Vie rurale 18 décembre 2017

Procès Charrière : au jury de trancher

TROIS-RIVIÈRES — Le procureur de la Couronne et l’avocat de la défense ont mis plus de dix heures à présenter leur plaidoirie aux 12 membres du jury au procès d’Olivier Charrière, qui se tient au palais de justice de Trois-Rivières depuis cinq semaines.

L’homme de 34 ans est accusé d’avoir floué pour plus de 1 M$ des fournisseurs, une institution financière et des dizaines d’agriculteurs qui ont perdu pour plus de 800 000 $ de grains qu’ils avaient confiés à l’entreprise de l’accusé, Les Élévateurs de la Rive-Nord.

La défense

Dans son réquisitoire, l’avocat de la défense, Me Miguel Mpetsi-Lemelin, a soutenu que la preuve démontrait l’existence d’un doute raisonnable quant aux intentions criminelles de son client dont les mauvaises décisions seraient imputables à l’inexpérience, voire à de l’immaturité, puisqu’il avait 25 ans au moment des faits.

Dans son témoignage, l’accusé a admis que ses connaissances en comptabilité étaient très lacunaires malgré une formation collégiale en gestion d’entreprise. « Ma force, c’est sûr, ce n’est pas les états financiers », a-t-il lancé lors de son passage à la barre des témoins, ajoutant que les opérations courantes étaient alors assumées par une employée.

Dans son témoignage, il a également décrit les problèmes mécaniques et les imprévus auxquels il a été confronté, lesquels ont grugé temps et argent et retardé le lancement de ses activités à l’automne 2007.

L’avocat de Charrière s’est employé à démontrer que l’accusé n’avait pas fait preuve d’aveuglement volontaire face aux difficultés financières de son entreprise en démarrage et à l’égard des plaintes des producteurs qui lui ont vendu ou confié leurs grains en consignation, qu’ils n’ont pu récupérer puisque l’exploitation de Sainte-Geneviève-de-Batiscan a cessé ses activités en juin 2009.

Selon son avocat, Olivier Charrière se serait fié aux signaux qu’il recevait de ses proches et de son institution financière pour croire qu’il était sur la bonne voie et que les perspectives de croissance de son entreprise étaient favorables, puisque de nombreux prêts lui avaient été consentis.

La Couronne

À l’opposé, le procureur de la Couronne, Me Julien Beauchamp-Laliberté, a mentionné que la preuve permettait plutôt d’établir les intentions criminelles et l’aveuglement volontaire derrière les décisions prises par Olivier Charrière.

C’est volontairement, a soutenu le procureur, que l’accusé a vendu un séchoir qui appartenait à son locateur en omettant de lui verser les profits de cette vente.

C’est volontairement, a-t-il ajouté, que des fonds de l’entreprise ont été détournés pour servir à des usages personnels. C’est notamment le cas d’une somme de plus de 61 000 $ versée comme mise de fonds pour l’achat d’un immeuble résidentiel et puisée à même un prêt de 300 000 $ que venait tout juste de lui accorder son institution financière pour accroître les liquidités de l’entreprise.

L’avocat a également soutenu que l’accusé avait fait preuve d’aveuglement volontaire, notamment en ne reconnaissant pas ses obligations envers les agriculteurs qui lui ont confié leurs grains et aussi en émettant, en un an, plus de 150 chèques sans provision, totalisant plus de 586 000 $.

Après les plaidoiries, les 12 membres du jury ont entendu les instructions du juge Louis Dionne et ont été séquestrés pour délibérer.

Le père, une victime potentielle

Le nom de Benoit Charrière pourrait figurer parmi ceux des victimes de la débâcle en 2009 des Élévateurs de la Rive-Nord. Le père de l’accusé, lui-même producteur, aurait perdu environ 230 000 $ dans la faillite de l’entreprise de son fils, Olivier Charrière.

Dans son témoignage, M. Charrière a expliqué avoir cautionné son fils et donné une terre en garantie, notamment pour un prêt destiné à financer l’achat d’un séchoir plus performant. « Je trouvais que l’achat d’un nouveau séchoir était une bonne affaire, puisqu’il permettait d’augmenter les performances de l’entreprise. »

En contre-interrogatoire, il a reconnu que cet épisode avait entraîné la rupture des relations avec son fils pendant presque deux ans. Ébranlé par l’émotion, M. Charrière a été incapable de préciser à quel moment la communication s’était rétablie, ni dans quelles circonstances.