Vétérinaires 11 novembre 2023

De la théorie à la pratique en gestion de crise d’influenza aviaire

Le secteur avicole québécois a connu le premier cas d’influenza aviaire de son histoire le 10 avril 2022. Depuis, on compte un total de 47 cas déclarés dans la province, dont le dernier était le 6 mai 2023.

Le tableau 1 montre que tous les types de volailles ont été affectés même s’il est reconnu que les canards et les dindons sont plus susceptibles à la souche H5N1 hautement pathogène en cause. Au total, 20 troupeaux sous production contingentée ont été affectés.

Plan de mesures d’urgence

L’Équipe québécoise de contrôle des maladies avicoles (EQCMA) travaille sur le développement d’un plan de mesures d’urgence depuis 2004, à la suite de l’épisode d’influenza aviaire qui avait gravement affecté le secteur avicole de la Colombie-Britannique. Durant toutes ces années, une bonne partie du travail était une préparation théorique par le développement d’une structure de gestion d’urgence, de protocoles de biosécurité rehaussée, d’un outil géomatique informatisé permettant de localiser géographiquement sur une carte toutes les fermes avicoles de même que les principaux intervenants de la filière, un régime d’indemnisation, etc. 

Par ailleurs, d’autres éléments du plan d’urgence étaient plus d’ordre opérationnel, tels que la disponibilité d’une ligne d’urgence, l’acquisition d’équipement de dépeuplement avec fournisseur de service externe sous contrat, l’accumulation d’une réserve de matériel de biosécurité et l’établissement d’un réseau de communication par courriel dans la filière.

Au cours de la période entre 2010 et 2022, plusieurs de ces outils avaient été utilisés ou mis à contribution lors de la gestion de cas de laryngotrachéite ­infectieuse et de mycoplasmose à Mycoplasma ­gallisepticum, affectant occasionnellement le cheptel avicole. Cependant, c’est durant les épisodes ­d’influenza aviaire que tous ces outils ont été testés à leur plein potentiel. 

Parmi les outils ayant eu une contribution majeure durant les épisodes de maladie, notons l’outil géomatique qui a permis de partager avec l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) dans un délai de 15-20 minutes une liste exhaustive des fermes et intervenants dans une zone géographique comprenant chaque site infecté. Grâce à cet outil, l’ACIA a pu mettre en œuvre rapidement son plan d’intervention pour ­minimiser les risques de propagation. 

Les équipements de dépeuplement au dioxyde de carbone et le fournisseur de service les employant ont été déployés à de multiples reprises. L’expérience acquise dans d’autres circonstances a permis à ce dernier d’euthanasier rapidement les volailles malades et de limiter leur souffrance. Cependant, nous avons fait face à une pénurie de gaz à quelques reprises. Cette situation s’est révélée un apprentissage important qui a mené les partenaires de l’EQCMA à réfléchir à d’autres ­stratégies. Par conséquent, ­l’EQCMA travaille depuis sur de nouvelles technologies de dépeuplement humanitaire afin d’améliorer ses options en situation de crise.

Un élément pour lequel le secteur n’était pas prêt au début 2022 concernait la gestion des permis émis par l’ACIA afin de contrôler les déplacements permettant la continuation des activités aux sites avicoles non infectés dans les zones géographiques de contrôle de la maladie, par exemple la livraison de poussins ou le transport de volailles à l’usine de transformation, la collecte d’œufs, la livraison de moulée, de propane ou autre intrant. Avant les premiers cas au Québec, des rencontres de travail ont eu lieu avec des représentants des principaux partenaires de l’industrie (associations de producteurs, transformateurs, couvoirs, fabricants d’aliments pour animaux et classificateurs d’œufs), de l’ACIA et du MAPAQ afin de convenir d’un processus de collaboration en situation de crise. Lors de l’éclosion du premier cas, ce processus a été mis en œuvre et, après quelques ajustements, s’est avéré une approche efficace pour tous les partenaires concernés.

Les protocoles de biosécurité rehaussée sont d’autres outils qui avaient été développés il y a plusieurs années, mais jamais déployés. Ce travail a pris toute sa valeur lorsque le premier cas a été détecté. Du côté de la réserve de matériel de biosécurité, elle a été peu utilisée, mettant en évidence que les producteurs ont déjà ce type de matériel en leur possession ou peuvent l’acquérir facilement. Finalement, le Régime d’indemnisation des maladies avicoles du Québec (RIMAQ) mis en place en 2019 a été mis à rude épreuve au cours des deux dernières années avec des déboursés de plus de 2 M$. Cette situation a mené le conseil d’administration de l’EQCMA à prendre des mesures pour en assurer la pérennité, notamment avec un renforcement des provisions financières.

En conclusion, l’adage Vaut mieux prévenir que guérir prend tout son sens en gestion de crise sanitaire et l’expérience des deux dernières années a prouvé qu’une bonne préparation peut faire une énorme différence dans un processus d’intervention, même s’il y aura toujours des ajustements en cours de route.