes nouveaux : les insectes envahisseurs. Ces problèmes peuvent toucher plusieurs domaines ou industries, par exemple des tiques vectrices de la maladie de Lyme qui relèvent de la médecine. On traite ici d’exemples observés récemment en agriculture au Québec. 

Les causes de l’envahissement sont généralement de deux types : les changements climatiques et l’accroissement phénoménal des échanges mondiaux de biens. Les conséquences sont fréquemment les mêmes : de l’anxiété chez les producteurs et les agronomes qui veulent des solutions à court terme en raison de défis importants et incertains posés par ces envahisseurs. Or, la recherche fonctionne sur le moyen (3 ans, soit un cycle complet de projet de recherche) et le long (4 ans et plus) terme. Un chercheur doit en effet lire les principaux articles sur le sujet, transposer ces connaissances dans le contexte agricole québécois, formuler un angle de recherche pertinent et utile, écrire et soumettre une demande de fonds. Si cette demande est acceptée, il doit terminer le projet de trois ans afin d’avoir des résultats probants avant de les divulguer.

Éventuellement, les programmes de lutte doivent être réajustés, fréquemment avec une hausse des quantités d’insecticides ou une augmentation de la complexité des programmes de lutte, ce qui peut engendrer des coûts supplémentaires. 

La mouche du bleuet (Rhagoletis mendax) est un exemple d’un insecte indigène à l’Amérique du Nord qui a accru son aire de distribution, vraisemblablement en raison des changements climatiques. Jusqu’au début des années 1990, elle était trouvée dans tous les États américains du Nord-Est et, au Canada, seulement en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et à l’Île-du-Prince-Édouard. Puis, elle a été trouvée en 1996 au Québec et en 1999 en Ontario. Au Québec, elle a graduellement envahi le paysage agricole et a été détectée pour la première fois au Lac-Saint-Jean en 2018. Dans les régions où l’on trouve de la mouche du bleuet, des traitements insecticides contre les adultes sont nécessaires, car il n’existe pas de méthodes de rechange durables contre cet insecte. 

Parmi les insectes envahisseurs exotiques provenant de l’étranger introduits au cours d’échanges internationaux de biens, mentionnons le scarabée japonais (Popillia japonica-coléoptère), qui est originaire d’Asie et attaque 300 espèces de plantes cultivées ou sauvages. Les adultes font 15 mm de long sur 10 mm de large et ont une couleur verdâtre métallique reluisante. Le scarabée japonais a été détecté pour la première fois aux États-Unis en 1916. En 1938, on l’a intercepté aux ports de Dartmouth en Nouvelle-Écosse, à Montréal et à Québec. Par la suite, il a été observé sur des rosiers ornementaux au début des années 1980 à Bedford, au Québec. Il est maintenant retrouvé dans plusieurs régions du Québec en zones agricoles, suburbaines et urbaines.  

Parmi les autres espèces d’insectes exotiques qui ont envahi le Québec récemment, mentionnons la drosophile à ailes tachetées (Drosophila suzukii-diptère) et la punaise diabolique (Halyomorpha halys-hétéroptère), deux espèces originaires d’Asie qui attaquent plus de 200 espèces de plantes. Originaire d’Asie, le fulgore tacheté (Lycorma delicatula-hémiptère) fera probablement son entrée prochainement au Canada à travers la frontière avec les États-Unis. Au Canada, il est une menace potentielle pour les industries viticole, forestière et des arbres fruitiers.  

L’Agence d’inspection des aliments (ACIA) du Canada mentionne plusieurs dizaines d’espèces envahissantes (insectes, acariens, champignons, virus, plantes, etc.) sur son site : tinyurl.com/2usec42n. Cette liste est fréquemment remise à jour, car l’afflux d’espèces envahissantes est une menace constante à l’agriculture canadienne. En plus de l’agriculture, plusieurs autres domaines sont affectés par les organismes envahissants, tel que le documente le Centre des espèces envahissantes du Canada. Alors, que faire pour prévenir les événements d’envahissement par des organismes exotiques? D’un point de vue individuel et collectif (commerces, industries), il s’agit de se conformer aux règles d’importation et de quarantaine du Canada.  


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