Vie rurale 5 mars 2022

La « fille du Lac » qui enseigne la motoneige hors-piste

Ses vidéos sont suivies par 40 000 personnes sur Tik Tok, et ses cours de motoneige, uniquement destinés aux femmes, affichent complet cette année; comme quoi Vanessa Belley, 27 ans, est en train de se tailler une place bien particulière dans le milieu de la motoneige hors-piste québécois.

Aux Monts-Valin, elle gravit les pentes à la vitesse de l’éclair, se permettant à l’occasion d’arriver au sommet, debout sur la pointe des marchepieds de sa motoneige en chandelle. Dans une autre vidéo, elle réalise un virage à 180 degrés dans les règles de l’art, à flanc de montagne (side hill dans le jargon). Décidément, Vanessa maîtrise avec brio sa motoneige équipée d’un puissant moteur 850 cc.
Est-elle meilleure qu’un gars? « Un gars, c’est orgueilleux, il ne le dira pas! répond-elle avec le sourire. Je n’ai pas de diplôme de hors-piste et je ne suis pas une experte, mais je roule bien. »

Premières années difficiles

Originaire de Métabetchouan–Lac-à-la-Croix au Lac-Saint-Jean, Vanessa Belley a découvert la motoneige avec des copains. Elle a décidé d’acheter sa première monture de montagne à 19 ans.

« J’ai essayé pendant trois ans, mais ça n’allait vraiment pas bien. La motoneige était dure à manier. Je n’avais aucun contrôle dans la neige molle. Je me prenais tout le temps. J’en pleurais. Les gars me disaient de mettre le gaz au boutte… Ça n’allait pas. Alors je me contentais de rester dans le sentier à les attendre », explique-t-elle.

Puis elle a fait la rencontre d’une motoneigiste. « C’était une fille assez cowboy; elle n’avait pas peur de s’essayer. Sa motoneige était également plus facile à conduire. J’ai débloqué », explique-t-elle.

La motoneige hors-piste est un sport de gang, assure Vanessa. « C’est le fun, on s’aide. Et pour des raisons de sécurité, tu ne peux pas partir seule. Je conseille d’être au moins trois », dit-elle.
La motoneige hors-piste est un sport de gang, assure Vanessa. « C’est le fun, on s’aide. Et pour des raisons de sécurité, tu ne peux pas partir seule. Je conseille d’être au moins trois », dit-elle.

La passion « décolle »

Vanessa a changé sa motoneige pour un Ski-Doo Freeride 800 cc muni d’une chenille de 391 cm (154 po). « C’est là que ma passion a décollé. Cette motoneige était plus maniable et j’ai compris comment donner mon gaz et faire mon contrepoids.

Une fille, c’est moins lourd et moins fort qu’un gars; il faut de la technique pour compenser », souligne-t-elle. L’adepte de hors-piste a commencé à pratiquer son sport dans les Monts-Valin et s’est même inscrite à des courses d’ascension (hill climb), remportant la course Sled Peak à Charlevoix chez les femmes en 2018. Soutenue par un concessionnaire Ski-Doo de la région d’Alma, elle a décidé de créer le Camp de filles, une formation de motoneige hors-piste strictement réservée aux filles. « On répond à un énorme besoin. Je donne six camps de filles cette année, en plus des cours privés, et je dois en refuser. Je leur apprends à connaître leur motoneige, à se déprendre et à développer leur confiance, car les filles ont souvent peur de leur motoneige », explique-t-elle.

Entre filles, c’est mieux

Avec humour, elle assure que l’enseignement est plus efficace entre femmes. « Quand ton chum te montre à monter une côte, il le fait le gaz au fond en couchant trois-quatre petits arbres. Ça déstabilise! Surtout que les filles ne sont pas trop à l’aise au départ, et elles se disent : “C’est trop hard pour moi, je n’y vais pas” », raconte Vanessa.

« Se faire coacher par son chum, on s’entend, ce n’est pas très facile; il pogne les nerfs et on devient bête. Mais avec une inconnue comme moi, les filles restent patientes et quand elles me disent que leur Ski-Doo est impossible à déprendre, j’embarque dessus et je leur montre qu’une femme est capable », commente-t-elle.

Cela n’empêche pas que certaines péripéties puissent survenir, comme avec l’une de ses élèves en cours privé, qui avait enlisé sa motoneige dans un endroit particulièrement contraignant. « Il y avait un trou de la hauteur et de la grosseur d’une voiture, tellement on a pelleté pour la déprendre! » se remémore la motoneigiste.

Le plaisir d’aider les autres

Côte-Nord, Abitibi, etc., des femmes d’un peu partout au Québec s’inscrivent aux formations de Vanessa, au coût de 110 $ par personne. Avec le temps, des hommes aussi demandent d’y assister. « Je leur dis non! J’aime les gars, mais la vérité, c’est qu’un gars, ça n’écoute pas; la première chose qu’il ferait serait de mettre ça au bout et de fouetter son Ski-Doo partout sans connaître les lieux. Avec un groupe de 10, ça deviendrait le ­free-for-all. Avec les filles, ça écoute; elles mettent ce que je leur montre en pratique, tout se passe bien et c’est super prudent », dépeint Vanessa, qui envisage toutefois d’offrir une formation aux jeunes, gars et filles.

Les vidéos de formation qu’elle produit sont à la portée de tous. Qu’il s’agisse de conseils d’habillement ou de conduite, elle y présente du contenu pour débutant, sans prétention.

Démocratiser le sport de la motoneige hors-piste pour les femmes lui apporte un grand sentiment de valorisation. « Je suis contente de faire ma part dans le sport. De défaire les préjugés, de démontrer qu’une fille est capable. Il y a des filles qui me disent que la formation a fait une grosse différence pour elles. Wow! Ça me rend tellement fière d’entendre ça, de voir que ça sert aux autres », confie la motoneigiste, travailleuse sociale de formation.


4 trucs pour aimer le hors-piste

1- Apprendre à tourner

Plusieurs débutants ont de la difficulté à effectuer des virages serrés dans la neige poudreuse. « Pas besoin de forcer pour tourner. Plus tu as de la technique, moins tu vas forcer, explique Vanessa. Si tu veux tourner à droite, tu avances ton pied droit vers l’avant et tu mets ton pied gauche vers l’arrière (qui te sert à ramener ton Ski-Doo). Je sais que ce n’est pas logique, mais tu dois diriger tes skis vers la gauche et mettre ton poids à droite. Tu tournes ensuite les skis à droite et tu tiens ton gaz. Si tu lâches le gaz, tu vas verser. Et pas besoin d’épater la galerie en tournant vite. Moi, je peux faire un beigne dans la neige à 15 km/h, très relax; un beau cercle très respectable. »

2- Savoir se déprendre

Il faut mettre le temps nécessaire pour connaître les limites de sa machine, dit Vanessa Belley. « Avec l’expérience, tu sais quand tu es vraiment pris ou quand tu ne l’es presque pas, et les techniques sont différentes pour se sortir. Si tu n’es pas trop pris, tu recules un peu. Tu repars ensuite le gaz au boutte en shakant ta motoneige, et ça sort. À d’autres moments, tu dois débarquer pour dégager les skis, tu pilasses autour des marchepieds, et ensuite tu le sors. Mais comme je le dis aux filles, il ne faut pas que tu te shakes juste les fesses, il faut que tu shakes tout le Ski-Doo de gauche à droite, tout en tenant le gaz au fond. C’est comme ça qu’il va y aller », enseigne-t-elle. Et un truc pour éviter de se prendre : « Tu dois regarder vers où tu veux passer et non en direction des obstacles. Si tu regardes un arbre, tu vas rentrer dedans », assure-t-elle. Le reculons est également particulier à chaque machine. « Mon ancien Summit ne reculait pas pantoute. Ensuite, mon Free Ride reculait, mais j’ai dû couper une partie du pad [garde-neige], sinon, il rentrait sous la chenille en reculant. Et mon Summit actuel n’a pas de pad, alors ça recule en masse », dit-elle.

3- Sortir de sa zone de confiance

« Pour s’améliorer, il faut de la pratique et du temps passé sur sa machine. Il faut aussi se sortir de sa zone de confiance. Tu ne deviendras jamais bonne si tu te contentes de suivre les traces de ton chum. Il faut arrêter de trop réfléchir et s’essayer », conseille-t-elle.

4- Éviter de se vêtir trop chaudement

La technique de s’habiller comme un ours est à proscrire, atteste Vanessa. « Trop habillée, tu n’auras pas de réflexes et pas de plaisir. J’utilise un suit [habit de neige] une-pièce semi-isolé. En dessous, je porte juste un sous-vêtement une-pièce en laine mérinos. C’est tout! Je m’apporte une veste compressible supplémentaire dans mon sac, car j’aime mieux rajouter une couche qu’avoir trop chaud. Le but, c’est de contrôler son humidité; autrement, là, tu gèles pour vrai! » indique celle qui a animé une formation en janvier alors que la température ressentie affichait -51 °C. Dans ce genre de conditions, et pour les motoneigistes plus frileuses, elle recommande l’ajout d’une veste chauffante sous son habit de neige. Une doublure pour le fessier peut aussi ajouter du confort. « Aussi, mon gros must, ce sont des genouillères, car nous ne sommes jamais à l’abri d’une roche ou d’une souche. La marque Mountain Lab en fabrique exprès pour la motoneige; on ne les sent pas », souligne-t-elle. 


Cet article est paru dans l’édition de mars 2022 de L’UtiliTerre, disponible pour nos abonnés ici.