Vie rurale 9 octobre 2019

Les végans passent en vitesse supérieure

Partout au pays, le mouvement végan prend du poil de la bête et n’hésite plus à commettre des infractions dans des fermes pour revendiquer en faveur de l’antispécisme et de la libération des animaux. S’il n’y a pas encore eu d’entrées par effraction au Québec, des observateurs estiment que les producteurs doivent s’y préparer.

Le mouvement végétalien intégral ou antispéciste, plus communément appelé « végan », ne se contente plus de manifestations devant le comptoir des viandes de supermarchés, comme cela a été le cas dans un magasin Costco de Montréal à la fin septembre. Les militants entrent désormais par effraction dans des fermes.

Au début septembre, des activistes ont pris d’assaut un élevage de dindons en Alberta lors d’une opération « d’occupation ». Plus près de nous, l’activiste Jenny McQueen s’est introduite par effraction dans une porcherie de Lucan, près de London en Ontario, pour « libérer » des animaux. La police a finalement laissé tomber les accusations qui pesaient contre elle, et ce, au grand dam des principaux groupes d’éleveurs de l’Ontario. « Sans poursuites pour dissuader de potentiels crimes, les activistes deviennent de plus en plus audacieux dans leurs actions », dénonce le président de la Fédération de l’agriculture de l’Ontario, Keith Currie.

Risques potentiels

Pour leur part, les Éleveurs de porcs du Québec se disent préoccupés par les introductions illégales commises dans la province voisine. Dans une lettre datée du 28 août, l’organisation souligne à ses membres « les risques potentiels que peuvent encourir les entreprises et l’importance d’adopter les mesures de sécurité nécessaires ». Les Éleveurs rappellent les consignes de sécurité de base, telles que verrouiller les portes des bâtiments ainsi que l’importance de vérifier les références d’éventuels travailleurs.

De leur côté, les Producteurs de lait du Québec notent une recrudescence d’activités agressives sur leurs plates-formes numériques. « Ça ne se répercute pas sur les fermes, mais on reste vigilants et on tient nos agriculteurs informés », précise François Dumontier, leur porte-parole. La Fédération des producteurs d’œufs du Québec a également été interpellée par les récents incidents dans une ferme de dindons dans l’ouest du pays, explique sa directrice marketing, Marie-Isabel Martineau. En vertu de leurs programmes de salubrité à la ferme, les producteurs avicoles doivent montrer patte blanche au chapitre de la biosécurité, rappelle Mme Martineau.

Escalade

« Les manifestations pacifiques ne font plus le travail », constate Pierrette Desrosiers, psychologue et ex-agricultrice, qui s’intéresse au mouvement antispéciste depuis un peu plus d’un an.  « Ce n’est plus une question de choix alimentaire, mais plutôt d’imposer une idéologie », explique celle qui dit appartenir à un antimouvement végan. « Je dénonce l’intimidation et l’ensemble de leurs stratégies : la diffamation, la propagande et la menace », critique-t-elle. Pour la psychologue, le discours antispéciste est d’une « violence psychologique extrême » envers les producteurs en les qualifiant de « violeurs de vaches, de kidnappeurs de veaux, de tueurs et de bourreaux ».

Mme Desrosiers croit que ce n’est qu’une question de temps avant que des incidents d’intrusion dans des fermes frappent le Québec. « C’est déjà rendu chez nos voisins ontariens. Ici, on n’est pas préparés à ça. Une intrusion dans une ferme, ce n’est pas banal. Ça menace la biosécurité et la sécurité de tout le monde. » La psychologue prédit d’ailleurs que les attaques des végétaliens deviendront « l’un des prochains grands stress de l’agriculture ».

Infractions marginales

Renée Bergeron, professeure agrégée au Département de biosciences animales de l’Université de Guelph, juge marginal ce type d’infraction.

« Ce sont des événements isolés, mais on sait qu’ils existent », indique pour sa part le porte-parole de la Sûreté du Québec, Hugo Fournier. Ce dernier souligne que des actions criminelles ont déjà été commises dans des fermes, mais qu’il est impossible de savoir si elles ont été faites au nom d’un mouvement végan ou s’il s’agit d’un règlement de compte, par exemple.

Quant aux campagnes de désinformation des antispécistes, Renée Bergeron estime que « les producteurs ne devraient pas être découragés. Quand on explique aux gens comment les choses sont faites, on défait bien des mythes et des peurs », assure la spécialiste du bien-être animal, qui visite régulièrement des abattoirs.

L’Université de Guelph a même songé récemment à annuler un méchoui organisé par des étudiants de peur qu’il y ait des dérapages. L’événement a finalement eu lieu, mais sous haute surveillance.

Radicalisation outremer

En France, l’un des berceaux du mouvement végétalien, les actions des militants se radicalisent. Les actes de vandalisme contre des boucheries sont pratiquement devenus monnaie courante. Puis, tout récemment, trois poulaillers ont été incendiés. Les bâtiments portaient la mention « assassins » et « camp de la mort », rapporte Le Figaro.

De plus en plus visibles

Les militants végétaliens du Québec se font de plus en plus visibles. Au début septembre, le mouvement Be Fair Be Vegan a donné le coup d’envoi d’une vaste campagne publicitaire à Montréal et à Toronto. Dans la métropole, l’offensive comportait près de 100 panneaux numériques dans 12 stations du métro où l’on pouvait lire des messages antispécistes tels que « Différents, mais égaux », « Une mère, pas une machine à pondre » et « Ils aiment leurs enfants comme nous ». Il y a également eu « prise de contrôle » publicitaire de la station de métro Berri-UQAM, l’une des plus achalandées du réseau.

 Le mouvement Be Fair Be Vegan a pris le contrôle de la station de métro Berri-UQAM au cours du mois de septembre. À Toronto, sa publicité sera affichée jusqu’au 27 octobre. Photo : Be Fair Be Vegan
Le mouvement Be Fair Be Vegan a pris le contrôle de la station de métro Berri-UQAM au cours du mois de septembre. À Toronto, sa publicité sera affichée jusqu’au 27 octobre. Photo : Be Fair Be Vegan


Avec la collaboration de Josianne Desjardins