À coeur ouvert 18 septembre 2023

Le nord brûle, le sud est sous l’eau

Le jeudi 31 août dernier, mon voisin agriculteur débarque avec son tracteur dans le champ derrière chez moi pour sa première coupe de foin de l’année. La pluie a cessé depuis une semaine et le soleil assèche la terre. Je vais à sa rencontre pour lui jaser un peu (dans ma campagne, c’est comme ça). Sans que je le lui demande, Jean-François me lance : « C’est la première fois que je vois autant d’eau en un été. C’est certain, la qualité du foin sera moins bonne. D’habitude, je fais deux à trois coupes par été. L’hiver ne sera pas facile. Je n’ai jamais été autant stressé. »

Récemment, lors d’une conversation téléphonique avec une collègue, je m’informais de la météo dans son beau Bas-Saint-Laurent. Elle me répond : « Il fait chaud et très humide, ce n’est pas normal par chez nous. »

Force est de constater que nous sommes en plein paradoxe. Au sud, nos terres se transforment en lacs et le feu est hors contrôle dans nos majestueuses forêts du nord. Un spectacle désolant d’un bout à l’autre du pays. Impossible d’être indifférent face à une telle catastrophe écologique! À n’en pas douter, notre planète est confrontée à des changements climatiques qui engendrent de multiples conséquences pour le secteur agricole, pourtant déjà fragilisé, depuis quelques années. Sans être alarmiste, la santé financière de bien des entreprises agricoles québécoises obligera plus d’un agriculteur à mettre fin à leur rêve.

Que dire des feux de forêt incontrôlables au nord? À la fin juin, le ministère des Ressources naturelles et des Forêts publiait que 8,8 millions d’hectares ont été brûlés au Canada en 2023. La forêt québécoise n’y échappe pas; c’est 2,85 hectares qui ont été réduits en cendres, ce qui représente 28 000 km2, soit 2,8 fois le territoire de l’Estrie. Du jamais vu en 100 ans, moment où des données ont été compilées pour la première fois. Les conséquences sur l’écosystème sont indéniables, même au sud!

Les témoignages sur ces changements climatiques ont été nombreux lorsque vous nous avez contactés pour du soutien psychosocial : « Le champ est transformé en lac »; « Jour après jour, mon sentiment d’impuissance augmente de ne pas pouvoir me rendre aux champs pour mes travaux de coupe de foin »; « Ma perte de rendement est d’au moins 30 % »; « Je serai dans l’obligation d’acheter du foin pour nourrir les animaux, l’hiver prochain. » Pour certains producteurs de maïs, les racines pourrissent en terre; pour d’autres, les plants ne se sont pas autant développés que par les années antérieures. 

Le 4 août dernier, un article de La Terre de chez nous était titré : Les producteurs maraîchers tirent la sonnette d’alarme. Sans jeu de mots, les producteurs de petits fruits y « goûtent » également en raison du mûrissement qui tarde et de l’absence de cueilleurs.

Les prochaines décennies seront déterminantes pour tous les secteurs du milieu agricole et pour les humains de notre planète. L’histoire de notre humanité a démontré que notre capacité d’adaptation sera un facteur déterminant pour relever les défis du prochain siècle… Nous le savons toutes et tous, dame Nature a toujours le dernier mot.

 En ce qui me concerne, je considère que la « solidarité » sera la clé pour relever les défis qui nous attendent. Soyons réalistes : sans les agriculteurs et les agricultrices, c’est la faim!

En terminant, j’invite tous les producteurs agricoles dont le moral est à plat à ne pas hésiter à demander de l’aide à la travailleuse de rang de leur région. Elle possède les compétences et les connaissances de votre réalité. Elle pourra explorer des solutions que vous ne voyez pas parce que trop accablés par les « tuiles qui vous tombent dessus à répétition ». Qu’ils soient sociaux, syndicaux, coopératifs, familiaux, vos réseaux peuvent, aussi, être mis à contribution. Ensemble, on est plus forts devant l’adversité.  


Soumettez votre témoignage en toute confidentialité : 
[email protected] ou 1 877 679-7809
555, boulevard Roland-Therrien, bureau 100
Longueuil (Québec) J4H 3Y9
Pour une aide d’urgence : 1 866 APPELLE (277-3553).
Pour l’aide d’un travailleur de rang : 450 768-6995.