Vie rurale 21 octobre 2022

La bonne récolte sauve la saison de certains apiculteurs

Après avoir connu des pertes records d’abeilles allant jusqu’à 60 % de leur cheptel ce printemps, plusieurs apiculteurs québécois sont quand même arrivés à tirer leur épingle du jeu, grâce notamment à une bonne récolte et au prix élevé du miel sur le marché.

« Nos rendements par ruche ont dépassé nos attentes, sauf qu’on a moins de ruches que d’habitude en raison des pertes de plus de 40 % de nos abeilles au printemps », rapporte Sarah Marineau, propriétaire du Marché apicole, à Saint-Sylvère, dans le Centre-du-Québec. La stratégie de l’apicultrice, comme plusieurs autres, a été d’utiliser une partie des abeilles pour la reconstruction de son cheptel, ce qui a conséquemment baissé sa production de miel. « On n’a pas réussi à faire de profits, mais on a au moins réussi à couvrir nos coûts de production », confie-t-elle. 

Le propriétaire de la Miellerie Saint-Stanislas, Joël Laberge, dont les installations sont situées dans l’ouest de la Montérégie, est lui aussi heureux du dénouement de son année, malgré un début difficile. « On a eu une belle saison favorable pour reconstruire ce qu’on a perdu », confie-t-il.

Cette situation résume bien celle vécue par plusieurs apiculteurs de la province, indique le président des Apiculteurs et apicultrices du Québec, Raphaël Vacher. Mais ce dernier souligne que plusieurs entreprises sont encore en difficulté en raison des pertes du printemps, alors que d’autres ont même dû fermer boutique. « D’autant plus que comme pour les autres secteurs agricoles, l’inflation frappe fort. L’achat du sirop d’automne [qui permet de nourrir les abeilles pendant l’hiver] était à 700 $ la tonne il y a cinq ans. Il est aujourd’hui à 1 100 $ la tonne », illustre-t-il. 

Le bon prix du miel sur le marché, qui a grimpé, depuis environ trois ans, de 1,75 $ la livre à 3,10 $ aujourd’hui, a par ailleurs permis d’éponger quelques coûts.

Demi-saison en Abitibi-Témiscamingue

Dans des secteurs comme l’Abitibi-­Témiscamingue, où les pertes d’abeilles ont été moindres qu’ailleurs en province, la récolte s’est terminée plus abruptement que prévu. « On n’avait perdu que 20 % de notre cheptel, mais on a eu une récolte 50 % moins grande que d’habitude. À cause du temps très sec, les abeilles ont arrêté de produire à la fin juillet. On espérait que ça reparte, mais ça n’est jamais reparti », se désole Guillaume Tétrault, copropriétaire de l’entreprise Miel Abitémis, située à Saint-Bruno-de-Guigues. Alors qu’il n’a pas eu besoin de l’assurance récolte pour la perte de ses abeilles, il devra quand même y recourir pour la baisse de sa production de miel.

Un important déficit à combler

Les apiculteurs ont réclamé près de 4 M$ en indemnités provenant du fonds de l’assurance récolte de La Financière agricole du Québec pour les pertes hivernales de leurs abeilles. Ce montant pourrait encore grimper puisque le bilan annuel des récoltes de miel n’est pas terminé, spécifie M. Vacher, précisant que ce fonds accusait déjà un déficit d’environ 2,5 M$ avant les déboires du printemps. 

Cet énorme manque à gagner pour un petit secteur de production comme l’apiculture risque d’avoir des répercussions sur les primes que les assurés devront verser dans les prochaines années, craint M. Vacher. « La prime, qui était déjà parmi les plus élevées comparativement aux autres secteurs agricoles, va probablement tripler, puisque la dette est trois fois plus grande. Certains pourraient décider de ne plus assurer leur production, et le fardeau sera encore plus grand pour ceux qui restent », anticipe-t-il.

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Déçu par l’absence de soutien gouvernemental

Le président des Apiculteurs et apicultrices du Québec, Raphaël Vacher, est déçu de n’avoir eu aucune réponse des deux paliers gouvernementaux après l’appel lancé ce printemps pour obtenir une aide d’urgence de 12 M$. Selon lui, ce montant aurait permis d’aider les apiculteurs à faire face à des pertes historiques d’abeilles frôlant les 60 % ce printemps. Les causes de cette hécatombe sont pour le moment principalement attribuées à Varroa destructor, un parasite qui est normalement contrôlé avec différents traitements.  « Ça faisait 20 ans qu’on n’avait pas vu ça. Je me pose beaucoup de questions à savoir combien il aurait fallu perdre d’abeilles pour avoir une réponse », déplore M. Vacher. 

Il souligne qu’il n’est quand même pas trop tard pour épauler le secteur afin que celui-ci puisse mettre en branle son plan d’action concerté, qui vise notamment à développer une plus grande autonomie des apiculteurs face aux importations d’abeilles. Cette solution permettrait de reconstruire plus facilement leurs ruches lorsque nécessaire et, à plus long terme, d’augmenter la production. « Intervenir en apiculture, ça ne coûte pas cher et ça peut avoir de grosses retombées sur les autres secteurs », affirme-t-il.