On va se le dire, des fois ça fait du bien de voir le truck de service arrêter chez le voisin. C’est tout à fait normal d’avoir besoin de laisser sortir notre petit côté voyeur pour regarder ce qui se passe ailleurs. Quand on se compare, on se console, et, souvent, on se rend compte que l’herbe n’est ni plus haute, ni plus verte à la ferme d’à côté. Le hic, c’est qu’on doit faire plusieurs dizaines de kilomètres pour les trouver, nos voisins agriculteurs! Qui dit rareté des fermes sur un même territoire dit enjeux de service. 

Qu’on soit isolé au fond de notre territoire ou qu’on soit de moins en moins nombreux dans les zones périphériques des grands centres, il va sans dire que les enjeux se ressemblent.

Dans le documentaire Terre d’asphalte, on parle de la réalité de la Ferme Forget, la dernière ferme laitière dans le coin de Laval. Aucun voisin dans la même production à moins de 50 kilomètres. C’est un cas extrême quand même, mais qui est loin d’être aussi rare qu’on le pense. Qu’on soit isolé au fond de notre territoire ou qu’on soit de moins en moins nombreux dans les zones périphériques des grands centres, il va sans dire que les enjeux se ressemblent. 

Commençons par les enjeux de service. Dans ma région, il reste une seule ferme laitière en Haute-Mauricie. Le groupe vétérinaire qui dessert la ferme doit faire plus de 1 h 30 pour s’y rendre, et ça, c’est lorsque les vétérinaires « peuvent » et « veulent » y aller. Malgré que des discussions soient sur la table pour pallier les manques et outiller les producteurs éloignés afin qu’ils puissent apporter certains soins, force est d’admettre que tous souhaitent ardemment ne pas vivre trop souvent de « bad lucks ». 

Autre enjeu : la machinerie. Plus on perd de fermes, plus les concessions agricoles et de réparation se concentrent dans certaines zones. Et ça, ben, ça fait en sorte qu’on perd une demi-journée d’ouvrage, peut-être même plus, si la petite mini cr**s (oups s’cusez!) de pièce est disponible chez ton dealer, qui est à deux heures de route. 

Parlons d’un dernier aspect souvent sous-estimé : la solitude. Quand il faut faire 15, 20, 30 et même 60 minutes de voiture pour parler à des gens qui vivent et comprennent notre réalité – et qu’en plus, on n’a pas toujours le « temps de prendre le temps » de vider notre sac à notre bon chum qu’on ne voit pas souvent – ben, ça peut être démoralisant par bouts. Si jamais c’est ce bout-là qui t’affecte le plus, cher producteur, chère productrice, appelle-nous. On va t’aider. Avis aux décideurs : en tant que travailleuse de rang, je me sens limitée en titi (pour éviter d’autres mots d’église) face à l’impuissance de ces guerrières et guerriers qui tentent tant bien que mal de faire leur métier. Ces Gaulois qui résistent et tiennent le fort auraient besoin, eux aussi, d’un peu de potion magique (comprenez-moi bien, je parle ici de soutien financier et d’accessibilité). 

Qu’on le veuille ou non, pour les producteurs et productrices, ce sont des frais de plus qui finissent par avoir des répercussions négatives. Et je ne parle pas juste de la charge financière. C’est du temps précieux qui est « gaspillé ». J’irais plus loin, je dirais que c’est un manque de respect envers les gens qui nous nourrissent et occupent le territoire de les laisser s’organiser tout seuls. C’est beau, la passion et toutes les belles phrases pour légitimer le fait que le monde agricole est résilient, mais je pense qu’on est mûrs pour changer la cassette. 

Comme société, on veut des produits locaux, le bien-être des animaux et un territoire florissant, mais concrètement, que fait-on pour faciliter le travail des producteurs et productrices? Si on dit qu’il faut un village pour élever un enfant, que fait-on de l’agriculteur qui maintient ce village? 

La question qu’on doit se poser est : veut-on garder de l’agriculture dans toutes nos régions? Et si oui, quels moyens sommes-nous prêts à prendre ici et maintenant pour stopper l’hémorragie?  


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