À coeur ouvert 18 avril 2018

Vendre sa ferme, une décision parfois difficile à accepter

Le rêve de plusieurs producteurs agricoles est d’avoir une relève qui perpétue ce qu’eux, et souvent d’autres générations avant eux, ont bâti.

Jean* croyait avoir trouvé cette relève en son gendre Fred*. Mais, au moment du transfert en bonne et due forme de la ferme familiale porcine, Fred a « déclutché », comme le dit Jean. 

coeur_ouvertPlusieurs raisons peuvent expliquer ce retrait de Fred, à commencer par une année difficile avant le transfert. « Ça a été le bout de la marde dans le porc, dit Jean. Ça a donné un méchant coup dans la business. » La ferme, jusque-là épargnée par les virus, a tout eu : des truies qui avortaient, des porcelets qui mouraient, etc. Jean affirme que les conditions de travail beaucoup plus attrayantes comme salarié dans une grande entreprise porcine – dont un revenu supérieur assuré et les fins de semaine de congé – ont aussi joué. 

Après avoir analysé différentes options, Jean a dû prendre la décision « rationnelle » de vendre la ferme. « J’ai toujours pensé que ça ne sert à rien de se battre s’il n’y a pas d’issue », dit-il. Mais ce n’est pas parce que la tête fait un bon choix que le cœur n’est pas touché. « Je l’aimais, cette entreprise-là. Elle avait toujours passé en premier. J’y avais mis tellement d’efforts et d’investissements… »

Rattrapé par ses émotions

Pour parvenir à faire ce choix raisonné, Jean a dû mettre ses émotions sous le tapis… Les premiers mois après la vente, il s’est lancé à fond dans son nouveau travail à l’extérieur de la ferme. Il a mis la fatigue de côté… jusqu’au jour où ça a débordé. « Là, ça m’a fessé dedans, pis pas à peu près », dit-il. Même s’il avait d’autres possibilités professionnelles, il n’a pas fait le deuil de la ferme transférée par son père 20 ans auparavant. « Ça m’a rattrapé; c’est comme si tout me revenait. Qu’est-ce que j’ai fait? » 

Il avoue avoir eu besoin d’aide, ce qui ne faisait pas du tout son affaire. Il se disait : « Ch’t’un homme, j’vais revenir tu seul. » Son médecin, conscient de l’épreuve qu’il traversait, lui a dit : « Là, le grand, va falloir que t’ailles chercher de l’aide. Tu n’as pas le choix. Je vais te prescrire quelque chose, mais tu n’es pas un surhomme. Tu ne t’en sortiras pas tout seul. » 

Médication et consultation

Ce n’est pas de gaieté de cœur qu’il a pris la médication. Il a dû surmonter ses préjugés. « Moi, je n’ai jamais été un preneux de pilules. Je me disais qu’il fallait être fragile pour prendre ça. » Il est également allé consulter. Après quelques essais plus ou moins fructueux, il a rencontré la « bonne » personne, une coach de vie qui l’a aidé, entre autres, à retrouver la confiance perdue. 

Eh oui, même si son conseiller financier lui avait dit qu’il était l’un des meilleurs gestionnaires qu’il eût rencontrés, la perte de la ferme avait ébranlé sa confiance en lui. 

Aujourd’hui, il affirme avec conviction : « C’est le plus beau cadeau que j’aie pu me faire d’aller voir cette coach-là. » Jean est désormais une personne sereine qui ne regrette pas ses choix. Il s’épanouit très bien professionnellement et admet avoir gagné en qualité de vie. Il continue à miser sur ses forces et sur les multiples compétences développées lorsqu’il était propriétaire d’une ferme porcine.  

* Prénoms fictifs