Vie rurale 14 février 2023

Des formations agricoles qui débouchent sur l’amour

Pour trouver l’âme sœur, la tendance actuelle est aux applications de rencontre. Or, selon plusieurs personnes travaillant dans le domaine agricole, le meilleur endroit reste les bancs d’école, plus précisément ceux de l’Institut de technologie agricole du Québec (ITAQ), où se sont formés plusieurs couples contactés par La Terre, en cette semaine de la Saint-Valentin.

« Nous, c’était un pari, lance Isabelle Saint-Laurent, qui a étudié à l’ITAQ de Saint-Hyacinthe au début des années 2000. Mes amis m’ont lancé le défi de faire connaissance avec le premier gars qui passerait devant la porte du local d’ordinateurs où on se trouvait. C’est Bruno [Roy] qui est passé le premier. Mes amis m’ont tout de suite donné une autre chance, car c’était un gars que personne ne connaissait beaucoup et qu’on ne voyait pas souvent dans les partys », raconte-t-elle. Elle a toutefois persisté en tissant tranquillement des liens avec ce mystérieux étudiant « qui gagnait des médailles du gouverneur et qui se couchait tôt ». « Il était calme : c’était tout le contraire de moi, qui avait plein d’énergie et qui était de toutes les fêtes », raconte celle qui avoue être tombée sous le charme des « yeux bleus pétants » de celui qui deviendrait, quelques années plus tard, son conjoint et le père de ses quatre enfants. « C’est spécial, parce que je pense que dans un autre contexte que celui de l’ITAQ, on ne se serait jamais rencontrés, car on avait des personnalités trop différentes », confie-t-elle.

Le même phénomène s’est produit pour de nombreux autres couples, dont Lyne Brodeur et François Champagne, qui exploitent aujourd’hui la Bergerie les agneaux de la plaine, à Durham-Sud en Estrie. « On étudiait dans le même domaine de production et on s’est rencontrés dans une fête organisée par des amis communs. Le jour suivant, on se demandait chacun de notre côté si on était vraiment ensemble, parce que des fois, après les partys, c’est un peu flou. Mais oui, finalement, ça fait 25 ans que ça dure », rigole Lyne. Son conjoint François ne se gêne pas pour rappeler à leurs trois garçons l’importance de s’inscrire au cégep. « Vous savez, c’est là que j’ai rencontré maman », leur dit-il souvent à la blague. Leur plus vieux, intéressé par l’agriculture, vient d’ailleurs de s’inscrire à l’ITAQ.

Un esprit de partys

Marc-Antoine Jutras et Chloé Chénier, actuellement étudiants à l’ITAQ, se sont rencontrés dans le cadre de leurs études en gestion agricole. Photo : Thomas Dion
Marc-Antoine Jutras et Chloé Chénier, actuellement étudiants à l’ITAQ, se sont rencontrés dans le cadre de leurs études en gestion agricole. Photo : Thomas Dion

Aujourd’hui, après la pandémie de COVID-19 qui a forcé la suspension des activités étudiantes, les choses ont repris leur cours habituel à l’ITAQ, indique le président de l’Association étudiante du campus de Saint-Hyacinthe, Danick Bonnette. Pour souligner la Saint-Valentin, par exemple, plusieurs activités ont été organisées, dont une chasse aux trésors en couple et une pause puppy, où les étudiants sont invités à relaxer en compagnie de chiens. « C’est une communauté tissée serrée, et c’est assez facile de finir par connaître tout le monde, parce qu’on est juste 600 étudiants. C’est assez rare, ce genre d’esprit, parce que dans la plupart des cégeps, les étudiants de différents programmes se côtoient, alors qu’ici, c’est spécialisé. Tout le monde a des intérêts communs pour l’agriculture. Ça aide sûrement à faire naître des romances, ou simplement des amitiés », observe-t-il.

Le coup de foudre s’est ainsi produit pour Chloé Chénier et Marc-Antoine Jutras, actuellement étudiants à l’ITAQ en gestion agricole. Et comme plusieurs autres couples qui se sont formés dans cet établissement avant eux, ils pensent reprendre ensemble la relève de la ferme de la famille de Marc-Antoine après leur formation.

De son côté, Kevin Richard, enseignant à l’ITAQ, confirme le phénomène, alors que ses propres parents se sont rencontrés à cet endroit. « C’est peut-être parce que l’agriculture a une réalité différente des autres professions, avec des horaires sept jours sur sept, par exemple. Ici, des étudiants de différents endroits à travers le Québec se retrouvent et ils ont souvent des valeurs communes reliées à l’agriculture », analyse-t-il. L’enseignant souligne également que les liens ou les amours qui se créent entre les murs de l’Institut sont souvent très forts et persistent à travers les années, peut-être pour cette raison.

Une explication à laquelle adhère Lyne Brodeur, qui, en plus de son amoureux, garde de nombreux amis depuis sa graduation de l’ITAQ, en 2000. « Des fois, c’est difficile de jaser avec des gens qui ne s’y connaissent pas en agriculture. Il faut toujours expliquer notre mode de vie, justifier nos nombreuses heures de travail. Mais avec des gens du milieu, on a le même jargon en partant. Je dirais que 75 % de notre réseau d’amis, on l’a développé à l’ITAQ. Et ce sont souvent des amitiés très fortes, encore aujourd’hui », confie-t-elle.