On entend souvent parler de l’agriculture de l’avenir et des nouvelles technologies axées sur la protection de l’environnement, l’utilisation efficace des ressources et l’amélioration de la productivité. Mais comme pour toute nouvelle technologie, son intégration à grande échelle n’est pas garantie. Si les producteurs agricoles n’adoptent pas les nouvelles technologies, ce n’est pas nécessairement par manque d’ouverture d’esprit, car la plupart d’entre eux aspirent à être aussi productifs que possible tout en respectant l’environnement. Cependant, l’introduction des nouvelles technologies risque de devenir un cercle vicieux dans lequel les développeurs cherchent des producteurs pour tester et valider leur produit, tandis que les producteurs demandent des résultats tangibles avant d’adopter une technologie.

Un exemple illustrant ce point est issu de mon expérience en tant qu’agronome chez Sollum Technologies, un fabricant québécois d’éclairage horticole à DEL dynamique pour les serres. L’éclairage d’appoint est nécessaire pour la production de plusieurs fruits et légumes en serre en hiver, et le marché est en train de migrer des lampes à vapeur de sodium aux lampes à DEL, principalement pour réduire la consommation électrique dans les serres. Cette transition est déjà très avancée en Europe et en Ontario, mais elle est plus lente au Québec. Pourquoi? Non pas parce que les producteurs ne se soucient pas de l’efficacité énergétique, mais parce que dans une serre, la chaleur produite par les HPS (lampes au sodium à haute pression) est la bienvenue pendant nos hivers froids. Une prise en compte inadéquate de la diminution de chaleur comporterait un risque majeur pour la production. Il est donc légitime de demander si la technologie a été validée dans le contexte spécifique où elle est proposée.

Alors, comment faciliter la transition vers des technologies durables? Voici quelques idées basées sur mon expérience.

Développeurs de technologies, soyez prêts à apprendre

Demandez à n’importe quel producteur agricole en quoi consistent ses opérations, et il vous répondra invariablement qu’elles ne se résument pas à une seule chose. La productivité est influencée par plusieurs paramètres. En tant que développeur de technologie, il est facile de limiter sa vision. Prenons l’exemple de la serre : la source de lumière a une incidence qui dépasse la simple question de la photosynthèse. Il faut également prendre en compte l’effet de l’éclairage sur l’humidité dans la serre, sur la pression des insectes nuisibles et des pathogènes, ainsi que sur l’activité des bourdons et des agents de la lutte biologique. Il ne s’agit pas simplement de remplacer une source de lumière par une source plus efficace. Ainsi, si vous êtes développeur de technologie, posez de nombreuses questions aux producteurs pour bien comprendre leur réalité, leurs besoins et leur expérience avec votre produit.

L’accompagnement est nécessaire

Il ne suffit pas de simplement installer une nouvelle technologie chez un producteur. Les développeurs de technologies doivent travailler avec les producteurs dans la conception du produit, mais aussi après son implémentation pour assurer le succès du producteur avec cette technologie. Si vous êtes producteur, insistez pour qu’un suivi régulier soit assuré avec l’entreprise et que celle-ci soit ouverte à un retour d’information pour améliorer le produit.

Les données sans analyse ne valent pas grand-chose

Nous avons tous entendu parler de l’intelligence artificielle et de l’automatisation dans le milieu agricole. Chaque nouvelle technologie semble introduire une nouvelle interface et au moins un rapport avec suffisamment de données pour vous donner la migraine. Mais les données sans analyse et recommandation ne valent pas grand-chose; elles ne font qu’ajouter de la complexité. Ainsi, aux développeurs de technologie, l’interface, les rapports et les données que vous fournissez aux producteurs doivent fournir des informations concrètes qui apportent une valeur ajoutée et aident le producteur à prendre de meilleures décisions. Et aux producteurs, demandez toujours une démo de la technologie et n’hésitez pas à donner votre avis sur la façon dont les données sont présentées et valorisées.  

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