Chronique CQPF 26 juin 2018

Le Québec pourrait exporter davantage de foin

Ce n’est pas d’hier que le foin de commerce québécois est prisé à l’extérieur de nos frontières. Mais ces temps-ci, pour des raisons conjoncturelles, il se vend comme jamais auparavant. Bref, nous pourrions en exporter davantage et à très bon prix. Le hic, c’est qu’il manque de producteurs, d’infrastructures et, surtout, de foin de qualité.

« Mondialement, la demande est plus forte que l’offre et les prix augmentent chaque année. Il y a un énorme potentiel. Les fourrages les plus recherchés au monde poussent bien au Québec », explique Luc Normandin, président de Norfoin, l’un des plus importants vendeurs québécois de foin de commerce.

Depuis les années 1950, les États-Unis ont une nette préférence pour le foin d’ici, composé notamment de fléole des prés et de luzerne. Mais le mot se passe désormais ailleurs sur la planète quant à la qualité des graminées cultivées en sol québécois. Plus sucré, le « foin du Nord » est sapide, donc apprécié des vaches, des chevaux et même des chameaux.

Arabie saoudite et Chine

Le Canada et la côte est des États-Unis demeurent des marchés intéressants pour la vente de foin, soutient Luc Normandin. « Mais d’autres pays comme l’Arabie saoudite et la Chine offrent beaucoup de potentiel. Et les prix payés sont très bons », dit-il sans vouloir révéler combien il vend son foin dans les 12 pays où il en exporte.

Autrefois autosuffisante en foin, l’Arabie saoudite a décidé que son eau servirait désormais à la culture maraîchère plutôt qu’à celle des graminées. Résultat : ce pays, qui compte l’une des plus importantes fermes laitières au monde, doit importer la totalité de ses fourrages.

« Il y a un marché à prendre en Arabie, mais la plupart des gros producteurs de foin s’y intéressent et délaissent leurs autres marchés, ce qui nous laisse le champ libre ailleurs », mentionne Luc Normandin, responsable du Forum québécois de foin commercial (FQFC).

Le FQFC vise notamment à promouvoir l’échange d’idées et la commercialisation de produits fourragers. Un plan stratégique 2018-2022 a d’ailleurs été établi afin de susciter l’intérêt des agriculteurs québécois à cultiver davantage de foin.

En Chine, où le gouvernement souhaite augmenter les cheptels de vaches laitières, la demande en foin a elle aussi explosé.

Manque de volume

Même s’il achète du foin du Québec et de cinq autres provinces canadiennes, Luc Normandin doit refuser des commandes. « J’ai une personne au Koweït qui voudrait deux conteneurs par mois. Je suis obligé de lui dire non. »

Selon Germain Lefebvre, ancien président du Conseil québécois des plantes fourragères (CQPF), le marché de la côte est des États-Unis offre énormément de potentiel. « Avec peu d’équipement et un foin de qualité, c’est à notre portée, dit-il. La production de foin chez nos voisins du Sud est en baisse depuis 20 ans. »

Quant aux marchés plus éloignés, ils sont plus contraignants, croit M. Lefebvre. « Ça prend des infrastructures de classe mondiale. Il faut compresser les balles afin de rentabiliser les frais de transport. Mais avant tout, ça prend du volume. Et c’est ça qui manque en ce moment. »

Moins de producteurs québécois

Ironiquement, pendant que la demande en foin augmente, de moins en moins d’agriculteurs québécois en cultivent. Selon des données du CQPF, la superficie fourragère au Québec a connu une décroissance, passant de 1,22 million d’hectares à 1,03 million entre 2006 et 2016.

De ce total, le foin cultivé occupait 70 % de la superficie en 2006, c’est-
à-dire 857 000 hectares. En 2016, cette superficie avait fondu à 750 000 hectares.

« La culture du foin n’est plus valorisée, soutient Luc Normandin. Pourtant, j’ai un rendement de 10 tonnes à l’hectare, soit la même chose que dans le maïs, sauf que le foin est plus facile à cultiver que le maïs pour un revenu comparable. »

Mais attention, les clients étrangers – et québécois, du reste – ne sont intéressés que par le foin de qualité. Il doit être sec, juste assez vert et doit contenir un excellent taux d’humidité. « Grâce à nos séchoirs, dit Luc Normandin, on maintient notre foin à 12 % d’humidité. De plus, le foin doit être entreposé dans des conditions optimales. » 

Stéphane Champagne, collaboration spéciale