J’ai, dans mes souvenirs d’enfant, un très grand arbuste qui poussait près de la maison chez mon père. Le printemps, on le voyait se garnir de fleurs blanches en grappes aplaties. Les abeilles venaient le butiner avec joie. J’aurais aimé lui arracher quelques branches pour m’en faire un bouquet, mais mon père ne voulait pas. Il fallait laisser les branches du pimbina, car à l’automne, il nous donnerait des fruits pour faire de la gelée.

Imaginez combien je le respectais, cet arbre qui nous donnait de la nourriture. Les baies arrivaient fin août, lorsqu’il commençait à faire de petites boules vertes qui, doucement, se teintaient de rouge. Mon plaisir était de les manger à moitié mûres, quand elles étaient encore bien fermes. Quand elles étaient mûres, elles devenaient acides et toutes molles. Ce n’était pas aussi bon.  

Mais c’était à ce moment-là que mon père les ramassait pour faire sa fameuse gelée. Je la revois cuire sur le poêle à bois. On voyait monter dans le chaudron une écume rosée. Mais ce qui ne manquait pas de se faire remarquer, c’était l’odeur de petit pied qui se dégageait de la gelée.

Il était drôle de constater à quel point l’odeur et le goût étaient différents. C’était délicieux sur une rôtie avec un peu de beurre.  

Un arbuste indigène 

La viorne trilobée, ou Viburnum trilobum, est un arbuste zoné 3. Elle est indigène au Québec. Ses fruits ont une certaine ressemblance, par leur apparence et leur goût, à la canneberge. Le pimbina aime une terre meuble et légèrement humide. On le voit souvent à l’orée des bois de feuillus. Il est adoré des oiseaux qui, au début de l’hiver, se gavent de ses fruits rouges. 

Ce fruit est très riche en vitamine C et est antioxydant. Comme l’arbuste est autofertile, vous n’avez pas besoin d’en avoir deux. Il produit la quatrième année après la plantation, quand les conditions sont optimales.  

La viorne trilobée a tendance à se faire attaquer par les petites chenilles vertes si le sol où elle est plantée est trop pauvre. À l’automne, ses feuilles deviennent d’une belle couleur dorée. C’est un arbuste résistant et vigoureux, qu’on peut multiplier par bouturage. Tôt au printemps, prélevez une pousse de l’année passée, d’environ 60 centimètres, coupez-la avec un couteau propre et trempez-la dans une poudre d’enracinement. Puis, plantez-la dans un contenant d’un gallon avec un bon terreau contenant de la mousse de tourbe et du terreau d’empotage. Assurez-vous d’enfouir deux ou trois yeux dans la terre. (Les yeux sont l’endroit où naît la nouvelle feuille.) Arrosez abondamment et gardez le terreau humide jusqu’à ce que les feuilles apparaissent. 

Les Premières Nations connaissaient bien le pimbina et l’avaient intégré dans leur nourriture de base.

Avoir des plantes indigènes dans son jardin est agréable, car elles sont très bien adaptées à nos conditions climatiques. Alors, à vos chaudrons pour notre fameuse gelée aux petits chaussons… comme dirait mon père. Bon jardinage! xx